Périnatalité
Du côté des associations
« La maternité est un grand déménagement psychique. Elle peut déclencher des troubles de l'humeur, des psychoses puerpérales, une désorganisation de la personnalité... Les pères, de plus en plus impliqués, présentent aussi parfois des troubles psychiques, même s'ils font moins état de leur souffrance. » Pédopsychiatre et présidente de la Société Marcé Francophone (SMF)(1), le professeur Sylvie Nezelof dirige le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du CHU de Besançon.
Dynamique et pluridisciplinaire, la SMF, créée en 1998, est une association de professionnels de la périnatalité concernés par la détresse psychologique de mères et de pères, de leur bébé et de leur famille, ainsi que de celle de femmes et d'hommes ayant un projet d'enfant. Son objectif est de favoriser la compréhension des troubles psychiatriques, des problématiques relationnelles et de toute forme de détresse psychologique. Elle s'intéresse aussi à leur prévention et à leur traitement dès la grossesse ou en postnatal. De fait, elle prend en compte le retentissement et l'impact de ces troubles dans le champ de la petite enfance.
« Le champ de la périnatalité est vaste et spécifique », souligne la présidente. La pluridisciplinarité permet de mieux prendre en charge les mères en souffrance psychique. L'association établit un lien entre les intervenants des différents champs (unité mère-bébé, périnatalité, obstétrique, néonatalité) au travers de rencontres et d'échanges, afin de mettre en commun des connaissances ou des questionnements. Ensuite, chacun décline les possibilités de prise en charge ou d'approche sur son lieu de travail, en fonction du dispositif et avec son propre réseau de soins. « L'idée de la SMF est de pouvoir dire qu'il y a une structuration possible de ces mises en lien-là. »
La SMF a été créée à partir de la Société Marcé Internationale, mise en place en 1980. Le nom vient de Louis Victor Marcé, psychiatre français et auteur du premier traité dédié à la maladie mentale puerpérale, publié en 1858, intitulé : Traité de la folie des femmes enceintes, des nouvelles accouchées et des nourrices (L'Harmattan). Un sujet très novateur à l'époque. Aujourd'hui, la SMF regroupe une centaine d'adhérents et quinze membres au sein de son conseil d'administration.
Médecins spécialistes et généralistes, sages-femmes, infirmières, puéricultrices, chercheurs, psychologues, psychanalystes et autres soignants de santé périnatale se réunissent régulièrement dans différentes régions françaises. « Huit groupes de travail sont en marche. Une trentaine de personnes se retrouvent généralement et basent leur travail et leurs discussions sur des situations cliniques réelles, poursuit Sylvie Nezelof. Le travail en périnatalité est émotionnellement chargé. On a besoin d'échanger et de faire part de ses impuissances parfois. Les infirmières en parlent souvent, il peut leur arriver de s'identifier, de se projeter. On entend parfois : "C'est une bonne mère... ou une mauvaise mère." Le travail, c'est de se dégager de cela, de réfléchir ensemble. C'est ce qui fait la richesse du réseau en France. » Le but est de comprendre comment mieux utiliser ses propres savoirs pour les appliquer à toute situation nouvelle : savoir être, savoir-faire, savoir transmettre.
« Si ça nous mobilise tant que ça, c'est qu'il y a une véritable intensité de la souffrance. Elle n'est pas suffisamment reconnue. Environ 15 % des mères ont une dépression post-natale. Elles n'osent pas en parler. Pourtant, c'est un moment très important de la structuration psychique de l'enfant. Les premières années de vie sont déterminantes. Il faut s'en occuper. » Le site de la SMF, en cours de réactualisation, propose une interface fédératrice et répertorie liens spécifiques et formations dans le champ de la santé mentale périnatale. Les membres de l'association, très impliqués et bénévoles, axent leur travail sur l'information et la formation des professionnels.
La formation passe notamment par l'organisation de journées annuelles, qui rassemblent entre 400 et 500 personnes. La prochaine se tiendra à Marseille, les 18 et 19 mars, à la faculté de médecine de la Timone. Elle portera sur la thématique : « Intervenir à domicile en psychiatrie périnatale : modalités, partenariats, articulation avec le travail en réseau périnatal. » Sylvie Nezelof ajoute : « La souffrance puerpérale est une des premières causes de mortalité obstétricale. Se remettre cent fois sur le métier dans le cadre de la SMF, ça vaut le coup. »