Le « handicap invisible » - L'Infirmière Magazine n° 255 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 255 du 01/12/2009

 

traumatisme crânien grave

Dossier

Le traumatisme crânien est en lui même terrifiant. Mais la vie « d'après » peut se révéler tout aussi violente. De la redécouverte de soi à l'appropriation d'une nouvelle existence, le parcours est souvent long, solitaire et imprévisible.

Au départ, il y a le choc. Le trauma. Souvent sous le feu des projecteurs. Les sirènes hurlantes des pompiers et du Samu appelés sur les lieux d'un accident de la route, les regards intrigués et effrayés de conducteurs qui ralentissent « pour voir ce qui se passe », parfois même les flashs des journalistes dépêchés sur les lieux du crash. Ailleurs, le voisinage qui s'émeut quand un homme âgé tombe du toit, les hurlements d'un parent dont l'enfant chute, la panique dans l'atelier face au collègue touché à la tête, l'émoi enflant sur les pistes de ski face à une chute spectaculaire.

Séquelles silencieuses

Au départ, c'est ça. L'arrivée des premiers secours, le transport dans le coma aux urgences les plus proches. Une question de vie ou de mort. Des proches affolés dont la seule interrogation est : « va-t-il, va-t-elle survivre ? » « Mais ce n'est que le départ. Car lorsque le cerveau est gravement touché, en quelques secondes, un instant, c'est la vie entière qui bascule »... loin des feux des projecteurs. Tous les traumatisés crâniens le disent, « dans le trauma crânien, il y a un "avant" et un "après" ». Un « après » au cours duquel ils vont devoir affronter toute une kyrielle de séquelles dues au choc initial. Des séquelles parfois physiques, mais avant tout neuropsychologiques, d'ordre cognitif et comportemental, comme l'explique Catherine Kiefer, chef du service de soins et réadaptation pour traumatisés crâniens à l'hôpital Nord 92 (Villeneuve-la-Garenne). Désinhibition, lenteur ou aphasie, agressivité, troubles de la mémoire, de la conscience de soi, difficultés de raisonnement... les troubles sont multiples, et comportent autant de nuances que d'individus. Et le handicap est d'autant plus douloureux qu'il est de l'ordre de « l'invisible », tant les séquelles sont souvent méconnues, silencieuses, singulières, ne se manifestant parfois que dans certaines circonstances.

« Tout réapprendre ! »

Sylvie avait tout juste 30 ans lorsqu'elle a eu « [son] trauma crânien ». Il a suffi d'une chaussée glissante alors qu'elle se rendait au travail, d'un virage mal négocié pour que tout se brise. Voiture en miettes. Vie en miettes. Transportée aux urgences du CHU de Bordeaux, plongée 21 jours dans le coma en service de réanimation, elle a passé plus d'un an en centre de rééducation et de réadaptation, à la Tour de Gassies (à Bruges, en Gironde). Des mois, des années le plus souvent, pour tenter, pas à pas, « de tout réapprendre, car l'on est comme un enfant, démuni, dépendant, mais en colère aussi ! » Réapprendre à bouger, à parler, à manger, à lire, à se repérer dans le temps et l'espace, à être avec les autres, les proches et les moins proches... Un parcours semé d'embûches, « comme une seconde naissance », commente-t-elle, 13 ans après son accident. D'autant, souligne-t-elle, que la sortie du centre de rééducation n'est pas synonyme de fin du parcours. Car se réadapter, se réinsérer, c'est aussi, au quotidien, retrouver une place au sein d'un chez soi, dans sa famille, parmi ses amis, au travail... quand cela est possible.

Cataclysme pour les proches

Retrouver « une » place, rarement celle que l'on avait « avant » tant le traumatisme crânien a tout bouleversé, « mais une place quand même », précise la jeune femme. Aujourd'hui, Sylvie sourit. Oui, elle garde des séquelles de son accident : un syndrome cérébelleux qui la handicape lourdement sur le plan moteur, une certaine lenteur au plan cognitif, des troubles de mémoire, une fatigabilité qui l'irrite. Mais après les années de colère, elle dit « avoir eu de la chance » par rapport à d'autres : des parents qui ont toujours été là, des équipes soignantes qui l'ont accompagnée dans son deuil de « [sa] vie d'avant », sans parler de son retour au monde professionnel, en milieu protégé, de la rencontre avec son mari, lui aussi traumatisé crânien, et de la naissance de leur enfant... « Est-ce ma nature optimiste qui me fait parler ainsi ? s'interroge-t-elle. Certainement ! Le recul aussi, 13 ans après ce jour de mai 1996. Ce cataclysme. » Cataclysme, le trauma crânien l'est, pour les patients, et pour leurs proches, qui souvent disent ne plus les reconnaître. « C'est lui, mais pas vraiment. Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. » Un bouleversement particulièrement complexe à accompagner pour les équipes soignantes et médico-sociales.

Accidents de circulation

Il existe peu de données épidémiologiques sur le traumatisme crânien. Se fondant sur une enquête réalisée en 1986 en Aquitaine, l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens (UNAFTC) évaluait en 2001 à quelque 150 000 le nombre de personnes touchées par an. Parmi les survivants, le traumatisme crânien est considéré comme léger dans 80 % des cas, modéré dans 11 % et grave dans 9 %. Si le traumatisme crânien est léger, les patients hospitalisés peuvent très vite rentrer chez eux, les troubles initiaux disparaissant rapidement. Dans les cas les plus graves, plus de 8 000 personnes conservent des séquelles invalidantes, 1 800 demeurent dépendantes et plusieurs dizaines ne sortent pas de l'état végétatif chronique ou pauci-relationnel. Si les campagnes de sécurité routière ont contribué à faire baisser le nombre de morts sur les routes, dans près de 70 % des cas, le trauma crânien reste dû à un accident de la circulation.

épidémie silencieuse

Quand à la population touchée par les traumatismes crâniens, elle est très spécifique : deux à trois fois plus d'hommes que de femmes, et essentiellement des jeunes de 15 à 30 ans (avec deux pics de moindre ampleur chez les moins de 5 ans et les plus de 70 ans). Combien de morts dues aux traumas crâniens ? Difficile à dire avec précision. De 7 à 17 % selon les études, selon que l'analyse coure ou non sur des années. Mais un fait demeure : le trauma crânien reste la principale cause de décès chez les moins de 40 ans, à tel point que les experts en parlent comme d'une « épidémie silencieuse ».

« Bête rare... »

Ce chiffre a de quoi déboussoler plus d'un soignant, quand formation et informations sur le sujet manquent cruellement. Hormis pour ceux travaillant au quotidien à leurs côtés, les traumatisés crâniens ont souvent l'image de « bête rare », souligne un spécialiste : « Il nous arrive encore, au hasard d'une consultation, dans un service d'orthopédie par exemple, de retrouver un patient traumatisé crânien attaché à son lit parce que l'équipe, déboussolée par son agitation, n'a pas compris ses troubles ».

Certes, précise Edwige Richer, médecin à Château Rauzé (Cénac), seul centre en France entièrement dédié aux traumatisés crâniens, « comprendre un traumatisme crânien n'est pas évident tant c'est une pathologie complexe, multidimensionnelle. Il n'y a pas d'image associée, visible, comme un fauteuil, une brûlure. Et surtout il n'y a pas deux traumatismes crâniens identiques. » Et pourtant, la formation, en cycle général de faculté de médecine ou en Ifsi, consacre rarement plus de quelques heures au trauma crânien. Quelques DIU sur les aspects médicaux et sociaux du traumatisme crânien ont bien été créés. Il en existe même un centré sur les états végétatifs chroniques et les états pauci-relationnels, et encore un autre sur le traumatisme crânien de l'enfant et de l'adolescent. Mais pour l'essentiel, les soignants travaillant auprès des traumatisés crâniens apprennent... dans les services, que ce soit sur le tas ou via des formations dédiées.

Progrès insuffisants

Complexe, la prise en charge des traumatisés crâniens a cela dit fortement progressé ces trente dernières années. Amélioration de l'imagerie médicale et des techniques de réanimation associées, naissance et essor de la médecine physique et de réadaptation, « les progrès se comprennent aussi bien en termes de survie que de qualité de la prise en charge au long cours », explique Marie-Christine Cazals, vice-présidente de l'UNAFTC. « Quand on songe qu'il y a 25-30 ans, une majorité des traumatisés crâniens les plus graves décédaient, qu'aucune structure dédiée ou presque n'existait, on peut même parler d'un sacré bond en avant ! », poursuit-t-elle. En 1995, un rapport de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) - le rapport Lebeau -, a bien lancé les choses. Pour autant, beaucoup reste à faire, estime Marie-Christine Cazals, et ce d'un bout à l'autre de la filière de soins. « Notamment en termes de prise en charge des cas les plus graves, et, à l'extrémité de la chaîne, en termes de structures et d'accompagnement médico-social au sortir des centres de rééducation », remarque Catherine Kiefer, soulignant au passage combien ces structures restent très inégalement réparties sur le territoire.

« Travailler ensemble, d'un bout à l'autre de la filière, acteurs pluriels des équipes soignantes, acteurs pluriels d'une filière sanitaire ET médico-sociale »... l'expression est sur toutes les bouches des professionnels du secteur. Comme un impératif. « Bien sûr, on peut distinguer différentes étapes dans le parcours d'un traumatisé crânien, explique Edwige Richer. Réanimation, éveil, rééducation, réadaptation, réinsertion. Mais ces étapes ne sont pas étanches ! Et elles ne doivent pas l'être si l'on veut pouvoir appréhender, et donc accompagner, une personne traumatisée crânienne dans la complexité de son vécu. »

Chef d'un service singulier de « rééducation post-réa » au centre médical de l'Argentières (à Aveize, dans le Rhône), accueillant des personnes sortant du coma et aux capacités de communication réduites et des patients en état végétatif chronique et état pauci-relationnel, François Tasseau insiste : « Pour être pertinent, on ne peut "saucissonner" les patients. La réanimation veille au maintien des fonctions vitales, la rééducation est un travail visant à la récupération de capacités. Mais il est des moments où, même si les fonctions vitales sont encore fragiles, il faut, impératif thérapeutique, commencer la rééducation ! »

Naissance d'un étranger

Lors d'une toilette en réanimation, être à l'écoute pour guetter le moindre signe d'éveil et le favoriser ; lors de la rééducation, encourager une sortie à domicile, premier pas vers la réadaptation ; évoquer dès que cela est possible les questions financières, l'organisation nécessaire au retour en famille, la notion de travail... L'accompagnement d'un traumatisé crânien est pluriprofessionnel et au long cours, assurance de parcours de soins longs et imprévisibles. « Et cela commence dès la réanimation, insiste Joëlle, infirmière en réa chirurgicale au CHU de Bordeaux. Car les premiers temps, ceux de la réanimation puis de l'éveil, sont ceux de l'extrême, de la brutalité. » Ceux de la « naissance d'un étranger » comme le résumait le rapport Lebeau. Naissance d'un étranger à soi-même pour le patient, naissance d'un étranger pour les familles aussi, qui, les questions de vie ou de mort écartées, commencent à entrevoir que « rien ne sera plus jamais comme avant ».

« L'accueil des proches, l'écoute de leurs questions encore tout juste chuchotées fait ainsi partie intégrante du travail infirmier et médical, même dans un service aussi technique que la réa », explique Joëlle. Les questionnements éthiques sont quotidiens, d'autant qu'aujourd'hui encore, l'évolution d'un traumatisme crânien reste très difficilement prévisible, précise Françoise Masson, médecin dans le service.

Lésions diffuses du cerveau consécutives à un choc traumatique, le trauma crânien provoque une perte de connaissance ou un coma, dont la profondeur et la durée influent sur la gravité des séquelles. Un premier diagnostic de sa gravité initiale est fait via l'imagerie (IRM, TDM) et l'évaluation clinique (échelle de coma de Glasgow) : l'ouverture des yeux, la réponse motrice et la réponse verbale sont testées chaque jour. Selon le score, le traumatisme crânien est dit léger (13 à 15), modéré (9 à 12) ou sévère (3 à 8). Le traitement neurochirurgical est parfois nécessaire. Y a-t-il présence ou non d'hémorragie cérébrale ? d'hypertension intracrânienne ? « La vigilance des soignants accompagnant les traumatisés crâniens doit être intense, observe Joëlle. Surveillance de l'état pupillaire, de la pression intracrânienne, de l'hémodynamique, de la tension, de l'élimination... La mobilisation des patients envisagée le plus vite possible. » Jusqu'à ce que, éveillés (sans forcement être conscients), et autonomes sur le plan respiratoire, ils puissent partir en centre - ou service - de rééducation-réadaptation.

Intégrer les familles

« Le centre de rééducation est comme une deuxième maison aux dires de nombreux patients », remarque Edwige Richer. Il faut quelques mois, plus souvent de un à cinq ans, avant que l'on puisse parler de stabilisation de l'état de l'un ou l'autre. Un parcours douloureux, pétri de réapprentissages, d'étapes successives dans le travail de deuil, celui de « la vie d'avant », indispensable pour envisager un « après ». « Tout réapprendre, précise Sylvie. Et non pas "refaire". C'est long, lent, ça fait mal. » Difficile pour les patients, longtemps anosognosiques, éveillés mais n'ayant pas pleinement conscience de leur état. Difficile pour les familles aussi, qui aimeraient qu'un retour à la normale soit possible. Impossible, bien souvent. Du moins sous la forme que l'on connaissait avant. Le trauma crânien est un séisme, personnel, familial et social aussi. « L'intégration des familles dans le projet de soins, de vie, des patients, est donc primordiale, souligne Sophie Granger, infirmière à la Tour de Gassies. Et leur aide est d'ailleurs précieuse au plan thérapeutique. » Pour accompagner un patient, surtout désinhibé, savoir s'il était renfermé ou extraverti est essentiel. Pour l'aider à retrouver une mémoire, disposer d'objets personnels de sa chambre peut aider.

Autour des patients et de leurs familles, des équipes pluridisciplinaires. « La multiplicité des regards est essentielle, souligne Catherine Kiefer. Le rôle des infirmières et aides-soignantes, qui accompagnent au plus près chaque patient, particulièrement crucial. » L'échange en équipe est indispensable, précise Cécile Choisat, neuropsychologue à Gassies.

Retour difficile

« Encourager, mais pas trop. Pour ne pas donner de faux espoirs. Accompagner l'acceptation des séquelles en travaillant sur les capacités. La pratique des soignants a un petit air d'exercice d'équilibriste », fait remarquer Nadine Moal, cadre de santé à la Tour de Gassies. L'accompagnement est éprouvant, empreint d'empathie tant il s'inscrit dans la durée. Il faut une bonne dose de patience, la capacité à gérer l'imprévisible, savoir trouver « la juste distance ».

La concertation est impérative pour pouvoir construire avec le patient un projet cohérent. Elle l'est aussi pour ne pas se laisser déborder par ses souffrances et celles de sa famille qui, parfois, peut vouloir l'impossible, quand elle est encore dans le déni, à fortiori si la situation à venir - comme le retour à la maison, paraît insurmontable.

C'est, comme le dit Sylvie, que le parcours ne s'arrête pas sitôt franchies les portes de sortie du centre de rééducation-réadaptation. « Or, souligne Edwige Richer, le traumatisme crânien a ceci de particulier que, passé la phase de rééducation, de la restauration des fonctions qui peuvent l'être, existe une phase de réadaptation, de prise de conscience de ses incapacités, particulièrement difficile. »

Parce qu'ils sont souvent jeunes, enfants, adolescents ou jeunes adultes, l'immense majorité des patients rentrent en effet chez eux. Un retour que l'on pourrait s'imaginer accueilli par un grand soupir de soulagement, mais qui dans les faits est très compliqué à gérer, et pour les patients, et pour leur famille. La maison est devenue un nouvel environnement à apprivoiser, après une longue période de relatif « coocooning » en centre de rééducation.

« Les rôles et places de chacun au sein du couple, de la fratrie, ont changé » explique Jean-Marc Destaillats, psychiatre et praticien de médecine physique et réadaptation, coanimant une consultation « handicap et famille » au CHU de Bordeaux. Bien des familles se déchirent à un moment ou à un autre, ce qui complique encore la phase de réinsertion. Gérer les troubles du comportement d'un conjoint, son irascibilité face à une situation qu'il a le sentiment de ne pas maîtriser ; voir son enfant en échec scolaire car ses troubles d'apprentissage persistent : tout cela n'a rien d'évident.

Et les solutions de secours sont minces, souligne Catherine Kiefer, rappelant combien les structures médico-sociales - FAM et MAS - qui devraient exister pour accueillir les traumatismes crâniens, et notamment les traumatismes crâniens graves, manquent cruellement dans certaines régions.

Retrouver une place

Se réinsérer. Retrouver une vie avec ses proches. Affronter le regard des voisins qui ne comprennent pas que si l'on titube ce n'est pas que l'on a bu mais que l'on souffre de lésions cérébelleuses.

Parfois aussi, retrouver le monde professionnel, souvent au terme d'un accompagnement par une Ueros (Unité d'évaluation, de réentraînement et d'orientation socioprofessionnelle). Retrouver un travail pour retrouver une place dans la société, nombre de traumatisés crâniens y tiennent. Accepter de s'orienter vers le secteur protégé, voire vers le non-travail.

Comme une énième étape sur le chemin de sa réappropriation d'une identité...

À retenir

150 000 personnes par an, en majorité des hommes jeunes, sont victimes de traumatisme crânien, à 70 % suite à un accident de la route.

Le traumatisme crânien est la première cause de mortalité des moins de 40 ans. Parmi les survivants, le traumatisme est léger dans 80 % des cas, modéré dans 11 % et grave dans 9 %.

Les séquelles d'un traumatisme crânien sont parfois motrices mais avant tout neuropsychologiques, d'ordre cognitif et comportemental.

enfants

SOUVENT DE MAUVAIS PRONOSTICS

Accident de la route, chute... ou bébé secoué, les traumas crâniens sont la première cause de décès des enfants de plus de 1 an. « En dépit d'une plasticité cérébrale plus grande que celle des adultes, et contrairement à ce que l'on a longtemps cru, plus l'enfant est jeune au moment du traumatisme crânien, moins le pronostic est bon, surtout si l'atteinte est diffuse ou si les lésions concernent des zones stratégiques comme le lobe frontal, explique Anne Laurent-Vannier, chef du service de rééducation des pathologies neurologiques acquises de l'enfant à l'hôpital Saint-Maurice (94), et présidente de France traumatisme crânien. Un enfant est un être en devenir. À l'impact immédiat des lésions s'ajoute un effet à retardement par défaut d'apprentissage et l'enfant ne sera pas celui qu'il aurait pu devenir. » Françoise Laloua, chef de service de l'unité d'éveil et du secteur de rééducation et réadaptation dédié aux jeunes en cursus scolaire à la clinique du Grésivaudan (Saint-Hilaire du Touvet, 38), insiste : « Si la stabilisation de ces enfants peut parfois paraître satisfaisante au départ, sur le long terme elle est très aléatoire, notamment dans le domaine scolaire ». Elle a mis en place il y a 5 ans une équipe mobile scolaire spécifique à ce suivi.

En savoir plus

> Site de l'UNAFTC : http://www.traumacranien.org.

> Site de France traumatisme crânien, association de professionnels : http://www.francetraumatismecranien.fr.

> Site de l'association européenne d'étude des traumatisés crâniens et de leur réinsertion : http://www.ebissociety.org.

> « Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre », documentaire de Marianne Lamour.

initiatives

L'ÉTOFFE DES UEROS

« Pour beaucoup, les Ueros (cf. p. 32) sont synonymes de retour vers la vie professionnelle. Sauf que ce chemin, beaucoup ne peuvent finalement le suivre. Et que la tâche des Ueros est d'ailleurs censée être bien plus large », note Marie-Christine Cazals, vice-présidente de l'UNAFTC. Bilans d'évaluation, réentraînement à la vie active, construction du projet social, aide à l'orientation et suivi individualisé, tels sont les objectifs fixés par une circulaire de 1996. Pour y répondre, l'Ueros Aquitaine s'est organisée en réseau afin de mutualiser aux mieux les compétences de chacun. Évaluation neuropsychologique et comportementale par une équipe du CHU de Bordeaux ; appartements d'autonomisation sociale gérés par l'Adapt, association fondatrice de Château Rauzé ; et unité d'orientation et réinsertion professionnelle du centre de la Tour de Gassies, créée dès 1989 sous forme de section expérimentale. « Tenter de dénouer une situation familiale tendue, se confronter au monde du dehors, à la vie sociale, en partageant un appartement, retrouver peut-être une activité - salariée, ou non -... pour un traumatisé crânien, c'est long, douloureux. À nous de travailler ensemble pour les accompagner », commente Yannick Vigneau, ergothérapeute, chef de l'unité d'apprentissage de la vie sociale du dispositif.

prise en charge

PEU D'UNITÉS POUR LES ÉTATS VÉGÉTATIFS CHRONIQUES

Quelques dizaines de cas par an peut-être. Mais une douleur infinie... Accompagner des personnes en états végétatifs chroniques - ou états pauci-relationnels - qui, jusqu'à il y a peu, décédaient de suites de leur traumatisme crânien, « c'est un peu se confronter aux limites de la médecine de pointe », note Françoise Masson, médecin en réanimation à Bordeaux. C'est accompagner la vie, mais si ténue qu'elle est aussi absente. Une tâche complexe, y compris en matière d'aménagement de lieux de soins spécifiques, passé les premiers instants, ceux où l'on peut encore espérer une amélioration notable de l'état des patients. Parue en 2002, une circulaire préconise la création d'unités spécifiques. Ici et là, l'aménagement se fait. « Mais on est encore loin du compte, commente Catherine Kiefer, 90 lits de créés en île-de-France sur 150 prévus, et 300 en France sur les 800 prévus. » Sans parler des structures de suite éventuelles, des MAS notamment, qui font toujours elles aussi particulièrement défaut dans certaines régions.

En savoir plus>

> Dir. Hélène Oppenheim-Gluckman, Vivre au quotidien avec un traumatisé crânien, guide à l'attention de la famille et des proches, éd. CTNERHI-CRFTC, 2007. http://www.ctnerhi.com.fr.

> F. Cohadon, J.-P. Castel, E. Rocher, J.-M. Mazaux, H. Loiseau, Les traumatisés crâniens, de l'accident à la réinsertion, Paris, éd. Arnette, 1998.

> P. Azouvi, P.-A. Joseph, J. Pélissier, F. Pellas, Prise en charge des traumatisés crânio-encéphalique, de l'éveil à la réinsertion, Paris, Masson, 2007.

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