conditions de travail
Enquête
Ergonomie, organisation du travail, tutorat ou activité physique : 27 établissements ont répondu à la proposition des ANFH des régions Paca et Languedoc-Roussillon d'approfondir ces thèmes pour améliorer leurs conditions de travail. Le projet Pactes a mobilisé 3 000 personnes, dont une majorité d'infirmières, dans ces hôpitaux.
Vingt minutes de qi qong avant de prendre son poste, une meilleure organisation des plannings, une adaptation ergonomique des postes et du matériel, un accompagnement formalisé des nouvelles recrues... catalogue des conditions de travail au paradis ? Pas seulement : 27 établissements des régions Paca et Languedoc-Roussillon ont bénéficié d'un accompagnement rapproché pour plancher sur l'une ou l'autre des thématiques abordées par le dispositif Pactes, le projet d'amélioration des conditions de travail dans les établissements de santé.
Mis en oeuvre par les délégations de l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) de ces régions fin 2007, le projet visait à améliorer la santé et la sécurité au travail des personnels hospitaliers dans une série de services. C'est le premier projet d'envergure mené en matière d'accompagnement par l'ANFH, depuis qu'elle est devenue, en 2006, organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) des fonds de formation de la fonction publique hospitalière.
Ce projet s'est inscrit dans les travaux des délégations Paca et Languedoc-Roussillon de l'association sur la fidélisation du personnel et l'attractivité des établissements. « Certains avaient participé à l'étude européenne Presst-Next sur la santé et la satisfaction des soignants au travail », observe Marc Dumon, délégué régional de l'ANFH-Paca.
À partir de cette expérience, les thèmes se sont imposés d'eux-mêmes : tutorat, organisation du travail, ergonomie et activité physique au travail. « Les établissements pouvaient choisir les domaines sur lesquels ils voulaient se positionner, les services concernés et s'engageaient par écrit », poursuit le délégué régional. L'opération a été officiellement lancée le 7 septembre 2007 en Arles pour 27 établissements volontaires, du CHU à l'hôpital local.
Le centre hospitalier d'Allauch a, par exemple, décidé de s'investir dans l'ergonomie. Un thème proposé par l'ANFH car « c'est une compétence quasi inexistante à l'hôpital », souligne Marc Dumon. Il faisait aussi écho aux travaux déjà menés sur les risques professionnels par cet établissement très impliqué dans la gériatrie et la rééducation, ainsi qu'à la dynamique de construction d'une unité Alzheimer nouvelle et d'une maison d'accueil spécialisée pour personnes handicapées.
Comme dans les 19 établissements qui avaient choisi de travailler sur ce thème, un audit de cinq jours, financé dans le cadre de Pactes (1) a été réalisé dans les services choisis sur les risques, qui ont été priorisés afin d'établir un plan d'action et d'orienter les thèmes de formation (comme, par exemple, la prévention des lombalgies lors de la manutention des patients). Pendant dix jours, six « référents en ergonomie » de tous profils professionnels (sur 350 agents) ont ainsi été formés : deux aides-soignantes, le responsable des services techniques, le responsable de la blanchisserie, un ergothérapeute et deux cadres de santé. « Ils ont acquis la méthodologie et les outils pour suivre les agents au cours de leurs journées de travail et réaliser des études de postes » sous l'angle ergonomique, souligne Colette Piat, cadre supérieure de santé à Allauch. Ces référents, qui font partie de la cellule qualité et gestion des risques, peuvent aussi passer au crible les matériels utilisés, les lits comme les chariots et donner leur avis sur les achats de matériel pour les nouveaux services.
« Le responsable des ressources humaines et moi les rencontrons et leur donnons des missions si nous constatons, par exemple, beaucoup d'arrêts de travail dans un secteur, en cas d'alerte - comme six lombalgies en trois mois - ou à partir des fiches d'événements indésirables », ajoute Colette Piat. En matière de blanchisserie, notamment, un référent a suivi les agents concernés par le circuit du linge sale sous l'angle de l'ergonomie et fait adopter l'achat de chariots plus hauts. Lors de la construction des nouveaux locaux, d'autres ont fait modifier le sens d'ouverture des portes des salles de bains et les infirmières ont été consultées sur la hauteur des paillasses, l'aménagement des infirmeries, la hauteur des rangements, etc. C'est aussi après l'intervention des référents que le réagréage de certains sols a été décidé afin de faciliter le travail des coursiers. Des « détails » qui peuvent améliorer de façon notable et concrète le confort de travail au quotidien. Dans le prolongement de cette action d'audit et de formation, l'ANFH a également incité ses partenaires de Pactes dans l'hôpital à mettre en place des indicateurs de suivi des arrêts de travail, des lombalgies et de certaines pathologies. « Tous les ans, il faut désormais réévaluer les besoins, cibler les problèmes les plus fréquents et mettre en place des actions de formation », souligne la cadre supérieure. Une procédure assez lourde pour un rythme annuel, mais l'hôpital compte cependant l'appliquer à son unité de soins de longue durée qui va être restructurée.
Le CHU de Nice s'est également penché sur la thématique de l'ergonomie dans deux USLD, mais la démarche la plus avancée concerne l'organisation du travail. « Très peu de gens y sont formés, fait observer Marc Dumon. Cela ne fait pas partie du cursus des médecins, des directeurs ou des soignants alors que c'est un des points fort de l'attractivité d'un établissement. »
Quelque 17 établissements ont planché sur ce thème dans le cadre de Pactes. Le CHU de Nice a ciblé sa réflexion sur le travail des agents des services hospitaliers (ASH) de pédiatrie en matière de brancardage et de ménage. Un certain flou au niveau des fiches de postes suscitait le malaise. « Le dispositif Pactes a offert l'opportunité de mener un audit organisationnel de cinq jours sur la fonction d'ASH et de travailler avec eux sur leurs fiches de poste », note Joëlle Rouet, directrice des soins de l'établissement. « Après l'audit, un plan d'action a été élaboré : il a consisté dans la refonte des fiches de poste des ASH, poursuit la directrice des soins. Ce sont elles qui les ont coécrites avec le cadre pilote sur le projet. Elles se sont aussi emparées de l'action "entretien-nettoyage" avec une conseillère en éducation sociale et familiale. Cela a permis d'homogénéiser les pratiques mais aussi de faire accepter plus facilement la mutualisation des effectifs en termes de mobilité. » Les ASH ont également pris en main la confection des plannings, mais aussi organisé la sensibilisation des infirmières au tri des déchets... « Aujourd'hui, il existe un véritable partenariat, une homogénéité et une auto-évaluation des pratiques », se félicite Joëlle Rouet, qui pointe aussi la valorisation de la fonction qui découle de ces initiatives. Selon elle, il est encore trop tôt pour mesurer les effets de cette action sur l'absentéisme, mais la directrice des soins note un apaisement des relations, qui avaient pu être conflictuelles, entre les uns et les autres.
Les cadres, aussi, s'en félicitent. « Ce fut une opération vraiment très intéressante » au bénéfice, aussi, du pôle et de l'établissement, estime Joëlle Rouet, avant de remarquer qu'un tel projet « doit absolument être porté par l'encadrement. Sinon, cela ne fonctionne pas. » Nadine Durand (ANFH de Paca), qui a coordonné les actions du dispositif et suivi son déroulement, confirme : « le facteur principal, c'est toujours l'engagement de la direction. »
L'hôpital de Brignoles (Var), qui s'est fortement restructuré, a bénéficié de ce soutien institutionnel. Le travail s'est organisé autour de la coordination entre médecins et équipe soignante dans le service de médecine polyvalente. La présence d'infirmières pendant la visite médicale du matin n'est plus systématique, mais elles sont disponibles en cas de besoin. De ce fait, elles peuvent mieux assurer leurs propres tâches du matin et réduire les transferts de tâches sur les équipes de l'après-midi et de la nuit. Les transmissions ont été améliorées pour que les médecins disposent au moment de leur visite de tous les paramètres enregistrés. Les fiches de poste ont aussi été remaniées, l'organisation du travail, l'accueil et l'autonomie des nouveaux arrivants formalisés... Et suivis par des indicateurs de résultats. Avec une perspective : le déploiement de la méthode dans d'autres services.
Six autres établissements ont focalisé leurs travaux sur la mise en place d'un tutorat pour les nouveaux agents. Les candidats tuteurs, infirmières comme manipulateurs radio, cadres ou agents des services techniques (104 personnes en tout), ont pu suivre une formation de cinq jours avant d'accompagner les nouveaux pour une durée variable suivant le profil de poste.
Enfin, le thème de l'activité physique au travail - plutôt original dans le cadre de la France en général et des établissements publics en particulier - a été choisi par trois hôpitaux seulement. Il a été proposé par l'ANFH pour apporter des solutions à l'intensité physique et émotionnelle de l'investissement des soignants dans certaines spécialités. L'association souhaitait proposer une activité qui permette de « dénouer le corps et l'esprit en créant un sas de décompression ». Au CHI de Fréjus-Saint-Raphaël, le pôle de gérontologie a bénéficié, par exemple, de cinq jours d'intervention sur le sujet. Un questionnaire, distribué au personnel, a fait émerger des espoirs parfois fantaisistes témoignant de l'immensité de l'attente en matière d'évacuation du stress et de la tension musculaire. Trois activités ont été proposées : qi qong, tai-chi-chuan et relaxation. Les personnels sont partants, l'encadrement aussi. Reste à trouver l'intervenant de l'activité qui sera retenue... et son financement, car contrairement aux autres thèmes de Pactes, celui-ci nécessite l'intervention de professionnels extérieurs.
Sur l'ensemble du dispositif, Nadine Durand a observé, globalement, une forte adhésion des personnels sollicités, manifestement motivés par l'amélioration de leurs conditions de travail, en particulier par la question de l'ergonomie. « Dans les formations sur ce thème ou sur le tutorat, les infirmières étaient largement représentées, a-t-elle constaté. Elles ont été présentes partout, sur tous les thèmes et à tous les niveaux. »
1- Les financeurs de Pactes sont la CNRACL (fonds destinés à la prévention des troubles psychologiques, la réduction des troubles musculo-squelettiques et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle), l'ANFH nationale et les délégations Paca et Languedoc-Roussillon ainsi que les ARH de ces régions et la CRAM de Languedoc-Roussillon.
- Ces travaux ne sont pas transposables.
FAUX. L'ensemble des initiatives menées dans les établissements ont fait l'objet d'une capitalisation des expériences, dont les résultats figurent sur le site de l'ANFH (http://www.anfh.fr) ou sur son site dédié à l'ergonomie (http://www.anfh.fr/ergonomia). Des établissements et des délégations ANFH d'autres régions ont pris contact avec les initiateurs de Pactes pour s'en inspirer.
- Ce projet requiert beaucoup de personnes et d'énergie.
VRAI. Entre 2007 et début 2009, le projet a mobilisé 3 000 agents sur les 48 000 que comptent les 27 établissements participants. Visiblement, les thématiques de travail proposées ont suscité la motivation des personnels, même si tous les projets n'ont pas avancé au même rythme.
- Les actions menées dans le cadre de Pactes ont permis d'améliorer l'attractivité des hôpitaux y participant et de fidéliser les personnels.
NI VRAI, NI FAUX. Selon les différents partenaires, il est encore trop tôt pour évaluer ce type d'effet sur le terrain. La plupart ont cependant noté l'effet fédérateur des projets et la valorisation des personnels qui y ont participé.