Ofélia Lopez-Hernandez
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De l'hôpital de Las Palmas à celui de Sainte-Anne, Ofélia Lopez-Hernandez s'est toujours investie dans le secteur de la psychiatrie. Son opiniâtreté et son enthousiasme l'ont menée à réaliser son rêve : vivre à Paris.
«Je ne sais pas si je vais quitter Sainte-Anne un jour. Enfin, on verra bien ce que la vie me réserve ! » Si Ofélia Lopez-Hernandez avait un message à faire passer auprès de tous ceux qui rêvent de venir vivre à Paris, qu'ils soient espagnols, anglais ou d'ailleurs, c'est que c'est possible. « C'est dur au début, mais on peut bien s'intégrer et réussir, d'où que l'on vienne. » Avant le coup de coeur pour la psychiatrie, il y a eu l'astrophysique et la biologie. « Mais, sur mon île, la Grande Canarie, d'où je suis originaire, il n'y avait pas de faculté de biologie. Il aurait fallu que j'aille sur une autre île des Canaries, et ça, on ne pouvait pas se le permettre financièrement dans ma famille. Et puis, cinq ans d'études, c'était trop long. Je voulais avoir mon autonomie le plus vite possible. » Son bac scientifique en poche, ses bonnes notes lui laissent un large choix d'orientations. « J'aurais également pu faire médecine. Mais pareil, c'était trop long. »
En 1990, Ofélia entre à l'université en soins infirmiers de Las Palmas. « Et là, ce furent trois ans de bonheur. J'ai adoré l'enseignement. On était dans les mêmes locaux que les étudiants en médecine et en kiné. Il y avait une super ambiance. On se connaissait tous car on passait des heures à étudier à la bibliothèque. À l'époque, à Las Palmas, on était nombreuses à vouloir être infirmières. Je crois qu'aujourd'hui encore, il n'y a pas de place pour tout le monde parce qu'on est une profession reconnue en Espagne. Et cela passe, je pense, par une reconnaissance universitaire, professionnelle et salariale. »
Même si la licence universitaire en soins infirmiers espagnole est équivalente au diplôme d'infirmier d'État français aujourd'hui, la philosophie et l'organisation des études sont très différentes. À l'université de Las Palmas, les étudiants sont peu couvés, peu encadrés au niveau pédagogique. « Ce système universitaire m'allait très bien car j'étais très indépendante. » L'idéal, selon Ofélia, aujourd'hui, serait de trouver un juste milieu : donner assez d'indépendance pour que l'étudiant développe des compétences et soit acteur de sa formation, sans qu'il reste totalement seul au niveau pédagogique.
Au niveau organisation, les études n'étaient pas divisées en modules comme en France. Chaque année regroupait un certain nombre de disciplines, étudiées au niveau théorique, puis pratique (stages), une fois par semaine, tout au long de l'année.
En plus des affinités liées à sa personnalité, ce sont les stages qui lui ont permis de trancher. « Je me souviens de m'être démenée en stage de deuxième année, courant toute la journée pour poser des perfusions, ou prendre la tension des patients. Quand il y avait un problème, il fallait courir à la 109, ou à la 115. Les patients étaient des numéros de chambre. Mais moi, je voulais travailler avec des personnes. En troisième année, nous avons étudié la psychiatrie. J'ai apprécié, pendant les stages, de pouvoir vraiment parler aux patients, et d'avoir une vision globale du soin. »
Quand elle obtient son diplôme, la spécialisation d'infirmier en soins psychiatriques n'existe plus (comme en France, où la spécialisation disparaît en 1992). Du coup, Ofélia commence à suivre des cours de psychologie, en candidate libre.
Une nouvelle unité de psychiatrie ouvre alors à Las Palmas, et elle se voit proposer un CDI. « J'ai tout de suite dit oui, et je m'y suis épanouie pendant six ans. J'ai beaucoup appris, avec les réunions cliniques, des cours de psychopathologie et de psychanalyse donnés dans l'unité. Nous avons aussi mis en place des protocoles. Les congrès auxquels nous assistions régulièrement étaient enrichissants. Pourtant, ils n'étaient pas pris en charge par la formation continue de l'hôpital. »
C'était l'époque où les équipes travaillaient en 3x8. « Nous étions deux infirmiers et trois aides-soignants pour 28 patients, en unité fermée. On tournait, le matin, l'après-midi, la nuit, en alternance avec d'autres équipes. Le même binôme infirmier, un homme et une femme, travaillait ensemble. On se partageait le travail en fonction de nos points faibles et de nos points forts, en s'épaulant. »
Était-ce la vie insulaire ? Ou l'influence de son père qui aimait déjà la France ? « Cela faisait des années que je rêvais de Paris. Pour moi qui avais habité sur une petite île toute ma vie, Paris, c'était la capitale de la mode, de la culture. »
En 1996, Ofélia part pour la première fois à Paris, en juillet. « J'en ai profité pour prendre des cours de français à l'Alliance française, mais c'était dur, je n'avais encore jamais été immergée. » En 1998, deuxième voyage. « Je m'en souviens, c'était la Coupe du monde de football. Et j'ai rencontré celui qui allait devenir mon mari. Il terminait alors des études de pharmacie. » Cependant, les vacances écoulées, retour à Las Palmas, là où l'attendent son travail, sa famille, ses amis.
Grâce aux études de psychologie, Ofélia décroche une bourse Erasmus à la faculté de Montpellier. Il faut faire un choix entre son travail à Las Palmas et la bourse.
Après quelques allers-retours, Paris l'emporte. Mais il lui faut trouver du travail, sinon elle devra retourner sur son île.
L'obsession de Sainte-Anne remontait à des années. « Pour moi qui avais déjà exercé en psychiatrie, Sainte-Anne était un monument de l'histoire de la psychiatrie française. Aussi bien au niveau de la découverte des psychotropes, de l'influence de la psychanalyse que de la mise en place de la sectorisation. Je voulais y travailler. » C'était un pari risqué que de laisser tomber une bonne place dans une unité de psychiatrie à Las Palmas pour une place éventuelle dans un hôpital psychiatrique français renommé. « Je n'étais toujours pas bilingue, mais j'arrivais à me faire comprendre. J'ai passé un entretien avec Nicole Monsterlet, qui s'est bien passé, et j'ai intégré le secteur 3 au mois d'octobre 1999. »
Les premiers temps, il a fallu s'adapter à des systèmes hospitalier et administratif complètement différents. « J'étais un peu perdue, et j'avais peur que les patients ne me comprennent pas bien... J'ai eu de la chance, car l'équipe du Dr. Marcel (secteur 3) m'a vraiment bien accueillie. Et même les patients ont été tolérants avec moi ! Je crois que mon accent a contribué à créer des liens avec eux ! »
Des coups de blues, Ofélia en a eu. « Ma famille, mes amis, mon île me manquent parfois terriblement. » Mais, son mariage, en 2001, et la naissance de ses deux enfants l'ont aidée à surmonter ces moments difficiles. Pendant sept ans, Ofélia tourne dans les différentes structures du secteur de psychiatrie adulte de Sainte-Anne : unité d'hospitalisation à temps plein, centre d'accueil et de crise, CMP, hôpital de jour. Elle cherche alors à évoluer. On lui parle de l'école des cadres comme d'une piste intéressante à creuser. « J'aime beaucoup la gestion et l'organisation. Mais, sans les encouragements de mon cadre, je ne me serais peut-être pas lancée, car j'avais peur de ne pas avoir le niveau à l'écrit. »
Aujourd'hui, Ofélia est cadre de santé à Sainte-Anne, dans le service du Dr. Petit Jean (secteur 17). « J'ai beaucoup étudié pour être au niveau. Je me suis aussi investie dans des groupes de travail transversaux sur la qualité, les droits et devoirs des patients. Ça a été deux années de stress, où il fallait tout conjuguer en même temps : les enfants, le mari, les études... » Mais elle ne regrette rien. « J'ai une vision plus globale du service, je dois assurer la continuité des soins tous les jours, 7 jours sur 7 ».
La position de cadre est à un carrefour, ce qui n'est pas toujours facile. « Je reste en contact avec le cadre de proximité, participe au projet de soins des patients et à de nombreux staffs où nous réfléchissons tous ensemble à des situations cliniques. C'est ça la richesse d'être cadre après avoir été treize ans sur le terrain ! »
À la maison, Ofélia parle espagnol avec ses enfants, pour leur inculquer la culture hispanique, car c'est une richesse qu'il faut entretenir. « Moi, je suis fière d'être espagnole, je suis fière d'être infirmière, et fière d'avoir réussi en France ! »
- 1970 : naissance à Las Palmas de Grande Canarie (Espagne).
- 1993 : licence universitaire en soins infirmiers, université de Las Palmas de Grande Canarie.
- 1999 : Ofélia emménage à Paris, premier poste à Sainte-Anne.
- 2006 : master de psychologie, spécialité psychologie clinique, faculté de psychologie, Madrid, Espagne.
- 2006-2007 : management gestion de santé : université Paris XII Val-de-Marne.
- 2006-2007 : diplôme de cadre de santé, École supérieure Montsouris, Paris.