détention
Dossier
Depuis vingt ans, le nombre de personnes incarcérées de plus de 60 ans est en constante augmentation. Qui sont ces détenus âgés, et comment leur santé est-elle prise en charge ?
En 1988, les prisonniers de plus de 60 ans ne représentaient que 1 % des détenus. Vingt-deux ans plus tard, ils sont presque 4 % (3,7 %), soit 2 465 détenus(1). L'an dernier, l'homme le plus âgé en prison avait 92 ans et la doyenne 82 ans. Un phénomène souvent ignoré, qui n'est pas l'apanage de la France mais revêt une dimension européenne. La prison est-elle prête à accueillir toujours plus de vieillards ? La privation de liberté ne devrait pas empêcher chaque détenu de recevoir les soins requis dans de bonnes conditions. Or, si l'organisation des soins en milieu carcéral a fait d'énormes progrès ces quinze dernières années, elle n'est pas toujours adaptée aux aînés, d'autant que la prison constitue, en soi, un facteur de vieillissement précoce. L'enfermement induit des facteurs de risques pour la santé particulièrement prégnants chez les personnes âgées, plus fragiles. Ces facteurs touchent les plus de 60 ans, mais aussi des détenus plus jeunes, qui vont vieillir précocement.
Actuellement, à la maison centrale de Poissy (Yvelines), en plein centre historique, cinq détenus ont plus de 65 ans, et beaucoup se situent dans la tranche d'âge 50-60 ans. « Ils font parfois dix ans de plus, car la prison les abîme », souligne Emmanuelle Laplanche, infirmière à l'UCSA (unité de consultation et de soins ambulatoires) de Poissy. Dans cet établissement logé dans un ancien couvent de religieuses, les détenus âgés souffrent d'une réelle perte d'autonomie. « Certains sont aveugles, incontinents ou encore en fauteuil roulant, alors que la maison n'est pas du tout aménagée pour ça. Les cellules ne mesurent que 7 m2, ce qui rend le transfert du fauteuil au lit quasi impossible ! », reprend l'infirmière.
La perte de l'autonomie est l'une des pathologies les plus fréquentes chez les détenus âgés. Mais elle n'est que la partie émergée de l'iceberg. Des maladies chroniques reviennent fréquemment : diabète, hypertension, cholestérol, obésité, problèmes cardiaques, ulcères de stress. En réduisant le champ visuel, l'incarcération entraîne aussi de graves problèmes ophtalmologiques. Le manque d'exercice physique participe de pathologies articulaires et pulmonaires. Très souvent, les détenus les plus âgés restent enfermés dans leur cellule à enchaîner les cigarettes. « Certains subissent une réelle perte de la notion du temps et de l'espace du fait de la "géographie" de la prison, voire des pertes de mémoire, explique Roch-Étienne Migliorino, infirmier pendant cinq ans à la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne). On a essayé de mettre en place un atelier mémoire, mais il y avait un problème de personnel et de locaux, ça supposait de créer un poste. »
L'horizon de la prison, c'est la cellule. Une cellule que les détenus peuvent quitter pour la promenade, à laquelle renâclent pourtant souvent les plus âgés. « La plupart ne vont pas en promenade car les portes restent fermées pendant deux heures et ils sont obligés d'y rester. Mais quand il fait très froid ou très chaud, qu'il n'y pas d'ombre, pas de bancs, les plus âgés ne supportent pas. Parfois, certains simulent un malaise pour rentrer », explique Roch-Étienne Migliorino.
Si les prisonniers âgés ne vont pas en promenade, c'est aussi qu'ils craignent d'être les souffre-douleur des autres détenus. En effet, parmi cette population, se trouvent un grand nombre de personnes condamnées dans des affaires de moeurs, souvent pour pédophilie. Et le regard porté sur elles est sans concession.
Si l'on trouve des agresseurs sexuels parmi les détenus les plus âgés, c'est que le délai de prescription pour les affaires de moeurs est de dix ans à compter de la majorité de la victime (articles 7 et 8 du Code de procédure pénale). À l'issue du procès, le coupable est donc souvent déjà âgé, et condamné à une lourde peine. Il vieillira en prison. « Ces personnes sont placées "en isolement", pour leur protection, sans relations sociales, sans promenade, sans ateliers, et développent souvent de graves troubles du comportement », indique François Bès, chargé des questions de santé à la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP). La question est d'une acuité aiguë si l'on se rappelle qu'en dix ans, la délinquance sexuelle a augmenté de 100 % et représente la première cause de condamnation dans nos prisons(2).
En 2009, Fresnes abritait 2 400 détenus, soit un taux d'occupation de 170 %, voire 180 %. C'est l'une des plus grosses maisons d'arrêt de France, où vivent quelque 4 % de personnes âgées de plus de 65 ans. Beaucoup ont été condamnées pour pédophilie, mais aussi pour meurtre, escroquerie... « C'est toujours lié à des pathologies psychiatriques, insiste Roch-Étienne Migliorino. Je me souviens d'un monsieur âgé qui avait tué sa femme car il était persuadé qu'elle avait une histoire d'amour avec le voisin ! Il était dans un délire de persécution, de paranoïa. Difficile de dire si cette pathologie est due à la vieillesse ou à des démences. »
Les infirmiers sont confrontés à quantité de pathologies très différentes et doivent donc sans cesse s'adapter, se former (voir encadré p.6), apprendre. Leurs responsabilités sont souvent très importantes.
Travailler en prison, c'est aussi porter certaines valeurs, une philosophie du soin. « Il faut s'interdire tout jugement moral, car ce n'est pas l'objet de la relation de soin. Mais ce n'est pas toujours évident, surtout dans certaines affaires très médiatisées comme les crimes sexuels », prévient Roch-Étienne Migliorino. Et, si le soignant ne doit rien savoir de l'histoire judiciaire du patient, certains détenus en parlent d'eux-mêmes. Parfois, l'infirmier est la seule personne à laquelle ils peuvent se confier. « Il arrive que des infirmiers disent très sincèrement qu'ils ne se sentent pas capables de soigner certaines personnes », explique Nadine Dussaule, responsable du module de formation sur les soins aux détenus à l'Ifsi des Diaconesses.
Souvent, les détenus âgés avaient négligé leur santé avant d'entrer en prison, attribuant certains symptômes à leur âge. Le bilan médical en UCSA, systématique, est donc parfois l'occasion de détecter des pathologies. Dans le cas d'un traitement déjà mis en place avant l'incarcération, les équipes des prisons prennent le relais. « Il est très rare qu'une personne âgée arrive sans aucun problème, ne serait-ce qu'avoir besoin d'un médicament pour dormir », souligne Roch-Étienne Migliorino.
En prison, l'unité de soins constitue souvent le seul endroit où les patients ne sont pas réduits à leur délit. Depuis la loi de janvier 1994, l'organisation des soins relève du ministère de la Santé. Tous les détenus sont affiliés au régime de la Sécurité sociale. Le personnel de santé travaillant en milieu carcéral représente 2 300 personnes. Dans chaque établissement pénitentiaire, les consultations ont lieu dans des UCSA, au nombre de 175, rattachées à l'hôpital de proximité. Beaucoup d'entre elles restent très mal pourvues en personnel médical. « Certains directeurs d'hôpital préfèrent affecter un médecin supplémentaire aux urgences plutôt qu'à la prison », déplore François Bès. À la maison centrale de Colmar (Bas-Rhin), les détenus sont condamnés pour des lourdes peines. Ils sont 230, dont plus d'une dizaine de plus de 60 ans. « Avant mon arrivée, l'UCSA était la laissée-pour-compte du pôle, explique Monique Ehningé, responsable de l'UCSA de Colmar. J'ai renouvelé l'équipe, car elle était très fatiguée. Le point fort, ici, c'est que nous sommes rattachés aux urgences du CHU. Ce qui veut dire qu'en cas d'astreinte, les urgentistes peuvent intervenir. C'est un très bon choix pour gérer une population vieillissante. »
Plus le détenu est âgé, plus il aura besoin d'examens poussés, voire d'une hospitalisation. Quand c'est le cas, celle-ci est strictement planifiée et organisée, avec un transfert sous escorte policière. Les hospitalisations de plus de 48 heures ont lieu dans des unités hospitalières sécurisées inter- régionales (UHSI), implantées dans des CHU et au nombre de huit (Nancy, Lille, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Rennes et Paris-La Pitié-Salpêtrière), pour un total de 181 lits.
Depuis son ouverture, en décembre 2008, l'équipe de l'UHSI de la Pitié-Salpêtrière a reçu entre 10 et 15 % de patients âgés. Son tout premier patient était une personne de 80 ans. « Nous savions que des personnes si âgées pouvaient être en prison. Ce premier patient était donc très représentatif du vieillissement de la population carcérale, dont la prise en charge médicale est difficile », explique Yvain Auger, médecin généraliste.
La création des UHSI représente une avancée de taille pour l'amélioration de cette prise en charge. Néanmoins, le problème le plus aigu touchant cette population reste la perte d'autonomie. Et, dans ce domaine, l'aménagement des prisons a de gros progrès à faire.
« Dès qu'il y a dépendance, il y a problème, résume ainsi François Cordonnier, responsable de l'UCSA de Poissy. Le nombre de cellules aménagées pour un détenu âgé en perte d'autonomie est très limité, de même que les lits médicalisés, pas homologués pour la prison. » Les UCSA ne peuvent pas toujours gérer l'évolution des problèmes de santé liés à l'âge. À la maison centrale de Poissy, une unité sanitaire avec cuisine et douches accueille les prisonniers les plus dépendants. Des alarmes sont installées dans les cellules, ouvertes, une auxiliaire de vie travaille auprès d'eux. « Ce n'est pas la panacée, car on manque de moyens. Il faudrait des locaux plus adaptés : il n'y a pas de barre de maintien pour la douche, donc on fait avec un manche à balai ! La DDASS a relevé des aberrations dans cette unité, mais on ne voit aucun changement », décrit Emmanuelle Laplanche.
Face à ces conditions dégradées, certains établissements imaginent eux-mêmes des solutions. Par exemple, le système du « codétenu aidant », qui reçoit des contreparties. Mais, pour Philippe Guivarc'h, responsable de l'UCSA du centre pénitentiaire de Caen (Calvados), « ce système peut entraîner une relation malsaine, du chantage. Chez nous, nous avons des conventions avec des associations extérieures de soins à domicile. Elles interviennent pour la toilette, la marche, l'accompagnement à la douche... »
La question de la dépendance du détenu âgé s'apparente à un problème sans solution : la prison n'est pas aménagée pour lui, mais il doit justifier d'un degré de dépendance très avancé pour se voir accorder une suspension de peine. Faut-il, parallèlement à cette suspension, qui ne concerne qu'une petite partie des « vieux » détenus, créer des « prisons-maisons de retraite » ?
En Allemagne, trois établissements de ce type existent. En France, les « prisons du futur » devraient en tenir compte et se doter d'ailes gériatriques, mais les projets sont encore dans les cartons. Pourtant, pour de nombreux médecins, la prison n'est pas adaptée aux plus âgés. Le docteur Philippe Guivarc'h insiste : « La prison est faite pour accueillir des personnes jeunes. Tout est construit dans le but d'éviter l'évasion. Mais un détenu de 80 ans ne va pas aller escalader des grilles ! Il faut des prisons adaptées à la perte d'autonomie, sur un seul niveau. Jusqu'à présent, on bricole. Les prisons ont 100 ans, ce sont des structures sur trois étages, les douches sont vétustes... D'autre part, à Caen, il n'y a pas d'UHSI. On en parle mais on ne voit rien venir. »
La prison de Liancourt (Oise), officiellement centre de détention « classique », accueille de nombreux détenus âgés et concentre toutes les difficultés. Elle devrait fermer en 2015 ou 2017. Dans les deux bâtiments de l'ancien centre de détention, 21 % des détenus ont plus de 50 ans (chiffres de juillet 2008). Ici, les détenus vivent encore dans des anciens dortoirs de dix personnes. Dans chaque dortoir, un sanitaire, fermé par un rideau. Au rez-de-chaussée, une dizaine de cellules individuelles comportant une douche avec un siège adapté, mais ce n'est pas suffisant. « Beaucoup de détenus âgés souffrent d'artériopathie, de BPCO, et les locaux ne sont pas adaptés », déplore Olivier Sannier, médecin généraliste, responsable de l'UCSA de Liancourt.
Dans cet établissement, les détenus âgés, en majorité des délinquants sexuels, sont regroupés. « Ça n'est pas adapté, car la promiscuité favorise la perte d'autonomie. Nous avons à présent un budget pour des aides-soignants et des auxiliaires de vie, mais ça ne suffit pas. » D'autre part, le site souffre aussi d'un manque de personnel : sur 2,5 équivalents temps plein de médecin généraliste, seul 1,4 est occupé. Les infirmières représentent 10 équivalents temps plein. L'équipe doit se répartir sur les deux sites, les postes sont budgétés mais l'UCSA peine à recruter. « Les infirmières passent beaucoup de temps à faire de la préparation de pharmacie, donc elles sont moins disponibles pour les soins, l'éducation à la santé... Sans compter l'organisation des extractions à l'UHSI de la Pitié-Salpêtrière, au nombre de trois ou quatre par jour, une moyenne pas étonnante si l'on considère le pourcentage de prisonniers âgés. »
Être âgé en prison, c'est ne pas avoir d'horizon. Par manque de personnel, les consultations de psychologie ne sont pas systématiques pour les aînés. Leur souffrance ne trouve donc pas d'exutoire, sinon, parfois, lors d'un séjour en hôpital. Élisabeth Maître est psychologue clinicienne à l'UHSI de la Pitié-Salpêtrière.
Depuis quelque temps, elle voit arriver pas mal de gens âgés, une patientèle qui a ses propres spécificités. Des vieillards condamnés pour des affaires de moeurs souvent anciennes, avec des pathologies graves et toutes les angoisses de mort qui y sont liées. Ici, pas de sortie, pas de promenade, un isolement difficile à supporter. « Ils sont dans la perspective de ne pas finir leur vie comme ils l'avaient envisagé. Ils sont sortis de leur milieu familial de retraité, ils se sont progressivement installés dans le milieu carcéral, où ils ont pris de nouvelles habitudes, puis ils arrivent à l'UHSI, où ils sont souvent confrontés à la maladie grave. Ainsi, ils se retrouvent dans une attitude de sidération car ils n'ont pas forcément conscience de la gravité des actes qui ont entraîné leur condamnation, leur famille a éclaté et s'est éloignée. Le travail de la psychologue est de contribuer à restaurer une vie psychique plus fluide, pour les aider à faire face à tous ces remaniements. »
De fait, les démences chez les détenus âgés sont fréquentes. Parfois même, des maladies type Alzheimer se déclenchent en prison. Roch-Étienne Migliorino se souvient d'un détenu malade : « Il venait tous les jours à l'infirmerie, on lui rappelait la date mais il l'oubliait tout de suite. Il restait assis dans sa cellule, sans rien faire de la journée. Au moins six mois se sont écoulés entre le moment du diagnostic et sa sortie. » Il a fini par obtenir une grâce médicale et a été pris en charge par les Petits Frères des pauvres.
Dans des cas comme celui-ci, toute la difficulté réside dans l'interprétation de la loi sur « l'état incompatible avec le maintien en détention » : « Si le détenu âgé est délirant mais qu'il reste autonome, c'est-à-dire qu'il peut manger, se laver, prendre ses médicaments, et s'il n'est pas agressif, ce n'est pas un motif de grâce. La perte d'autonomie irréversible, elle, l'est. »
Pour de nombreux professionnels du milieu carcéral, la question du maintien en détention d'une personne âgée se pose frontalement. « C'est un problème politique. Sauf que dans l'inconscient collectif, il y a toujours ce discours qui dit que les détenus doivent en baver. Mais le problème des très longues peines, c'est qu'elles amenuisent considérablement les chances de réinsertion. Comment voulez-vous qu'à 80 ans, une personne dont les liens familiaux se sont totalement délités se réinsère ? », interroge Philippe Guivarc'h. Certains professionnels plaident pour des alternatives à l'enfermement, comme le système de téléalarme ou de télésurveillance et autres bracelets électroniques adaptés. Des alternatives qui n'en sont qu'à leurs balbutiements.
Pour les cas graves, reste la suspension de peine pour raisons médicales, régie par l'amendement Kouchner du 4 mars 2002, suite à la libération très débattue de Maurice Papon. Les réticences face aux aménagements de peine sont directement liées au risque de récidive, très difficile à évaluer. Selon la Farapej, ce risque est certainement plus grand en cas de « sortie sèche » après quinze ou dix-huit ans d'incarcération qu'avec une mesure d'aménagement de peine un, deux ou trois ans plus tôt.
Dans ce dernier cas, la difficulté consiste à trouver un « point de chute » à la personne âgée. Des organismes comme la Croix-Rouge (voir encadré p. 7) peuvent aider. Mais ils sont rares. La plupart du temps, la famille est absente. Les places en maisons de retraite sont quasi impossibles à obtenir. François Cordonnier se souvient d'un détenu atteint de la maladie de Huntington (dégénérescence neuronale affectant les fonctions motrices et cognitives aboutissant à une démence), pour lequel il a fallu deux ans avant de trouver un point de chute. Autre souvenir pénible, un patient de 83 ans décédé l'an dernier à l'hôpital de Fresnes. « Les experts étaient embêtés, il était à Poissy depuis plus de trente ans, le sortir n'était pas forcément un bien-être pour lui, il aurait pu être déstabilisé par une perte de repères. C'est le problème du grand âge en prison. Quand le diagnostic vital n'est pas engagé, ils n'ont pas de remise de peine, donc ils meurent détenus, même s'ils ont été extraits à l'hôpital. »
« J'ai le souvenir d'un détenu qui a effectué dix-neuf ans de prison, et qui est décédé en mars dernier, trois semaines avant la fin de sa peine... Il avait 75 ans », raconte François Cordonnier. De fait, la plupart des détenus âgés meurent en incarcération.
« Il y a deux types de morts en prison, précise le docteur Guivarc'h. La mort de vieillesse, et la mort pour raisons médicales. Dans ce deuxième cas, le plus souvent, les détenus sont hospitalisés, et ils décèdent à l'hôpital. » Du coup, certains professionnels du milieu carcéral, comme Roch-Étienne Migliorino, s'interrogent sur un possible effet pervers des UHSI : « À terme, est-ce que cela ne va pas supprimer la grâce médicale ? Les détenus malades et âgés iront en soins palliatifs... et mourront là-bas. »
1- Source : colloque de la Farapej (Fédération des associations réflexion, action, prison et justice) de décembre 2004.
2- Ministère de la Justice, direction de l'Administration pénitentiaire, « Les chiffres-clés de l'administration pénitentiaire au 1er janvier 2009 » (derniers chiffres connus).
Quelques Ifsi dispensent des modules optionnels sur le soin en milieu carcéral. Nadine Dussaule est responsable de celui des Diaconesses. La formation consiste en une découverte du monde carcéral, des rencontres sur le terrain. « Je leur donne matière à réfléchir car, pour exercer en prison, il faut se positionner en tant que citoyen, parvenir à une neutralité bienveillante. » Dans ce module, les intervenants parlent beaucoup de la population vieillissante en prison, souvent des personnes en lien avec de graves affaires de moeurs, et donnent des clés sur la façon de rester professionnel. De nombreux UCSA, comme celui de Colmar, sont ouverts aux étudiants infirmiers comme terrains de stage. Les infirmières de cette UCSA suivent quatre modules obligatoires dans le cadre de la formation d'adaptation à l'emploi, dont une sur le profil de la population carcérale : « Il faut comprendre qui on soigne pour s'adapter », explique Monique Ehningé, responsable de l'UCSA. Des organismes de formation tels que l'Afar proposent aussi des solutions, comme ce stage sur « plaintes somatiques et psychopathologie en milieu carcéral chez une population vieillissante ».
La Croix-Rouge possède une forte tradition d'intervention en milieu carcéral, notamment infirmière. Depuis 2001, son programme « Prison-justice » oeuvre à la recherche de structures d'accueil pour les détenus âgés sortant de prison. Au sein d'un groupe d'associations (Association des Cités du Secours catholique, Arapej Ile-de-France, Aurore, Secours catholique-Caritas, Petits Frères des pauvres), un réseau qui a adopté une position commune dans sa convention du 4 mai 2009, la Croix-Rouge peut ouvrir aux anciens détenus les portes de ses 32 maisons de retraite, dont 27 Ehpad. Le 3 juillet 2009, elle a ainsi signé une convention avec l'Abrapa (Association bas-rhinoise d'aide aux personnes âgées) et le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) du Bas-Rhin, pour permettre l'accueil d'anciens détenus âgés dans les maisons de retraites médicalisées de l'association. L'accueil peut aussi se faire en appartement de coordination thérapeutique (ACT). Les Petits Frères des pauvres, quant à eux, organisent des visites aux personnes âgées détenues hospitalisées à Fresnes.
- Au 1er janvier 2010, l'administration pénitentiaire recensait 61 000 personnes détenues. 3,7 % de plus de 60 ans et 7,9 % entre 50 et 60 ans.
- 14,4 % des condamnés bénéficient d'un aménagement de peine.
- 168 600 personnes sont suivies en milieu ouvert.
- 191 établissements pénitentiaires, dont 115 maisons d'arrêt et 75 établissements pour peine.
- 9 établissements ouverts en 2009 et 2010, soit 6 460 places.
- 34 000 agents dont 25 300 personnels de surveillance et 2 300 personnels de santé.
- 2,4 milliards d'euros de budget annuel.
Source : http://www.justice.gouv.fr
- Roch-Étienne Migliorino, Infirmier en milieu carcéral : accompagner, soigner, réinsérer, Masson, 2009.
- Jean Bérard, « Vieillir et mourir en prison », revue Dedans dehors n° 46, Observatoire international des prisons (OIP), 2004.
- Christiane de Beaurepaire, Non-lieu. Un psychiatre en prison : soigner derrière les barreaux, Fayard, 2009.
- Soren Seelow, Léo Ridet, Bernard Monasterolo, Éric Dedier et Karim el-Hadj, Le corps incarcéré, web documentaire :
http://www.lemonde.fr/societe/visuel/ 2009/06/22/le-corps-incarcere_1209087 _3224.html
Jeune retraité, Michel Jouannot est visiteur de prison depuis cinq ans, et vice-président de l'Association nationale des visiteurs de prison (ANVP) depuis deux ans. Une structure créée voilà quatre-vingts ans qui a pour ambition de porter la voix auprès de l'administration pénitentiaire, des élus et de la société civile. L'ANVP compte 1 300 adhérents, autant de femmes que d'hommes, dont 1 100 visiteurs. Michel Jouannot se rend à la maison d'arrêt de Fresnes tous les vendredis. Les trois détenus qu'il y rencontre, dans le parloir également dédié aux visites de l'avocat, condamnés à de longues peines, sont en transit. « L'un deux a 60 ans, il a été condamné à vingt ans. Il a déjà effectué un bon tiers de sa peine mais il a du mal à envisager sa sortie alors qu'il vieillit. La visite, c'est l'un de ses rares espaces de liberté. » Si Michel Jouannot avoue être toujours étonné par les repères que se recréent les détenus, comme celui de maîtriser le temps, il dit aussi être choqué par leur état de santé : « Je me souviens d'une personne incapable de proférer le moindre son, elle bégayait, bavait... Je l'ai vraiment vu se dégrader de semaine en semaine, vieillir précocement. »