L'Infirmière Magazine n° 260 du 01/05/2010

 

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Les 26 agences régionales de santé ont été officiellement installées par la ministre de la Santé. Roselyne Bachelot a qualifié le moment d'« historique pour notre système de soins ».

«Les ARS corrigent les deux principaux défauts de notre système de santé : sa gestion trop cloisonnée et son excessive centralisation », a déclaré Roselyne Bachelot, le... 1er avril dernier, jour de leur création effective. Clé de voûte de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, adoptée en juillet 2009, le poisson est effectivement de taille. Il unifie l'ensemble des organismes publics chargés des politiques de santé sur un même territoire. Une des gageures consistera à bâtir une culture commune à partir d'entités très différentes [voir l'infographie], regroupant quelque 9 500 agents de l'État et de l'assurance maladie. «Il va falloir créer l'harmonie en interne tout en installant les agences, note Jean-Pierre Lancry, nommé directeur général de l'ARS de Basse-Normandie. Mais nous ne partons pas de rien. Depuis plusieurs mois, nous travaillons déjà ensemble à l'élaboration du futur projet régional de santé.»

Quête d'efficience

En tenant dans une même main les secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social, les ARS deviennent l'interlocuteur unique en matière de santé dans leurs frontières et au plus près, selon l'esprit de la loi, des usagers, des patients et des acteurs de santé, qu'ils soient professionnels de santé (dans le public comme le privé) ou encore associatifs (représentants d'usagers notamment).

En outre, elles devront favoriser et développer, dans le cadre de la promotion de la santé, le rééquilibrage du préventif par rapport au curatif. Reste que si elles disposent de larges prérogatives en matière d'organisation et de coordination des politiques de santé et des dispositifs pour les mettre en oeuvre, ces nouvelles instances devront aussi composer avec un vocable très à la mode : efficience. En des temps où le déficit de l'assurance maladie ne cesse de se creuser, l'efficience peut se traduire, au choix, par faire mieux avec moins ou faire plus avec autant...

«Tout le monde s'accordait sur la nécessité d'un décloisonnement des services et d'une meilleure coordination entre le sanitaire et le médico-social. Nous sommes donc optimistes, commente Sylvain Fernandez-Curiel, chargé de mission santé du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss). Mais nous restons vigilants car, aujourd'hui, on focalise sur les dépenses de santé sans jamais évoquer les recettes ! À notre niveau, on plaide pour l'ouverture d'un débat national sur cette question. On espère aussi que les ARS pourront intervenir vite dans certains domaines. Je pense aux soins palliatifs, actuellement très désavantagés par le mode de financement de la T2A. »

Double mission

Pour Roselyne Bachelot, l'objectif des ARS est clair : « Elles sont "la force de frappe" des pouvoirs publics en matière de santé, déclarait-elle le 1er avril. À cet égard, elles ont une double mission : répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, et utiliser au mieux les ressources que les Français consacrent à leur santé. » À terme, elles devraient gérer quelque 40 milliards d'euros de budget dans les champs hospitalier et médico-social, ainsi que dans celui de la prévention et du financement des réseaux. Mais, au fait, les ARS, comment ça marche ?

- Un guichet unique. Les ARS sont des établissements publics. Elles regroupent les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), les groupements régionaux de santé publique (GRSP), les unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam), les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales (Ddass et Drass) et les missions régionales de santé (MRS). Au titre du volet hospitalier de l'assurance maladie, elles emploieront une partie du personnel des caisses régionales d'assurance maladie (Cram), des directions régionales du service médical (DRSM), des caisses du régime social des indépendants (RSI) et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Une délégation territoriale sera implantée dans chaque département. Pour 2010, chaque ARS disposera, en moyenne, d'un budget de fonctionnement de 40 millions d'euros.

- L'organigramme. Chacune des agences régionales est dirigée par un directeur général nommé par le gouvernement. Elles sont dotées d'un conseil de surveillance où siègent des représentants de l'État, de l'assurance maladie, de collectivités territoriales, des usagers du système de santé et des personnalités qualifiées. Les agences agissent en concertation avec la conférence régionale de santé et de l'autonomie, les deux commissions de coordination des politiques de santé (l'une dédiée à la prévention, l'autre au médico-social) et les conférences de territoire. Ces instances « de gouvernance territoriale » seront installées prochainement.

- Les quatre objectifs de l'ARS :

- contribuer à réduire les inégalités territoriales en santé ;

- assurer un meilleur accès aux soins ;

- organiser les parcours de soins en fonction des patients ;

- assurer une meilleure efficacité des dépenses de santé.

- Le projet régional de santé (PRS). C'est la feuille de route stratégique de l'ARS, qui doit être élaborée avec l'ensemble des acteurs de santé du territoire : hôpitaux, libéraux médicaux et paramédicaux, services de transport sanitaire d'urgence... Le PRS définit les objectifs pluriannuels des actions conduites par l'ARS au regard de ses compétences. Il doit être conforme aux orientations de la politique nationale de santé et aux budgets des lois de financement de la Sécurité sociale. Le PRS devra être adopté dans chaque région au second semestre de 2011.

- L'hôpital. Les ARS sont chargées « de piloter la performance des hôpitaux publics ». Cette performance embrasse tous les champs de leur activité : de la qualité des soins aux résultats financiers, en passant par l'accès aux soins et les conditions de travail.

Désormais, les ARS nommeront les directeurs des hôpitaux publics et devront passer des accords pluriannuels de contractualisation d'objectifs avec les établissements. Les directeurs généraux des ARS seront eux-mêmes évalués sur le résultat de ces objectifs.

En Paca, « le régime de croisière en 2011 »

Le 9 avril, Dominique Deroubaix, directeur général de l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur, faisait le point sur les chantiers à venir. Selon lui, cette région dispose d'une « offre de soins globalement bien pourvue », mais elle présente aussi « des disparités majeures, notamment entre le littoral et le secteur alpin ». La continuité des soins s'annonce comme l'un des principaux défis. Pour les relever, l'ARS (650 agents) compte sur quelque « 1 500 établissements et - hors salariés de ces structures - plus de 90 000 personnes » travaillant dans les secteurs sanitaire et médico-social.

« Mais nous ne sommes plus dans une logique descendante, assure Dominique Deroubaix. Nous allons privilégier le mode contractuel. La coopération n'a jamais voulu dire la fusion des établissements. » Il espère ainsi impulser des coopérations entre territoires. Quitte à manifester « un peu de fermeté » car, ajoute-t-il, « on ne construit pas un nouvel hôpital pour le plaisir de faire un nouvel hôpital ». Il faudra donc compter sur la création « d'équipes médicales territoriales » qui supposent de futurs partenariats entre professionnels et entre secteurs public et privé. Pour l'heure, aucun calendrier précis n'est annoncé. « Jusqu'en septembre, notre structure est éclatée entre plusieurs sites, explique-t-il. Nous atteindrons notre régime de croisière début 2011. »

Marjolaine Dihl

Paroles d'infirmières

- « Dans l'Eure, on souffre d'une insuffisance majeure d'offre de soins. L'ARS pourrait permettre un rééquilibrage en favorisant l'installation de praticiens. Elle pourrait aussi réformer la sectorisation psychiatrique, qui ne correspond plus à la réalité du terrain. Mais la question des moyens se pose. Si c'est du redéploiement, ça ne suffira pas. Et quid des hôpitaux de proximité menacés de fermeture ? »

Martine Laurent, cadre de santé en pédopsychiatrie (Eure).

- « Sur le papier, cette réorganisation de la santé a du sens. Mais comme elle est fondée sur le principe de « faire des économies », on peut craindre le pire. Produire du soin de qualité à moindre coût, cela n'existe pas. Ma crainte est de voir des missions de service public aller au privé, au détriment des personnels et des patients. »

Anne-Catherine Godde, infirmière à l'hôpital Tenon (Paris).

- « L'ARS, c'est la grande inconnue ! Par exemple, va-t-elle reprendre les compétences de santé et de prévention confiées aux départements dans le cadre de la contractualisation ? Et si les financements sont réduits ou supprimés, que vont devenir ces missions, sachant que les départements n'ont pas la capacité de les assumer seuls ? »

Hélène, cadre de santé prévention-santé (région parisienne).