Des clowns pour mieux vieillir... - L'Infirmière Magazine n° 255 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 255 du 01/12/2009

 

Gériatrie

Du côté des associations

Le jeudi, des clowns professionnels rencontrent les personnes âgées des services long séjour de l'hôpital gériatrique des Charpennes. Une bénéfique bouffée d'émotions.

ils ne sont pas discrets ! quand les clowns ont « emménagé » en mai dernier à l'hôpital gériatrique des Charpennes de Villeurbanne, des passants et des patients ont été mis à contribution pour les aider à transporter leurs énormes - et symboliques - valises en carton... Assurément, l'animatrice du site, Claude Palazzo, qui veut « dédramatiser les lieux, pour les inscrire dans la vie du quartier », a bien réussi son coup ! Depuis, les clowns sont devenus les compagnons du jeudi des plus de 90 ans, des soignants et des familles. Aujourd'hui, c'est le flamboyant duo formé par Zoé et Gustina (Carole Devillers et Isabelle Bazin) qui entame sa tournée. Gaillardement, elles interpellent et plongent tous ceux qu'elles croisent dans « une autre dimension ».

improviser et respecter

Dans la chambre d'Éliane, autour de son lit, s'improvise, comme par magie, une fête d'anniversaire. Avec amusement, la vieille dame participe à la comédie : elle feint de souffler une bougie et même de jouer, de sa main valide, d'un instrument imaginaire... Son voisin, lui, fait l'objet d'une tentative de recrutement : « On a besoin d'une voix d'homme pour notre chorale ». Il ne chante pas, mais son oeil s'illumine quand Gustina interprète un morceau d'accordéon. Autour d'eux, Zoé continue à faire la pitre et se penche vers le vieil homme... qui lui saisit la main. Un ange passe. Instant de tendresse et d'émotion. « Ce vieux monsieur est presque aveugle », soufflent-elles en sortant...

Zoé, alias Carole Devillers, ex-psychomotricienne, a créé avec une autre comédienne l'association « Vivre aux éclats », en 1996. Aujourd'hui, leur équipe de huit clowns professionnels intervient également en pédiatrie. « Jamais, explique-t-elle, nous n'interprétons de numéro. À chaque fois, ce sont des rencontres qui s'improvisent, dans le respect, sans infantilisation. Le clown révèle des pulsions primaires. Il crée du lien autrement, notamment auprès des personnes séniles, désorientées, distantes... On joue même à râler de concert avec celles qui sont agressives. On les laisse aussi nous chasser : c'est bon de pouvoir dire non... »

apporter du bonheur

« Par moments, ce décalage permet d'aborder, poétiquement, des sujets tabous, ajoute Claude Palazzo. Par exemple, les personnes âgées n'avouent jamais à leur famille leur envie ou leur peur de mourir. Quant au discours des soignants, il porte toujours sur la guérison. Les clowns sont un bon canal pour aborder ces questions. » « Par exemple, explique Zoé, une dame nous a dit qu'elle voulait partir... Avec un sifflet, en pépiant, le clown lui a demandé si elle voulait partir comme un oiseau, par la fenêtre. Cette dame est morte le lendemain... »

Ces interventions sont réussies parce qu'elles se déroulent en partenariat avec les équipes permanentes de l'hôpital. Le jeudi, avant leur « show », l'animatrice Claude Palazzo dresse un état des principaux changements intervenus dans la semaine (décès, dégradations...). Les clowns participent aussi à la relève du matin entre soignants, rédigent un cahier de liaison et une réunion trimestrielle a lieu pour faire le point sur leur présence. Deux critiques ont été émises : les clowns seraient parfois bruyants et exciteraient trop certains malades. Ces clowns, qui sont des professionnels, cherchent véritablement à s'adapter le mieux possible aux spécificités du monde hospitalier : ils se remettent en cause et, chaque mois, analysent leur travail avec une psychanalyste.

décalage salutaire

« Les clowns apportent beaucoup de bonheur dans les services , témoigne Emmanuelle, infirmière. Et ils passent des messages que nous avons du mal à transmettre. Je me souviendrai toujours de leur "Faut pas faire pipi par terre" ! »

« Après son AVC, j'ai vu une dame aphasique rire avec eux ! », s'enthousiasme Frédérique, aide-soignante. « Nous l'avons accompagnée à la messe, poursuit Zoé. Elle riait, je suis certaine qu'elle avait bien conscience du décalage... Le prêtre a refusé qu'on chante Le p'tit vin blanc, mais il a suggéré un autre chant. Ce fut Je vous aime... »

« Certains des résidents pleurent, rigolent, se métamorphosent complètement grâce à eux », atteste Annie, une autre aide-soignante. Ces clowns semblent bien être les meilleurs antidépresseurs au monde !

Contact

« Vivre aux éclats », à Lyon (69006).

Direction : Valérie Imbert.

Tél. : 04 78 24 33 37.

Internet : http://www.vivreauxeclats.fr

et vivre.aux.eclats@free.fr.

Articles de la même rubrique d'un même numéro