Les accidents de plongée - L'Infirmière Magazine n° 255 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 255 du 01/12/2009

 

urgence

Conduites à tenir

L'accident de décompression est entraîné par les conséquences du non-respect des lois physiques liée à la pression des gaz, leurs volumes et leur dissolution dans le système vasculaire. Retour sur ces différentes lois et leurs dangers inhérents.

DÉFINITION

Les accidents de plongée sont directement liés aux variations de pression ; ils sont susceptibles d'entraîner plusieurs types d'accidents.

Accidents barotraumatiques

Les accidents barotraumatiques - ou barotraumatismes -, atteignent les cavités de l'organisme contenant de l'air : sinus, dents « défectueuses » (soins dentaires inexistants ou de mauvaise qualité), poumons, estomac ou encore oreilles dont l'atteinte est la plus fréquente car elles sont plus sensibles aux petites variations de pression.

La loi de Mariotte explique ces pathologies par l'équation pression X volume = constante. Dans les organes creux, en remontant vers la surface, la pression diminue et le volume de gaz augmente. L'air se distend et provoque des barotraumatismes. Citons, par exemple, la perforation du tympan, la perforation gastrique ou le pneumothorax...

Certaines manoeuvres et consignes permettent d'éviter ces problèmes :

> Surveiller son état général de santé et de fatigue.

> Vérifier régulièrement l'absence de création de bulles d'air dans les articulations, mais aussi au niveau des arcs dentaires (veiller à des soins dentaires réguliers et éloigner toute plongée d'un soin dentaire récent).

> Pratiquer la plus importante des manoeuvres : celle dite de Vasalva. Elle permet d'équilibrer les pressions de l'oreille moyenne avec la pression extérieure par le biais des trompes d'Eustache.

> Ne pas bloquer sa respiration pendant la remontée est une autre des techniques indispensables au plongeur : cela évitera l'éclatement de la poche gastrique, un pneumothorax, une lésion pulmonaire grave, etc.

Accidents biochimiques

La composition artérielle des gaz dissouts se modifie avec la variation de pression. Le gaz le plus gênant reste l'azote N2. Le plus fréquent des incidents est la narcose des profondeurs ou narcose à l'azote : à une certaine pression atmosphérique, le N2 devient toxique pour le cerveau, entraînant des troubles du comportement.

Accidents biophysiques

Ches les plongeurs « bouteille», à des pressions élevées, les gaz se solubilisent dans le système vasculaire. Or, quand les pressions diminuent (lors de la remontée), les gaz repassent à l'état gazeux : le changement d'état de l'azote N2 est rapide, et peut être à l'origine d'une bulle vasculaire entraînant un risque d'embolie. Les paliers de décompression sont donc des éléments de sécurité indispensables, permettant à cet élément dissous de repasser sous la forme gazeuse beaucoup plus progressivement ; ils sont alors éliminés par les voies respiratoires, sans entraîner de risque.

SÉMIOLOGIE

- Les manifestations cutanées sont le plus souvent attribuées aux accidents de décompression de type I (cf. classification anglo-saxonne ci-contre). Il faut néanmoins guetter les signes annonciateurs d'évolution vers un accident de décompression grave : asthénie, malaise, angoisse, agitation, nausée, pâleur, toux, céphalées...

- L'emphysème sous-cutané du cou ou de la face doit orienter vers la surpression pulmonaire (risque de pneumothorax).

- En ce qui concerne les atteintes ostéo-arthro-articulaires (ou bends), il est nécessaire de rechercher des éléments évoquant une pathologie du système nerveux central (hémiplégie, hémiparésie, tétraplégie...). La particularité des bends est que, à chaque mobilisation, la douleur est amplifiée.

- La douleur en « coup de poignard » rachidien est signe d'accident de décompression médullaire.

- Les céphalées s'intègrent dans le tableau du barotraumatisme des sinus.

- L'otalgie, l'otorragie, les troubles de l'équilibre, orientent vers le barotraumatisme de l'oreille. Il ne faudra pas conclure trop rapidement au mal de mer devant l'existence de vertiges, de nausées et de vomissements (après une plongée) : il est nécessaire de penser à l'accident de décompression de l'oreille interne, confirmé par un nystagmus (mouvement d'oscillation involontaire et saccadé du globe oculaire), des troubles d'équilibre.

Les signes d'accompagnement sont la pâleur, les sueurs et la bradycardie ; une surdité peut être associée.

L'examen clinique et paraclinique devra être orienté vers la recherche de signes neurologiques (cérébral et médullaire) :

> paresthésie (troubles de la sensibilité et de la mobilité sans douleur associée, à type de fourmillements) des membres ;

> déficit sensitif partiel (différenciation au piqué/touché, au chaud/froid) ;

> troubles sphinctériens, rétention urinaire ;

> graduation de la force musculaire de 0 à 5.

DEUX NIVEAUX D'ACCIDENTS

La classification anglo-saxonne décrit deux niveaux d'accidents.

Accidents « bénins » de type 1

- Cutanés : « puces » (sensation de brûlures ou piqûres) et « moutons » (sensation de bulles sous la peau, démangeaisons importantes fréquemment localisées au niveau lombaire, péri-ombilicale et toute zone comprimée pendant la remontée).

- Ostéo-arthro-articulaires : bends, qui sont des bulles de gaz apparaissant en intra-articulaire. Cette douleur débute une demi-heure à plusieurs heures après une plongée comportant un effort physique. Sa localisation est typiquement mono-articulaire, voire limitée à un membre (épaule, genou, coude, hanche, poignet ou cheville). Cette douleur résiste aux antalgiques banals.

Accidents « sérieux » de type II

- Malaise général avec gêne respiratoire : « ches ». Traduction clinique de l'hypertension artérielle pulmonaire secondaire à l'engorgement de la circulation pulmonaire, ce malaise précède souvent l'apparition d'une pathologie neurologique.

- Malaise à type de trouble(s) neurologique(s) présentant différentes formes cliniques. Les origines sont d'ordre vestibulaire, médullaire et/ou cérébrale.

- Ces accidents doivent être pris en charge et orientés le plus rapidement possible vers une structure hospitalière après régulation par le centre de réception et de réguation des appels (CRRA 15).

ALERTE

- En mer : radio VHF, canal 16 ;

- Sur terre : téléphone filaire ; 112 ; 15, 18, 17 (numéros d'urgence interconnectés).

RÔLE DU SECOURISTE

- Le bilan secouriste reprendra la trame communément suivie pour ensuite passer l'alerte complète et adaptée au CRRA 15 ou au centre de traitement des alertes (CTA)/ centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS 18).

1. Partie neurologie : Glasgow coma score (GCS) et/ou niveau de conscience, orientation dans le temps et l'espace, notion de traumatisme crânien, perte de connaissance initiale, etc.

2. Partie respiratoire : coloration, fréquence, amplitude, symétrie des mouvements, qualité de la ventilation, tirage ventilatoire, utilisation des muscles accessoires de la ventilation, bruit(s) ventilatoire(s)... L'administration d'oxygène doit être la plus précoce pour améliorer le pronostic vital et fonctionnel de la victime.

3. Partie circulatoire : fréquence, rythme et qualité

4. Thorax, abdomen, bassin, membres, traumatologie non vitale : recherche de douleur, ou anomalie, trouble de la sensibilité...

- Les signes seront identifiables et (ré)évaluables à intervalles réguliers afin de déceler toute évolution de situation. Les surveillances spécifiques se porteront sur :

> les sensations désagréables au niveau de la peau (puces, moutons, bends, prurit), voire crépitations neigeuses ;

> hémorragie ;

> vertiges, nausées, vomissement (attention de ne pas faire d'amalgame avec le mal de mer) ;

> marbrure(s), pâleur, cyanose (signes avancés et graves d'emblée).

- L'interrogatoire précis de la victime (ou de l'entourage) devra être conduit afin de relever :

> les premiers signes avec leurs horaires ;

> les signes divers (alarme sonore sur l'ordinateur de plongée, sang dans le masque de plongée), propos des autres plongeurs de la palanquée...

> les douleurs, même fugaces ;

> les antécédents et traitements.

- La récupération des données doit être faite dans les plus brefs délais ; l'ordinateur de plongée, s'il existe, doit accompagner la victime lors de son déplacement (les caissons régionaux d'oxygénothérapie hyperbare ont des outils informatiques permettant la lecture des données).

RÔLE INFIRMIER

- Interrogatoire pour confirmation de données et/ou complément d'information.

- Inspection clinique minutieuse (ex. : la piqûre venimeuse d'un poisson peut être la cause de l'accident de décompression et complique l'analyse de celui-ci).

- Examen clinique et paraclinique complet relevant à minima :

> recherche d'emphysème sous cutané qui sera considéré comme l'aggravation des bends ou « moutons » (repérer les limites de celui-ci à l'aide d'un tracé de crayon) ;

> recherche de pneumopéritoine sur rupture gastrique par exemple ;

> mobilité et sensibilité des membres (hémiplégie, tétraplégie, médullaire, central...), évaluer le niveau métamérique si troubles neurologiques bilatéraux (D4 = mamelons, D6 = appendice xyphoïde sternal, D10 = nombril...) ;

> pression artérielle non invasive, répétée, régulière... ;

> fréquence cardiaque ;

> saturation pulsée en O2, fréquence ventilatoire, capnographie non invasive : fréquente baisse de l'EtCO2 secondaire à un collapsus cardiovasculaire et effet espace mort pulmonaire - au contraire, hypercapnie sur gastralgie suite à la rupture gastrique ;

> ECG complet 12 dérivations et dérivations dorsales : infarctus du myocarde possible suite à la migration de bulles dans les artères coronaires ;

> recherche de douleur à type d'infarctus du myocarde ou évoquant une embolie pulmonaire : douleur basithoracique préférentiellement à droite, dyspnée, sensation de mort imminente... ;

> température ;

> glycémie capillaire ;

> pose de voie veineuse de sécurité si possible gros calibre avec prélèvement du bilan sanguin et préparation à la médicalisation (éventuellement mise en place du protocole s'il existe) ;

> prise en charge de la douleur et repérage des éléments douloureux (pour rappel bends unilatéraux et douloureux) ;

> prise en charge de l'arrêt cardiaque avec défibrillateur automatisé externe, identique à celle du noyé(1).

L'ensemble des actions et thérapeutiques entrent dans le cadre de la prescription médicale ; l'infirmier dépendra donc de protocole d'urgence, de prescriptions d'un médecin sur place, ou de prescriptions téléphoniques en cas de demande d'un médecin du SAMU.

TRANSPORT

La pathologie est présente du fait de la variation de pression partielle de gaz (secondaire à la variation de pression atmosphérique environnante).

- Le transport en milieu « équi-atmosphérique » n'entraîne pas de changement important de pression atmosphérique et n'influe en rien sur l'état du patient.

- Le transport héliporté ou par ambulance ne pose, par conséquent, aucun souci particulier et supplémentaire de prise en charge (vol à pression atmosphérique standard pour le transport héliporté).

- Le transport par la route devra éviter les routes en mauvais état pour limiter la mobilisation de « gaz » en intravasculaire.

- A contrario, les transports aériens seront à discuter avec le médecin, du fait des variations de pression.

CONCLUSION

La prise en charge initiale et le message d'alerte sont des prérequis indispensables car les moyens médicaux sont fréquemment nécessaires. L'infirmier devra analyser l'évolution de cette situation afin de déceler toute aggravation, en associant les surveillances cliniques, paracliniques et les gestes techniques d'urgence (réévaluation toutes les cinq minutes ou en cas de changement brutal de situation).

Il ne faudra en aucun cas négliger les règles d'hygiène et de sécurité. L'aspect psychologique et relationnel ne sera pas à oublier, l'incompréhension et la sensation de mort imminente faisant parfois partie de cette situation.

Seule règle : ne négliger aucun signe post-plongée et le mettre a priori en relation avec celle-ci, quelle que soient les procédures de décompression suivies...

Références. Décret de compétences IDE 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier.

1- Cf. Cahier de formation continue de L'Infirmière magazine n° 247, mars 2009, pp. XIV-XV.