Soins palliatifs
Éthique
Dans un récent avis, le Comité consultatif national d'éthique plaide pour une meilleure diffusion de la culture des soins palliatifs, qui passera par l'essor de la formation initiale et continue.
« Les soins palliatifs ne sont pas un luxe que seule une société d'abondance pourrait se permettre : ils sont un "potentiel novateur" de l'activité soignante. » Telle est la conclusion du dernier avis du CCNE, rendu public en décembre dernier (1). Le Comité se prononçait dans le cadre d'une saisine de Jean Leonetti, député à l'origine de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, votée en 2005.
L'élu, qui est également médecin, souhaitait que le CCNE se penche sur cette question : comment mettre en place un système de financement des soins, qui évite l'obstination déraisonnable proscrite par le Code de la santé publique et facilite les soins palliatifs ?
Comme l'a souligné le président du conseil, le Pr Alain Grimfeld, « il n'est pas dans les prérogatives du CCNE de s'emparer d'un thème concernant un système de financement. Cela dit, comme nous l'avions souligné dans notre avis n° 101 "Santé, éthique et argent", l'économie n'est pas l'ennemie de l'éthique. Ainsi, d'une manière générale, le gaspillage des ressources précieuses n'est pas acceptable. Et dans le domaine de la santé, la sobriété devrait être privilégiée. »
Mais, estime Anne-Marie Dickelé, corapporteur de l'avis, « les aspects comptables ne sont pas les seules causes du retard constaté dans l'application de la loi de 2005 ».
Alors que personne ne con- teste le caractère bénéfique des soins palliatifs, « il ne semble pas toujours facile pour les soignants d'identifier, d'une part le moment où ils peuvent être mis en place, et d'autre part, l'entrée dans la phase terminale elle-même de la maladie. Le fait de ne pas admettre "l'inutilité des traitements poursuivis" peut s'expliquer par un phénomène de résistance aux arguments rationnels dont les causes peuvent être diverses », pointe le comité.
Même s'ils admettent qu'aucun système de financement ne pourra jamais permettre d'éviter l'obstination déraisonnable, les sages ont formulé plusieurs recommandations pour faciliter la diffusion de la culture palliative. Outre qu'ils appellent à ce que la tarification à l'acte continue d'être aménagée et jugent nécessaire le développement des équipes mobiles de soins palliatifs, ils souhaitent « avant tout » que les professionnels de santé, et notamment les médecins, soient formés à cette pratique. « Afin que celle-ci ne soit pas considérée comme périphérique et circonstancielle mais comme une démarche essentielle pour l'efficacité médicale », notent-ils. Et d'ajouter : « La formation aux soins infirmiers a prévu, depuis de nombreuses années, des enseignements de ce type. »
Le CCNE avance aussi la nécessité de créer des emplois hospitalo-universitaires en médecine interne « option soins palliatifs » pour donner une juste place à la médecine palliative. « Nommer des professeurs dans ce domaine du soulagement de la douleur et de l'accompagnement humain, disent-ils, jouerait en faveur de la reconnaissance générale des soins palliatifs mais aussi de la technicité exigée par certaines situations extrêmes, particulièrement complexes, et qui nécessitent des formations spécifiques. » Monsieur Leonetti, la balle est dans le camp des députés. À vous de jouer !
1- Téléchargeable sur le site du CCNE (http://www.ccne-ethique.fr).
« Il reste un énorme travail... »
« La diffusion et la connaissance de la démarche palliative sont un travail quotidien qui ne doit pas se limiter à un débat entre soignants. À mon sens, ce sujet concerne aussi le citoyen, remarque Maryse Mailly, infirmière de l'équipe mobile et de l'unité d'hospitalisation de soins palliatifs de l'hôpital Saint-Éloi (CHU de Montpellier). Je note, cependant, que les soignants sont de plus en plus réceptifs à cette démarche et qu'ils ont désormais plus facilement recours aux soins palliatifs. Mais il reste un énorme travail pour faire plus largement partager la culture qui fonde ces soins. Trop souvent encore, elle ne repose que sur l'engagement du cadre ou du médecin. S'ils quittent leur service, cela fragilise l'impulsion donnée. Et si le programme de développement des soins palliatifs 2008-2012 marque la volonté des politiques et des tutelles d'augmenter les unités spécialisées, force est de constater que les moyens ne sont pas à la hauteur. C'est un paradoxe qui, là encore, doit interroger notre société. »