Violences faites aux femmes
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Pourquoi est-il si difficile de prendre en charge les femmes victimes d'abus ou d'agressions ? Réponse à Nancy lors d'un récent colloque.
Tous les deux jours et demi, une Française meurt sous les coups de son conjoint. On estime aussi que, dans l'Hexagone, plus de 1,5 million de femmes sont concernées par les violences conjugales. « Physique, psychologique, verbale, sexuelle, économique... la violence se manifeste sous des formes très variées et frappe tous les milieux », a rappelé le professeur Jean-Louis Boutroy, chef du service de gynécologie-obstétrique à la maternité régionale de Nancy, lors d'un colloque tenu dans cette ville le 5 février. Un colloque organisé par l'ONG Gynécologie sans frontières, en présence de 750 professionnels du secteur médicosocial (infirmiers, gynécologues, sages-femmes, associatifs...).
L'accent a été mis sur le dépistage. Comment reconnaître une femme victime de violences ? Certes, des signes extérieurs existent : lésions, troubles psychosomatiques, dépression, consommation accrue de psychotropes ou manifestations gynécologiques (vaginites, algies pelviennes...). Mais le plus simple, selon le Pr Henri-Jean Philippe, président de Gynécologies sans frontières, consiste à demander directement : « Avez-vous été victime de violence ou d'agression physique ou psychologique ? ».
« Au cours de sa grossesse, une femme est en contact dix-huit fois avec le personnel médical : pourquoi est-ce si difficile de poser cette question ? », s'interroge le chef de service de gynécologie-obstétrique au CHU de Nantes. L'entretien prénatal précoce, au quatrième mois de grossesse, devrait être le moment idéal. Mais cette pratique est loin d'être généralisée. Marie-Laure Vautrin, adjointe à la déléguée des droits des femmes et à l'égalité de Lorraine, avance le manque de formation : « Les violences conjugales devraient être abordées au cours de tous les cursus des professions médicales. »
Les soignants doivent aussi pouvoir orienter les victimes vers des réseaux, ce qui suppose de bien connaître les différents dispositifs existants. À Nancy, un pôle régional d'accueil des victimes d'agressions sexuelles a été mis en place il y a dix ans à la maternité. Cette structure, qui intervient sur réquisition du parquet ou en réponse à une démarche individuelle, a pris en charge 81 personnes en 2009.
Trois infirmières y travaillent. Après avoir accueilli la victime, elles réalisent, en binôme avec le médecin, l'entretien puis les examens. « Nous prenons des notes, faisons des photos des lésions et des ecchymoses. La patiente est examinée du cuir chevelu jusqu'aux orteils », expliquent Marie-Laure Pierrat et Sylvie Humbert. Les infirmières réalisent des prises de sang pour déterminer si la personne a contracté une infection sexuellement transmissible (IST). « Elles recueillent la parole de la victime et effectuent tous les prélèvements médico- légaux dans les temps en respectant une procédure très stricte », détaille le Dr Frédérique Guillet-May, le médecin coordonnateur.
Les deux infirmières n'ont pas reçu de formation spécifique. « Ce qui est le plus dif- ficile, estime Marie-Laure Pierrat, c'est le manque de soutien psychologique. Lors de l'entretien, les faits que décrit la victime sont très lourds à entendre. Ce n'est pas facile de repartir chez soi avec cela en tête. Il faudrait mettre en place un soutien extérieur ou des groupes de parole destinés aux soignants. »