L'Infirmière Magazine n° 261 du 01/06/2010

 

Psychomotricité

Questions à

Rare dans les Ehpad, le psychomotricien a pourtant un rôle primordial dans l'appréhension corporelle de la personne âgée et dans l'amélioration de ses capacités relationnelles.

Pourquoi avoir choisi d'exercer en gériatrie ?

Cette vocation ne m'est pas venue pendant mes études, mais après un stage, précisément dans l'Ehpad où je travaille aujourd'hui. Mon mémoire de fin d'études portait pourtant sur « L'inhibition du jeu chez l'enfant ». Mais, au contact des personnes âgées, je me suis sentie totalement attirée par elles. Avec ces patients, c'est un échange. Ils ont beaucoup de choses à nous apprendre. Très vite, ils se mettent à me raconter leur histoire. Non seulement c'est passionnant, mais cela stimule aussi leur mémoire et leur moral.

En quoi consiste l'approche thérapeutique d'une personne âgée ?

Je fais un bilan pour dresser le profil psychomoteur du patient. Les activités sont d'une grande diversité. Je travaille sur la posture, la motricité, la mémoire, les troubles de l'attention. Pour déterminer l'autonomie motrice, je cherche à voir si la personne est capable de se mettre debout seule, si elle peut tenir en équilibre sans aide, se déplacer, et sur quelle distance... Ce bilan me permet de dresser le schéma corporel du patient et de l'aider à avoir une meilleure appréhension de son corps.

Une fois ce bilan dressé, quel est précisément votre travail ?

Aucune journée ne se ressemble, j'adapte les activités en fonction du patient. En groupe, je mène des ateliers sur l'équilibre ou sur la mémoire, des séances de gymnastique douce, et des ateliers d'arts plastiques avec des animatrices. Pour les séances individuelles dans les chambres des patients, je travaille sur l'attention, la motricité... L'approche thérapeutique se définit toujours au cas par cas, en fonction de ce que la personne est encore capable de faire. Il peut s'agir pour elle d'effectuer des petits mouvements de danse, même si elle reste assise dans son fauteuil. On peut aussi pratiquer la mobilisation passive avec un patient très dépendant : on va, par exemple, bouger doucement son bras, et essayer de lui redonner une bonne perception de son corps.

Êtes-vous confrontée à des situations particulières ?

Oui, notamment quand j'accompagne une personne en fin de vie. Je travaille alors sur la détente, la stimulation des sens... Une approche que j'utilise aussi avec des patients angoissés ou déprimés. Dans ce cadre, je préconise, entre autres, des bains thérapeutiques. La salle de bain est plongée dans une atmosphère calme, avec une musique douce en fond sonore. Pour les personnes qui ont de grosses difficultés motrices, qui sont peu stimulées, ce bain va favoriser la détente et les amener à effectuer quelques mouvements pour délier leur corps.

Comment travaillez-vous auprès des patients atteints de démence ?

Dans leur majorité, les résidents de cet Ehpad présentent des démences, qui vont des démences vasculaires à la maladie d'Alzheimer. Je favorise, avec eux, le travail en petits groupes. Le grand bénéfice de cette pratique est l'amélioration des relations entre les résidents. Ce sont souvent des personnes qui sont repliées sur elles-mêmes, qui vivent dans leur bulle sans avoir conscience de leur environnement.

Comment articulez-vous votre travail avec celui des infirmières ?

Elles sont quatre à la résidence File-étoupe. Nous ne travaillons pas directement ensemble auprès d'un patient, mais je suis tout le temps en lien avec elles. Nous échangeons beaucoup et partageons des informations sur les dossiers médicaux, nous évoquons les problèmes particuliers ou la nécessité de mettre en place tel ou tel soin.

Quelles qualités considérez-vous comme essentielles pour un psychomotricien en gériatrie ?

La créativité, afin de pouvoir trouver exactement ce qui va correspondre à chaque personne. Il n'y a jamais de solution toute faite, c'est la relation avec l'autre qui va induire la meilleure approche. Le point le plus important est de rester toujours à l'écoute et de faire preuve de patience. La relation avec mes patients est privilégiée, je n'ai pas le souvenir d'avoir essuyé un refus de soin ou subi de l'agressivité.

Qu'est-ce qui est le plus difficile ?

Le fait d'être toute seule pour 94 résidents. Ce sont en majorité des femmes. La plus jeune a 68 ans, la plus âgée, 106 ans. Dans cet Ehpad, c'est déjà une chance qu'il y ait un psychomotricien à temps plein, c'est très rare dans les maisons de retraite. Souvent, ce sont des tiers temps ou des quarts temps, ou bien même, parfois, il n'y a aucun poste.

Marie Gillet Psychomotricienne

Diplômée d'État après une formation théorique et pratique sur trois années, Marie Gillet, 25 ans, exerce auprès des résidents de l'Ehpad-Maison de retraite File-étoupe à Montlhéry, dans l'Essonne. Elle a un poste à temps plein, et développe une approche globale de ses patients. Son travail sur les repères environnementaux, la conscience corporelle, la relation avec l'autre, l'attention et la mémoire permet aux personnes âgées de parvenir à un bien-être général.