plaies
Conduites à tenir
La prise en charge d'une plaie commence toujours par la propre protection de l'infirmière. Elle diffère ensuite selon la gravité et les spécificités de la plaie.
Une plaie se définit par une rupture de la continuité de la peau. Cette rupture est produite par un agent mécanique. Le terme de « plaie ouverte », bien que très employé, est un pléonasme. La plaie est un traumatisme cutané que l'on retrouve au quotidien à la suite d'accidents domestiques, du travail ou de la circulation, après des agressions ou à cause de maladies comme le diabète. Elle peut être chronique, telle une plaie variqueuse, ou aiguë. Nous nous intéressons ici aux plaies aiguës, graves ou non, afin d'en décrire la prise en charge, motif récurrent de consultation aux urgences.
Il est important d'évaluer rapidement la gravité d'une plaie afin d'en limiter les conséquences. Plusieurs critères sont à considérer.
La localisation. Le thorax et l'abdomen abritent plusieurs organes, dont le coeur, les poumons, le foie, la rate, l'estomac... Une plaie sur la face antérieure du tronc est toujours considérée comme grave puisqu'elle peut potentiellement léser un organe, ce qui entraînerait une détresse vitale. Il en est de même pour le cou où passent de gros vaisseaux comme les artères carotidiennes. Une plaie de la main est également grave puisque les tendons peuvent être lésés, avec pour conséquence des séquelles fonctionnelles. Il faut aussi considérer comme grave une plaie du visage pour des conséquences esthétiques. Enfin, est également grave toute plaie à proximité d'un orifice naturel.
L'aspect de la plaie. Une plaie est considérée comme grave si elle saigne abondamment (plaie hémorragique), si elle est déchiquetée ou lacérée (plaie délabrante) ou s'il y a une perte de matière. Ce type de plaie nécessite une suture complexe avec une possible reconstruction. La gravité sera également fonction de l'étendue, du nombre de lésions et de la présence d'un corps étranger.
Le mécanisme. Voici quelques mécanismes qui causent des plaies graves : les projectiles (armes à feu) occasionnant des plaies perforantes ; les objets responsables de plaies pénétrantes (comme les couteaux, ciseaux, tournevis) ; les appareils de jardinage, de bricolage ou industriels (tronçonneuse, tondeuse) créant des plaies délabrantes.
Que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans le cadre professionnel (en équipe pré-hospitalière ou en service), la prise en charge d'une plaie est identique. Elle commence par la propre protection de l'infirmière, en isolant les objets dangereux comme il est précisé dans les formations de premiers secours, et en portant une paire de gant à usage unique qui protège des maladies transmissibles par le sang. La prise en charge diffère cependant selon les spécificités de la plaie (gravité, localisation, aspect, mécanisme).
Plaie simple. La prise en charge consiste à désinfecter avec un antiseptique non coloré. Le temps de contact recommandé par la majorité des industries pharmaceutiques est d'une minute. Ce temps doit absolument être respecté pour assurer une désinfection optimale. La plaie doit avant tout être propre. Si ce n'est pas le cas, un lavage correct doit précéder la désinfection. Une fois sèche, la plaie doit être recouverte d'un pansement afin de limiter le risque infectieux.
L'aspect de la plaie doit être surveillé pendant plusieurs jours afin de détecter rapidement l'apparition de rougeur, chaleur, oedème... qui, associé à un fébricule, est le signe d'une infection à traiter par antibiotique.
Dernier point essentiel : il faut s'assurer que la vaccination contre le tétanos est à jour (une injection de rappel doit être faite tous les dix ans). En effet, beaucoup de personnes âgées ne sont plus à jour de leur vaccination et, depuis l'arrêt du service national (qui assurait une vaccination jusqu'à l'âge de trente ans), l'« oubli » de vaccination touche de plus en plus les sujets jeunes. Le tétanos est une maladie toujours présente avec un taux de mortalité très sérieux (50 % à l'échelle mondiale).
Plaie grave. La prise en charge dépend directement de sa localisation, de son aspect et du mécanisme. D'une manière générale, la désinfection n'est pas le soin prioritaire, particulièrement si le pronostic vital est engagé. En revanche, la plaie sera tout de même protégée afin de limiter le risque infectieux.
- Plaie hémorragique. La priorité est de comprimer la plaie en l'absence de corps étranger et après s'être protégé avec une paire de gant à usage unique. Cette compression manuelle peut être remplacée par un pansement compressif ou tampon relais. Il existe du matériel spécifique comme les coussins hémostatiques d'urgences en l'absence desquels on peut tout à fait utiliser des compresses et des bandes, voire un chiffon propre si on est dépourvu de matériel. Le garrot n'est utilisé qu'en dernière intention car il peut entraîner de graves conséquences. Dans le même temps, le patient est allongé ; une fois le dispositif de compression mis en place, il faut couvrir la personne et appeler le centre 15 ou l'urgence interne dans les plus brefs délais.
- Plaie au niveau du thorax. Des lésions internes sont à suspecter, au niveau du coeur mais aussi du système respiratoire. Dans ce cas, la position d'attente adaptée est la position demi-assise, facilitant ainsi la respiration. Les plaies notamment par armes blanches ne saignent pas obligatoirement et ne sont donc pas toujours faciles à repérer. De même, il faut examiner rapidement le reste du corps, surtout en cas d'agression car les plaies multiples ne sont alors pas rares.
- Plaie de l'abdomen. Elle peut toucher des organes très vascularisés. Ce saignement non visible aura pour conséquence l'installation d'un choc hémorragique. La personne est allongée à plat dos et ses cuisses et ses jambes sont fléchies afin de relâcher les muscles abdominaux et de diminuer la douleur.
- Dans les trois types de plaie précédents, l'administration d'oxygène en inhalation à fort débit est indispensable s'il y a apparition d'une détresse vitale. Une antibioprophylaxie peut s'avérer nécessaire ; elle est alors débutée très précocement dans la première heure après l'arrivée à l'hôpital. De même, la prévention du tétanos garde toute son importance. Il est possible de confirmer l'état vaccinal du patient en prélevant quelques gouttes de sang que l'on mélange à un réactif sur un dispositif. En cas de non-vaccination et selon les recommandations, il peut être nécessaire d'injecter des immunoglobulines.
- Plaie de l'oeil. Une telle plaie n'engage jamais le pronostic vital. Elle n'est pas pour autant à prendre à la légère car elle peut avoir de sérieuses conséquences sur le plan fonctionnel. Il est fréquent que le corps étranger qui a causé cette lésion soit toujours présent. En aucun cas celui-ci ne doit être retiré sans le matériel adapté. Les mouvements des yeux peuvent aggraver la plaie par frottement sur le corps étranger. Afin d'éviter ces mouvements, la personne est placée en décubitus dorsal, tête calée, et il lui est demandé de ne pas bouger la tête ni les yeux.
- Plaie par morsure d'animal. Elle requiert, en plus des soins spécifiques à la plaie, une consultation dans un centre antirabique. En effet, la rage est peu présente mais existe encore dans certaines régions. Contrairement au tétanos, le vaccin contre la rage n'est pas pratiqué de manière systématique. Cette consultation détermine donc si celui-ci est nécessaire et permet d'établir un calendrier vaccinal.
- Plaies en lien avec un accident par exposition au sang. La prise en charge est tout à fait particulière dans ce cas. Un lavage de main doit être réalisé précocement. Il précède l'immersion de la partie concernée dans du Dakin pendant cinq minutes. La suite diffère selon les situations : le patient source peut être identifié et dépisté avec son accord ou bien la source peut être indéterminée. C'est le cas par exemple du personnel qui se pique à cause d'une aiguille jetée dans un sac poubelle. Selon le cas, aucun traitement n'est nécessaire, des bilans sanguins peuvent être pratiqués à distance ou, dans le cas d'un accident à risque, une trithérapie anti-VIH peut être mise en place.
Si les plaies sont fréquentes dans le quotidien, leur degré de gravité est très variable. C'est cette gravité qui conditionne la conduite à tenir. Quels que soient les gestes entrepris, il faut garder à l'esprit que la prise en charge de la plaie et de ses conséquences débute toujours, pour le professionnel de santé, par sa propre protection.
1- Tableaux extraits de « Prophylaxie antitétanique aux urgences », d'O. Rutschmann, disponible sur http://www.sfmu.org, rubrique « Formation » puis « Cours supérieurs ».