gériatrie
Conduites à tenir
Le rôle infirmier en soins de suite et réadaptation ortho-gériatriques est très varié. Après avoir recueilli les données, la soignante évalue la douleur, détecte les complications, éduque le patient et contribue activement à sa réadaptation.
Les soins de suite et de réadaptation (SSR) orthopédiques gériatriques interviennent dans la rééducation d'un patient âgé suite à un séjour hospitalier pour une chirurgie orthopédique. L'intitulé SSR a remplacé l'appellation moyen séjour.
Les patients pris en charge en SSR orthopédiques gériatriques sont des personnes âgées (plus de 70 ans) qui présentent essentiellement des pathologies des membres inférieurs (fracture du col du fémur, du bassin, rotule...), parfois des membres supérieurs (épaule, coude, poignet...) et du rachis (traumatismes cervicaux, laminectomie...). Ils sont admis dans l'idéal au 3e jour suivant l'intervention.
Les objectifs d'une hospitalisation en SSR ortho-gériatriques sont :
- d'assurer les soins postopératoires ;
- de limiter le handicap par la rééducation ;
- de réadapter le patient à son environnement et aux actes de la vie courante ;
- d'éduquer afin d'éviter tout risque de récidive ou d'aggravation ;
- d'accompagner psychologiquement le patient (et son entourage).
Ils tiennent compte des particularités liées à l'âge du patient (son degré d'autonomie peut être altéré du fait de pathologies associées : troubles cognitifs, démence, cécité, surdité, troubles de l'équilibre, etc.).
Cette prise en charge pluridisciplinaire nécessite un plateau technique et une équipe spécialisée : médecins gériatres ; médecin rééducateur ; consultation d'urologue, neurologue, psychiatre... ; cadre de santé ; infirmières ; aides-soignantes ; kinésithérapeutes ; psychomotricienne ; psychologue ; ergothérapeute ; diététicienne.
L'accueil du patient est une étape importante de l'hospitalisation. Il concerne la personne âgée, mais aussi son entourage. Il ne faut pas le négliger parce qu'il permet d'établir la relation, de mettre en confiance le patient et son ou ses aidants.
Le ou les soignants doivent se présenter en tenant compte des difficultés de la personne âgée malade, lui présenter le service, son voisin de chambre, ses voisins de table, l'organisation, répondre à ses questions. Certains patients ont besoin d'un temps d'adaptation plus ou moins long. L'hospitalisation suite à un traumatisme orthopédique est souvent vécue comme un bouleversement : la personne âgée jusqu'alors indépendante se sent désormais fragile et vulnérable, elle prend conscience de son vieillissement et s'inquiète de son avenir. La présence éventuelle de troubles intellectuels permanents ou transitoires peut poser de difficiles problèmes les premiers jours.
Le recueil de données permet aux soignants d'appréhender le patient, de faire le bilan de ses lacunes mais surtout de ses compétences et ressources. Il va mettre en évidence l'étiologie du traumatisme (chute due à une hypotension orthostatique, par exemple). C'est l'outil indispensable pour poser les objectifs de l'hospitalisation.
Le recueil de données est initié lors de l'accueil, mais se poursuit tout au long du séjour. Il s'inscrit dans une prise en charge globale et intègre les informations fournies par l'ensemble des acteurs, notamment les aides-soignantes qui ont un contact proche du patient.
L'ensemble des soignants intervenant auprès du patient constitue une source d'informations essentielle ; pour cela, une réunion hebdomadaire en équipe complète est organisée. Elle permet de mieux comprendre une situation, d'évoquer l'évolution et d'envisager l'avenir.
Aiguë ou chronique, la douleur nécessite d'être évaluée à différents moments de la journée afin d'être bien contrôlée.
L'utilisation d'échelles d'auto-évaluation (EVA, EVS, EN) est possible chez les patients lucides et cohérents. Pour certains patients présentant des troubles cognitifs, le recours à des échelles d'hétéro-évaluation (ECPA, Doloplus) prenant en compte les attitudes du corps, les expressions du visage, le comportement, la communication s'avère indispensable.
La surveillance de la plaie chirurgicale s'impose afin de dépister tout signe d'inflammation, d'hémorragie ou d'infection.
La réfection d'un pansement de post-chirurgie s'effectue habituellement tous les 2 ou 3 jours (si aucune complication n'est dépistée) et de manière stérile. Les consignes sont en règle générale données par le chirurgien opérant.
L'inspection de la zone chirurgicale à la recherche d'une luxation, d'un déplacement de la fracture doit être quotidienne. Rappelons que le patient âgé est souvent polypathologique et qu'il peut présenter des épisodes de confusion, voire d'agitation, qui rendent parfois la prise en charge difficile. En cas de plâtre du membre supérieur, il est indispensable de surveiller l'apparition éventuelle d'un syndrome de Volkmann (douleur, engourdissement, oedème, cyanose, diminution, voire abolition du pouls).
Complications thromboemboliques
Les thrombophlébites des membres inférieurs sont particulièrement à craindre dans les fractures des membres inférieurs, lors des immobilisations prolongées, chez les insuffisants cardiaques. Leur diagnostic peut être difficile à établir chez les blessés plâtrés.
La prévention de ces complications repose sur le lever précoce, la mobilisation (active si possible) et l'administration d'anticoagulants à dose préventive sur prescription médicale.
Complications pulmonaires
Il est indispensable de détecter les signes d'infection pulmonaire (toux, fièvre, expectorations épaisses et colorées, dyspnée...). En cas de troubles de la déglutition, il est nécessaire d'adapter la texture de l'alimentation, éventuellement d'utiliser un épaississant et d'en aviser la famille qui croit souvent bien faire en donnant à boire au patient.
Complications urinaires
Contrôler régulièrement la quantité d'urines émises n'est souvent pas suffisant. L'alitement du sujet âgé et la prise de certains médicaments comme les opiacés sont fréquemment responsables de rétention urinaire et les mictions peuvent se faire par regorgement. L'examen par bladder scan (échographie portative) est généralement effectué à plusieurs reprises pendant l'hospitalisation afin de mesurer le résidu post-mictionnel. Il s'avère parfois nécessaire de poser une sonde à demeure avant de rééduquer la vessie.
La surveillance des infections est également de rigueur en procédant à l'examen des urines par bandelette éventuellement complété d'un examen cytobactériolgique (ECBU) avec antibiogramme.
Complications digestives
La constipation est favorisée par la diminution de la mobilité des patients ainsi que par certains traitements. Elle peut aboutir à un fécalome qui sera systématiquement recherché par un toucher rectal. Le fécalome peut être responsable d'un syndrome occlusif suspecté devant des vomissements. Des mesures diététiques (purée de pruneaux, régime enrichi en fibres) doivent être prises. Un traitement laxatif est envisagé devant toute constipation.
Complications métaboliques
Déshydratation et dénutrition nécessitent la surveillance des apports hydriques et caloriques. La prise en charge fait intervenir la diététicienne qui mettra en place des bilans d'ingestas (évaluation quantitative et qualitative précise des apports journaliers) et instaurera, en cas de carences, un régime hyperprotidique, hypercalorique associé à des compléments alimentaires.
Parfois, la déshydratation nécessite la prescription de perfusions intraveineuses ou sous-cutanées.
Décompensation d'une maladie préalable
- Repérer les signes de décompensation d'un diabète, d'une insuffisance cardiaque, respiratoire...
- Déceler l'aggravation des troubles cognitifs, d'une démence...
Complications psychiques
L'immobilité du sujet âgé favorise le repli sur soi pouvant aller jusqu'à générer un réel syndrome dépressif. C'est pourquoi il est indispensable de stimuler les patients quand leur état de santé le permet, de les pousser à effectuer seuls les actes de la vie courante (toilette, brossage de dents...) et de les inviter, si la structure est adaptée, à se rassembler dans les lieux de vie commune (pour les repas, par exemple). Ces stimulations permettent aussi la réadaptation du patient.
Complications cutanées : l'escarre
L'escarre est une zone localisée de souffrance (ischémie) de la peau et des tissus sous-jacents, causée par la pression, le frottement, le cisaillement entre deux plans durs. Elle se décrit en 4 stades :
1- la rougeur persistante ;
2- l'ulcération superficielle (phlyctène, abrasion superficielle) ;
3- l'ulcération profonde (pouvant atteindre le muscle et l'os) ;
4- la nécrose (la lésion a atteint toutes les couches de la peau, la plaie est noire, les tissus sont morts).
La prévention est fondamentale et consiste en une surveillance fréquente et un soulagement des points d'appui toutes les 3 heures la journée, toutes les 4 heures la nuit (quand le risque est élevé). L'utilisation de matériel spécifique est préconisée (matelas à air, coussins anti-escarres...).
La prise en charge se fait en collaboration avec l'ergothérapeute qui confectionne, si besoin, du matériel adapté (blocs de mousse...).
Les soins locaux aboutissant à la guérison des escarres sont longs et souvent douloureux. La mise en place de traitements antalgiques est à discuter avec les médecins (Meopa, morphiniques...).
Il est important de planifier dans le plan de soins les séances de rééducation (pour que le patient soit prêt, et que les antalgiques - s'ils sont prescrits - aient eu le temps d'agir).
La rééducation est débutée par les kinésithérapeutes en salle de kiné. Les exercices sont fonction de la pathologie du patient et de la conduite à tenir après la chirurgie (et de l'autorisation ou non d'appui donnée par le chirurgien). Au fur et à mesure des progrès, on stimulera le patient dans le service (en complément des séances de kiné) pour la toilette par exemple, la mise sur les WC, les déplacements dans l'unité de soins...
L'éducation thérapeutique du patient a pour but de lui permettre l'acquisition de compétences afin de pouvoir prendre en charge sa maladie, ses soins, sa surveillance.
Les soins éducatifs relèvent du rôle propre de l'infirmière. Ils sont à prodiguer au malade et son entourage dans le cadre de situations spécifiques (patient porteur d'une prothèse totale de hanche par exemple) mais aussi de maladies chroniques (diabète...).
La sortie d'un patient est discutée en réunion hebdomadaire. Elle est planifiée et coordonnée par l'assistant social avec le patient et son entourage.
Parfois, l'intervention de professionnels en aval est nécessaire : soins infirmiers à domicile, infirmiers libéraux, hospitalisation à domicile, aide à domicile, auxiliaires de vie, portage de repas, téléalarme... L'institutionnalisation (foyer logement, Ehpad, soins de longue durée, maison de retraite) est envisagée lorsque le maintien au domicile n'est plus possible ou plus souhaité.
- Gérontologie, gérontopsychiatrie
(4e édition), M.-P. Hervy et al., Paris, éd. Masson, 2005, 19,90 Euro(s).
- Rhumatologie, orthopédie, traumatologie (4e édition), A. Cohen de Lara, Paris, éd. Masson, 2006, 19,90 Euro(s).
- Éducation thérapeutique, prévention et maladies chroniques, D. Simon, P.-Y. Traynard, F. Bourdillon, R. Gagnayre et A. Grimaldi, Paris, éd. Masson, 2009, 34 Euro(s).
- Apprendre à éduquer le patient, approche pédagogique (3e édition), J.-Fr. d'Ivernois et R. Gagnayre, Paris, éd. Maloine, 2008, 22 Euro(s).