Toxicomanie
Du côté des associations
La Corde raide accueille les toxicomanes connus de la Justice et facilite l'accès aux soins et leur réinsertion sociale.
Ce centre de prévention et de soins concernant les conduites à risques naît en 1989 à l'initiative de Roselyne Crété, psychologue : « À l'époque, livre la fondatrice, on commençait à se rendre compte de l'importance du nombre de toxicomanes incarcérés, notamment grâce aux études de Rodolphe Ingold. Albin Chalendon, alors ministre de la Justice, envisageait de construire des prisons réservées aux toxicomanes, soulevant un tollé dans le milieu. Une question s'imposait : que proposer de plus constructif en termes de soin et de réinsertion sociale pour ce public ? »
Le projet repose sur l'articulation entre les pratiques socio-judiciaires et les pratiques de soins, et un partenariat entre professionnels des deux champs. Une innovation, puisque ces deux mondes travaillent généralement peu ensemble. Or, les professionnels s'engageant dans l'aventure sont formés à la thérapie familiale systémique. Ils imaginent d'intégrer la contrainte (l'injonction de soins) en travaillant en médiation avec le tiers demandeur (la justice), et le patient, non demandeur. « L'addiction, pour nous, résume Aldric Zemmouri, psychosociologue à la Corde raide, est avant tout symptomatique d'un dysfonctionnement d'une personne. » Cela se traduit concrètement non seulement par du soin mais aussi par un accompagnement psychosocial. L'idée est de faciliter l'accès aux soins en s'appuyant sur le tiers social, qui est porteur de la demande au nom de la société, et, quand c'est un magistrat, celui qui prononce l'obligation de soins : « Dans les familles aussi, poursuit Roselyne Crété, c'est un autre que le patient qui, le plus souvent, déclenche la démarche. Si l'on ne peut parler de thérapie dans ce cadre d'obligation, force est de constater les effets thérapeutiques de ce type de travail clinique. »
Chez les adultes, La Corde raide accueille des publics de consommateurs qui ont des profils très différents, les injonctions de soins étant proposées souvent en alternative à une peine de prison ou à une condamnation. « On peut accueillir des personnes très précaires socialement, prises en train de fumer du cannabis ou du crack, comme des consommateurs parfois très bien insérés socialement et professionnellement », remarque Aldric Zemmouri.
Le travail avec l'administration pénitentiaire consiste aussi en des visites dans les établissements (Fresnes, Fleury-Mérogis) où les professionnels de l'association réalisent un accompagnement des détenus toxicomanes - qui ne consomment pas forcément en prison mais reprennent dès qu'ils sortent. « Ce qui vient contrecarrer leur projet d'insertion. Dès le départ, nous posons cette question de l'addiction dans la future réinsertion sociale. »
Au fil des années, l'équipe est devenue pluridisciplinaire. Elle compte aujourd'hui 25 professionnels : psychologues, médecins (généraliste, psychiatres, pédopsychiatre), infirmiers, assistants sociaux, art-thérapeute et psychosociologues. La vocation sociale de l'association la conduit à s'intéresser également aux allocataires du RSA (ex-RMI) toxico-dépendants, avec la mise en place du « bilan psychosocial », qui permet aux travailleurs sociaux de les orienter dans le cadre de leur contrat d'insertion.
En 1996, La Corde raide ouvre son unité médicale pour la prescription et la dispensation des traitements de méthadone. Les infirmières travaillent plus spécifiquement sur la substitution et la réduction des risques. Ce sont elles qui prodiguent directement les soins quotidiens aux patients consommateurs réguliers et polytoxicomanes.
Le fait d'être bénéficiaire du RSA ainsi que de traitements de substitution a permis à de nombreuses familles d'éviter de vivre de grosses crises... Et, progressivement, les prises en charge ont basculé vers des suivis individuels. Mais l'approche familiale n'est pas abandonnée. En 1999 est créée la « consultation jeunes » sur la base non seulement des conduites addictives mais aussi des conduites à risques à l'adolescence. Depuis, la consultation familiale ne cesse de progresser. Une permanence d'accueil téléphonique pour toutes personnes, y compris les professionnels non spécialisés, ainsi qu'un étroit partenariat avec l'Education nationale et l'intervention dans des établissements scolaires de l'Est parisien viennent compléter le dispositif.
Plus de 1 300 personnes ont été accueillies en 2008, dont 230 jeunes âgés de moins de 25 ans. À titre d'exemple, sur la même année, 16 000 actes (dont 2 241 actes infirmiers) ont été réalisés, avec notamment plus de 13 000 consultations.
La Corde raide
6, place Rutebeuf
75012 Paris.
Tél. : 01 43 42 53 00.