« Un vote historique » - L'Infirmière Magazine n° 259 du 01/04/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 259 du 01/04/2010

 

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La réforme de la santé portée par Barack Obama a finalement été adoptée. Le Pr Victor Rodwin, spécialiste américain en politique de santé publique, en décrypte les grandes lignes.

Le projet de loi approuvé le 21 mars par la Chambre des représentants va-t-il métamorphoser le système de santé américain ?

Ce n'est pas une réforme draconienne. En revanche, elle va permettre de fournir une assurance maladie à 30 millions d'Américains supplémentaires. Ce qui est tout de même significatif, voire historique. C'est un projet à long terme. Son application n'interviendra pas avant cinq ou six ans. La réforme s'appuie sur le système en place, à commencer par la couverture qui est assurée par les employeurs.

En outre, d'ici à six ans, le programme Medicaid, destiné aux personnes très pauvres, concernera quelque 15 millions de bénéficiaires supplémentaires. En effet, le revenu plancher des personnes éligibles atteindra désormais 133 % du seuil de pauvreté.

Cela dit, la réforme ne résout pas le problème de l'accès aux soins primaires des bénéficiaires du Medicaid. Car, même si ce programme dispense du ticket modérateur et offre une bonne prise en charge de la pharmacie et du transport, les médecins libéraux se montrent plutôt réticents.

Au-delà des plus démunis, comment la réforme permettra- t-elle d'améliorer la couverture de la population ?

Chaque Américain aura l'obligation de s'assurer, sous peine d'amende. De même, les entreprises de plus de 50 salariés auront l'obligation de cotiser à une assurance pour leurs employés sous peine de payer des pénalités. Pour inciter, également, les petites entreprises de moins de 50 salariés à cotiser, la réforme prévoit une aide sous forme de crédits d'impôt.

À terme, 90 % de la population devrait être couverte. Quant aux 10 % restants, ils dépendront encore des hôpitaux publics et des centres de santé déjà existants. En outre, dans sa dernière mouture, la réforme prévoit un changement dans les méthodes de financement. Elle étend l'impôt Medicare, c'est-à-dire la cotisation obligatoire dont s'acquittent tous les salariés, aux dividendes...

Cette nouvelle taxe rend les républicains furieux (1)... En cas d'alternance à la Maison Blanche, cela pourrait être remis en cause.

À votre avis, quel est le point fort de cette réforme ?

Il faut souligner la partie que personne ne conteste : elle préconise un financement fédéral très important dans l'objectif de lancer une série d'expérimentations, en l'occurrence toutes les idées qui ont été envisagées aux États-Unis par les spécialistes en santé publique depuis près de vingt ans ! Citons la mise en place des dossiers de santé électronique ; le paiement à la performance ; les réseaux médicaux... De quoi moderniser un système construit sur un modèle où la médecine libérale prédomine et où les hôpitaux sont mal coordonnés avec les libéraux, un système qui paraît aujourd'hui assez archaïque.

- Victor Rodwin enseigne à l'université de New York. Il est, en outre, titulaire de la chaire Fulbright-Tocqueville à l'université de Paris-Sud 11.

1- Aucun représentant républicain n'a voté en faveur de cette réforme, adoptée avec seulement sept voix d'avance : 219 contre 212.