pathologie digestive
Cours
Parmi les maladies digestives les plus fréquentes, la maladie coeliaque reste mal connue et sous-diagnostiquée. Mieux repérée, cette affection pourrait bénéficier d'une prise en charge précoce qui réduirait d'autant l'errance diagnostique et les risques de complications. Accompagner les familles est essentiel, compte tenu de l'impact de la maladie sur la vie sociale.
La maladie coeliaque (MC) fait partie des maladies les moins bien diagnostiquées dans le monde. « En France, précise le Pr Cellier, au Service d'hépato-gastro-entérologie de l'hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, c'est une maladie totalement sous-diagnostiquée, à la fois par le corps médical et le grand public. Très peu médiatisée, elle est souvent confondue avec la colopathie fonctionnelle et traitée comme telle. » La maladie peut ainsi faire son lit à bas bruit durant de nombreuses années, comme en témoigne Marie-Christine Dubois : « Je fais partie des malades coeliaques diagnostiqués à l'âge adulte après un parcours du combattant de quarante ans jalonné de consultations, de bilans et de traitements inefficaces, explique-t-elle. Il est, en effet, fort probable que ma MC remonte à mon plus jeune âge car mon carnet de santé fait état de "diarrhées à l'introduction des céréales" et d'une "intolérance au lait". » Malgré une symptomatologie évocatrice, quarante ans d'errance diagnostique s'écouleront avant qu'un gastro-entérologue plus inspiré que les précédents lui prescrive un bilan de maladie coeliaque.
La MC est une maladie intestinale liée à une intolérance au gluten du blé et aux prolamines toxiques équivalentes d'autres céréales (seigle, orge, avoine). Ces fractions protéiques toxiques du gluten (encadré p. IV) entraînent une atrophie villositaire de la muqueuse de l'intestin grêle à l'origine d'une malabsorption des nutriments (fer, calcium, acide folique...) et des vitamines. Cette maladie a été décrite chez l'enfant en 1888, mais la mise en évidence de la toxicité du gluten n'a été effective qu'au début des années 1950, et la destruction des villosités intestinales constatée pour la première fois par biopsie en 1956.
Dans les cas les plus typiques, cette maladie peut se manifester par des diarrhées chroniques, des douleurs abdominales, une altération de l'état général qui se traduit par une anorexie, un amaigrissement, une asthénie et des carences biologiques (encadré p. V). Le plus souvent, elle prend la forme de troubles digestifs mineurs peu spécifiques (diarrhées intermittentes, ballonnements...), voire de troubles mono-symptomatiques (anémie ferriprive, ostéoporose) ou atypiques (crampes musculaires, irrégularités menstruelles, fausses couches à répétition...). Des manifestations extra-digestives peuvent également la révéler : dermatite herpétiforme, neuropathie, arthrite inflammatoire, troubles cutanéo-muqueux (aphtose, alopécie). Des affections auto-immunes sont parfois au premier plan : thyroïdite, diabète (1), cirrhose biliaire primitive. « En pratique, indique le Pr Cellier, nous diagnostiquons de plus en plus fréquemment cette maladie chez des patients qui présentent une symptomatologie fruste (diarrhées occasionnelles, ballonnements), voire chez des personnes qui ne présentent que des carences (anémie chronique en fer, folates ou vitamine B12), une fatigue latente, des aphtes dans la bouche, une déminéralisation osseuse inexpliquée. Ce sont les signes les plus révélateurs. » Il existe également des personnes quasiment asymptomatiques, qui ne se plaignent d'aucun trouble mais sont diagnostiquées à l'occasion de tests de dépistage ou parce qu'elles ont d'autres maladies auto-immunes (thyroïdite ou diabète, par exemple). Ces patients représentent environ 5 % des personnes souffrant d'une authentique MC. « Personnellement, témoigne Marie-Christine Dubois, si l'on étudie mon parcours, on retrouve des épisodes de fatigue chronique invalidante, de vomissements, de diarrhées, un ulcère duodénal, des fausses couches à répétition, diverses pathologies ostéoarticulaires, une nette augmentation des enzymes hépatiques associée à une anémie persistante, un émail dentaire déplorable et des déchirures musculaires inexpliquées. »
Chez le petit enfant, les symptômes typiques sont une diarrhée chronique (5-10 selles/j) avec des selles grasses et un retard de croissance associé à une perte d'appétit, une dénutrition et un amaigrissement. Ce retard de croissance est notamment objectivé par une cassure des courbes de taille et de poids à partir de 9-10 mois, au moment de la diversification alimentaire, qui se traduit, dans les formes très « caricaturales », par un abdomen ballonné contrastant avec la maigreur des membres et des fesses. Chez l'enfant plus âgé, la maladie peut se manifester par une petite taille, une anémie ferriprive chronique, des anomalies de l'émail dentaire, des douleurs articulaires, un retard pubertaire. Il peut également exister des troubles du comportement.
La MC est une maladie à prédisposition génétique. Pour la développer, il faut que le patient possède dans son patrimoine génétique des gènes de prédisposition (HLA DQ2 ou DQ8). Ces gènes permettent de fabriquer une protéine particulière (la protéine DQ2) qui participe à la réactivité vis-à-vis du gluten, dont la partie toxique résiste à la digestion intestinale, traverse l'épithélium de l'intestin et se lie à la transglutaminase, une enzyme présente dans la muqueuse intestinale. Celle-ci entraîne une modification de la structure de la fraction protéique contenue dans les céréales qui, par cette transformation, acquiert la capacité de se lier aux protéines HLA-DQ2 et DQ8. Il en résulte une activation non spécifique des lymphocytes, qui vont exercer leur action cytotoxique sur les villosités intestinales. Cette réaction immune est strictement locale et non systémique. Les gènes de prédisposition de la MC sont les mêmes que ceux que l'on retrouve dans le diabète insulinodépendant et d'autres maladies auto-immunes (syndrome de Sjögren, thyroïdite...) fréquemment associées à la MC (encadré p. IV). Le risque, pour une personne apparentée à un malade au premier degré, est au moins dix fois plus élevé que pour un individu quelconque. De même, le vrai jumeau d'un patient malade présente un risque de développer la maladie dans 70 % des cas. Cela dit, environ 30 % de la population générale possèdent ces gènes « à risque », mais très peu d'individus développent la maladie, ce qui indique qu'à eux seuls, les gènes HLA ne suffisent pas à expliquer sa survenue. « Au-delà de la susceptibilité génétique, indique le Pr Turck, professeur de pédiatrie à la faculté de médecine de Lille, d'autres facteurs sont nécessaires pour déclarer la MC, dont le plus probable, en l'état actuel des connaissances, est la survenue d'une infection virale dans l'enfance qui pourrait faciliter le déclenchement de la réaction immuno- logique anormale. »
La MC peut se manifester à n'importe quel âge, chez le jeune enfant, l'adolescent ou l'adulte. Elle concerne essentiellement les sujets à peau blanche, en particulier les populations du pourtour méditerranéen et d'Europe de l'Ouest. Elle est exceptionnelle chez les Noirs africains et les Asiatiques. « Lorsqu'on fait une recherche sérologique systématique dans une population non sélectionnée, indique le Pr Cellier, la prévalence de cette maladie est de l'ordre de 1 à 2 %, d'après l'ensemble des études. Toutefois, sur l'ensemble de la population atteinte, seuls 10 % des cas sont diagnostiqués. » Les autres 90 % constituent la partie immergée de l'iceberg et concernent généralement des formes silencieuses et latentes dont la symptomatologie absente ou non spécifique est ignorée, négligée ou prise en charge de manière inappropriée (colopathie fonctionnelle notamment). La MC a deux pics de fréquence. Le premier se situe dans la petite enfance, le plus souvent entre 6 mois et 2 ans, suite à l'introduction du gluten dans le régime alimentaire. Plus généralement, la fréquence de la MC symptomatique chez l'enfant entre 0 et 15 ans est de 1/2 500. Le deuxième pic se situe à l'âge adulte (60 % des cas), le plus souvent entre 20 et 40 ans. Les formes à révélation tardive (après 60 ans) ne sont cependant pas rares (15 à 20 % des cas). Le sex ratio est de deux femmes pour un homme. « Pour de nombreux professionnels de santé, commente le Pr Turck, la MC reste une maladie essentiellement pédiatrique, ce qui n'est plus vrai aujourd'hui puisque la majorité des cas diagnostiqués le sont à l'âge adulte. Pour autant, il ne faut pas en déduire que si l'on prenait mieux en charge les enfants coeliaques, il y aurait moins de malades à l'âge adulte. Cela sous-entendrait que tous les coeliaques adultes sont des coeliaques enfants qui ont échappé au diagnostic. Si cela se vérifie pour un certain nombre de patients (ndlr : cas de Marie-Christine Dubois), il y a, aujourd'hui, probablement plus d'adultes qui déclarent cette maladie tardivement que de diagnostics méconnus à l'âge pédiatrique. »
Quel que soit l'âge, il est donc essentiel de ne pas passer à côté de la maladie devant des manifestations digestives ou extra-digestives qui, négligées, pourraient évoluer vers des complications graves (encadré 4). Cela dit, poser ce diagnostic implique la suppression totale et définitive du gluten dans l'alimentation, ce qui représente un « handicap » à vie. Il est donc nécessaire d'évoquer facilement ce diagnostic devant des symptômes qui ne sont pas forcément typiques et évocateurs, mais aussi de recueillir suffisamment d'arguments pour poser un diagnostic certain. D'où l'intérêt de mieux connaître la multiplicité de la symptomatologie pour pouvoir, lors de l'interrogatoire et de l'examen cliniques, mettre en évidence la présence d'un ou plusieurs symptômes possiblement attribuables à la MC. « Penser à la MC au moment du diagnostic différentiel permettrait assurément de mieux diagnostiquer cette maladie car nous disposons, aujourd'hui, de critères diagnostiques validés et fiables », insiste le Pr Cellier. Ceux-ci reposent sur un protocole diagnostique en trois phases :
1. La mise en évidence d'une élévation des anticorps anti-transglutaminases dans le sang. Jusqu'en janvier 2007 (2), plusieurs tests biologiques étaient pratiqués (et remboursés par l'assurance maladie) dans la stratégie diagnostique de la MC et le suivi de l'observance du traitement. Suite à l'étude réalisée par le service évaluation de la HAS, celle-ci a rendu un avis préconisant d'admettre au remboursement la recherche des anticorps anti-transglutaminase, de continuer à rembourser celle des anti-endomysium et de ne plus rembourser celles des anti- réticuline et des anti-gliadine. Toutefois, la Sécurité sociale n'a pas suivi les recommandations de la HAS et seule la recherche des anticorps anti-transglutaminases est prise en charge actuellement. La transglutaminase est l'enzyme qui présente le gluten aux cellules immunocompétentes de la muqueuse intestinale. Les anticorps anti-transglutaminases ont une très bonne sensibilité/spécificité mais ne permettent pas, à eux seuls, lorsque l'examen est positif, de prendre la décision de débuter un régime sans gluten. Il convient alors de réaliser des biopsies de la partie haute de l'intestin grêle. De même, la recherche des anticorps peut donner des faux positifs et des faux négatifs dans certaines formes frustes qui nécessitent, au vu des indications cliniques, de réaliser une biopsie pour poser le diagnostic.
2. La présence d'une atrophie villositaire associée à une infiltration lymphocytaire de l'épithélium intestinal de surface. Cette atrophie villositaire est objectivée par une biopsie réalisée par endoscopie digestive haute au niveau du duodénum. La lecture des biopsies est fondamentale, et le médecin anatomopathologiste doit non seulement évaluer la hauteur villositaire (elle code l'importance de l'atrophie), mais aussi rechercher et décrire les signes histologiques associés : hypertrophie des cryptes, infiltrat inflammatoire du chorion, altération des entérocytes de surface, augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux (qui doivent être comptés par rapport aux entérocytes). La biopsie intestinale reste l'examen clé, indispensable au diagnostic. Elle conditionne la mise en place du régime.
3. Régression des symptômes, des anticorps et de l'atrophie sous régime sans gluten. Pour faire la preuve de la responsabilité du gluten, il faut, enfin, exiger une amélioration franche des symptômes dans les trois mois suivant la suppression du gluten dans l'alimentation. Celle-ci doit être associée à une normalisation en 6 à 12 mois des Ige anti-transglutaminase (elles sont un bon reflet de l'observance du régime sans gluten) et à une amélioration histologique avec repousse villositaire sur la biopsie duodénale de contrôle réalisée après 12 à 18 mois de régime sans gluten (3). Lorsque ces critères sont réunis, le diagnostic de maladie coeliaque par intolérance au gluten peut être considéré comme certain et le traitement à vie confirmé.
La prise en charge thérapeutique de la MC repose exclusivement sur un régime sans gluten (RSG) strict, ce qui signifie l'exclusion de toutes les céréales qui contiennent des protéines toxiques (blé, orge, avoine, seigle, épeautre, kamut), de tous les produits et préparations industrielles contenant du gluten sous une forme ou une autre et de tous les ingrédients qui peuvent être des sources cachées de gluten, comme la sauce soja, certaines viandes hachées (non pur boeuf), saucisses, sauces et certains bouillons cubes, assaisonnements, épaississants, amidons modifiés de blé... Autrement dit, le patient ne peut consommer ni pain, ni pâtes, ni raviolis, ni pizzas, ni biscottes, ni viennoiseries, ni certains oléagineux grillés à sec, ni chocolat en poudre, ni gâteaux, ni poissons farinés ou panés... Une liste des produits génériques interdits et autorisés est disponible sur le site de l'Association française des intolérants au gluten (4). L'association édite également un guide pour apprendre à lire les étiquettes. Ce traitement, relativement plus simple à faire suivre à un jeune enfant, car ce dernier ne contrôle pas son alimentation, devient plus compliqué à instaurer lorsque la maladie frappe l'adolescent ou l'adulte. Il implique, en effet, de modifier ses habitudes alimentaires, oblige à vérifier la composition de tous les produits et complique beaucoup la vie sociale (repas entre amis, ou d'affaires, notamment). Depuis quelques années, la réglementation européenne impose aux industriels d'indiquer la présence avérée ou possible de gluten sur l'ensemble des emballages de produits qui en contiennent ou pourraient en contenir. Certains fabricants se sont spécialisés ou ont développé des gammes de produits sans gluten, offrant ainsi une variété de plus en plus grande de produits sans gluten à la consommation des malades (pains sous vide, farines, biscuits, croissants, diverses sortes de pâtes...). L'Afdiag met également à disposition une liste des fabricants et distributeurs proposant des produits sans gluten. Pour faciliter la reconnaissance de ces produits par les malades, l'Afdiag propose aux fabricants et aux distributeurs un contrat de licence pour l'utilisation d'un logo « épi de blé barré dans un cercle » qui garantit un produit répondant à la norme internationale du Codex Alimentarius. Mais, ces produits sont coûteux. Là encore, l'Afdiag a obtenu que les produits sans gluten soient partiellement remboursés par les caisses de Sécurité sociale (encadré p. VI). « En moyenne, indique Marie-Christine Dubois, je dépense 160 euros par mois pour les produits sans gluten (farines, pain, pâtes...) que nous consommons ma fille et moi, et je suis remboursée à hauteur de 90 euros avec le complément versé par ma mutuelle. C'est incontestablement un plus qui permet de réduire les surcoûts et favorise l'observance. » Celle-ci est absolument nécessaire et ne supporte aucun écart.
« Le régime bien observé est sûr et efficace, poursuit Marie-Christine Dubois. Si certaines personnes peuvent faire des écarts sans en ressentir immédiatement les effets, en ce qui nous concerne, ma fille et moi, la moindre petite entorse au régime provoque dans les trois heures qui suivent des diarrhées et des vomissements qui nous rappellent à l'ordre. » Cela dit, il est très important de préciser à l'attention des malades qui négligent leur régime parce qu'ils sont plus tolérants aux écarts, que le gluten continue d'agir sur les villosités et que la maladie continue d'évoluer à bas bruit et peut, à distance, se réveiller subitement sous une forme morbide. « Une fois la maladie diagnostiquée, le régime nécessite une implication sans faille du malade et de son médecin, quelles que soient les manifestations symptomatologiques, insiste le Pr Cellier. C'est ce qui est difficile à faire admettre aux patients peu symptomatiques car ils ont plus de mal à comprendre l'intérêt du régime strict. »
D'une manière générale, le respect du régime pose surtout des problèmes pour la vie sociale et les repas en collectivité. Chez l'enfant, la maladie et le régime n'ont aucun retentissement sur les capacités intellectuelles. Un enfant atteint qui suit son régime est un enfant comme les autres, à ceci prêt qu'il doit bénéficier d'une prise en charge particulière pour les repas et « en-cas » pris à l'école. Il est souhaitable d'établir un projet d'accueil individualisé pour formaliser les modalités d'accueil des enfants concernés. L'âge est, bien sûr, à prendre en compte dans le choix des aménagements : un jeune enfant aura tendance à vouloir goûter les aliments des autres élèves et nécessitera une surveillance rapprochée plus fréquemment qu'un enfant plus âgé. Cette surveillance devra également être accrue en centre de vacances ou en classe transplantée.
Quant aux adultes, ils doivent scrupuleusement sélectionner les aliments et prendre soin d'utiliser des produits non contaminés. Seront, ainsi, privilégiés les viandes grillées et non cuisinées, les légumes frais ou secs, les fruits, les oeufs, le lait, le maïs, le riz, le sarrasin, la fécule de pomme de terre, le tapioca, le quinoa, le soja. Mais, devoir manger « autrement » représente une contrainte, plus ou moins bien vécue psychologiquement par les patients. Pour celui qui était très malade avant le diagnostic, le fait d'aller mieux grâce au régime rend les contraintes plus acceptables que pour celui qui, peu symptomatique, voit moins le bénéfice du régime et peut en concevoir un sentiment d'exclusion, en particulier lorsque le groupe, faute de connaître cette maladie, le traite de « chochotte » ou de « difficile ». C'est la raison pour laquelle, lorsque le diagnostic est posé, la prise en charge par une diététicienne est nécessaire pour bien expliquer le régime, accompagner les patients et leur famille.
Le patient doit également faire l'objet d'un suivi régulier par un gastro-entérologue. Cette surveillance comprend :
- une consultation annuelle pour le suivi clinique ;
- un bilan biologique régulier avec recherche des anticorps anti-transglutaminases ;
- une fibroscopie digestive de contrôle en cas de réapparition des anticorps et/ou des symptômes (discutée chez l'enfant) ;
- une densitométrie osseuse annuelle en cas d'ostéoporose avérée au moment du diagnostic. Dans les autres cas, cet examen sera réalisé tous les trois ans (chez l'enfant, il est réalisé exceptionnellement avant la fin de la puberté).
Dans la plupart des cas, les lymphocytes intra-épithéliaux répondent au régime sans gluten grâce à la présence, à leur surface, de plusieurs molécules superposées : CD3, CD103 et CD8. Toutefois, un tiers des malades coeliaques répondent de manière imparfaite au régime. Il faut, dans ce cas, réévaluer soigneusement le diagnostic et « traquer » les entorses au régime.
Cependant, il peut arriver que même bien observé, le traitement soit inopérant. Cette résistance est liée au fait que les lymphocytes intra-épithéliaux se modifient et perdent leur molécule CD8. Dès lors, ils ne répondent plus au régime sans gluten et recommencent à produire des médiateurs toxiques pour la muqueuse intestinale. Ces formes résistantes très rares de maladie coeliaque peuvent être sensibles, à court terme, à un traitement par corticoïdes. D'autres médicaments ont été essayés, avec un succès variable : infliximab® anticorps monoclonal, autogreffe de moelle...
Le pronostic de ces formes prolifératives reste sombre car la maladie coeliaque se complique le plus souvent par des cancers, et, notamment, des lymphomes avec une survie inférieure à cinq ans(5). Elles font partie des axes de recherche pour qu'un traitement efficace soit trouvé et mis en place.
« Guérir » la MC sans régime semble difficile : il faudrait trouver un traitement bien toléré et puissant, modifiant la prédisposition génétique ou la réponse immunitaire. De tels traitements sont encore hors de portée. Les pistes de recherche explorées ont pour objectif de :
- remplacer ou alléger le régime sans gluten à vie, dont l'observance est souvent mauvaise du fait des contraintes qu'il impose ;
- trouver des aliments non toxiques pour les muqueuses ;
- trouver un traitement efficace pour les évolutions de la MC et pour ses formes rares ;
- détoxifier le gluten en inhibant la protéine toxique ;
- trouver de nouvelles formes de blé sans gluten ;
- renforcer la barrière intestinale pour la rendre plus imperméable au gluten ;
- bloquer le système génétique HLA DQ2-DQ8 présent chez 95 % des patients pour diminuer la réponse toxique à la gliadine ;
- introduire des additifs dans les aliments qui contiennent du gluten pour dégrader la gliadine afin qu'elle ne soit plus toxique ;
- bloquer tous les facteurs inflammatoires produits par les lymphocytes ou par les macrophages dans la paroi intestinale et à l'origine des lésions.
« Dans le contexte anti-OGM actuel, les chercheurs préfèrent s'intéresser à la solution consistant à rendre le gluten moins agressif pour la muqueuse intestinale, confirme le Pr Turck. Des études de tolérance sont en cours chez l'adulte et on espère avoir des résultats dans quelques années. » Autant dire que les soignants ont matière à informer, rassurer, accompagner et encourager les patients à se prendre correctement en charge et à faire oeuvre de patience pour éviter les complications en attendant que ces recherches aboutissent et allègent les contraintes du régime au quotidien.
1- 10 % des DT1 sont coeliaques.
2- Recherche d'anticorps dans la maladie coeliaque : diagnostic et suivi de l'observance du régime sans gluten. Dr Fabienne Quentin, Service évaluation des actes professionnels - Janvier 2007.
3- Chez l'enfant, on ne réalise pas de biopsie systématique de contrôle si les symptômes ont disparu et si les anticorps se sont normalisés.
5- Ces complications n'ont pas été décrites chez l'enfant.
Le gluten est une protéine de réserve contenue dans certaines céréales et composée de deux fractions différenciées par leur caractère soluble ou non dans l'alcool : les gluténines et les prolamines. Les gluténines ne sont pas solubles dans l'alcool et ne sont pas toxiques. Les prolamines sont solubles dans l'alcool et constituent la fraction toxique du gluten en cause dans la survenue de la maladie coeliaque. Toutes les céréales contiennent des prolamines mais seules les céréales dont les prolamines contiennent les mêmes séquences d'acides aminés sont toxiques pour le patient coeliaque. C'est notamment le cas des gliadines contenus dans le blé, des sécalines du seigle, des hordéines de l'orge et des avénines de l'avoine.
Pour être pris en charge, les produits diététiques sans gluten doivent répondre à certaines obligations, disponibles sur le site de l'Afdiag(1). Les produits sont répartis en 4 catégories ayant chacune leur base de remboursement : farines, pains, pâtes, biscuits. Ils sont remboursés sur les bases suivantes :
- Pour les adultes et + de 10 ans : au maximum 65 % de 45,73 Euro(s) par mois (le prix de vente n'a aucun rapport avec le remboursement, le prix indiqué « Tarif LPPR » uniquement est pris en charge). Le complément peut être pris en charge par les mutuelles.
- Pour les moins de 10 ans : au maximum 33,54 Euro(s) par mois sur le total des « Tarif LPPR ».
1- http://www.afd iag.org/index.php?page=32&article=171
La MC se caractérise par un terrain d'auto-immunité qui favorise, chez les patients prédisposés, le développement d'anticorps qui stimulent l'immunité et l'apparition d'autres maladies auto-immunes dans 5 à 10 %, voire 30 % des cas dans certaines séries. Celles-ci peuvent être découvertes au moment du diagnostic initial ou lors du suivi, grâce à des examens biologiques ciblés. Un déficit sélectif en immunoglobulines IgA est présent chez 2,5 % des malades coeliaques, soit 10 à 15 fois plus fréquemment que dans la population générale. La dermatite herpétiforme et les troubles de la fonction thyroïdienne sont présents chez 10 % des MC et répondent généralement à la mise sous RSG. Un diabète insulinodépendant est retrouvé dans 5 % des MC. La MC peut également être associée à des maladies du foie, un syndrome de Goujerot-Sjögren (affection inflammatoire chronique caractérisée par une sécheresse oculaire et buccale définissant le syndrome sec), un lupus érythémateux disséminé ou une polyarthrite rhumatoïde. Si le RSG bien observé semble prévenir la survenue d'autres maladies auto-immunes, en revanche, lorsque ces maladies sont présentes, seule la dermatite herpétiforme répond au régime sans gluten.
Les principales complications de la MC :
- La déminéralisation osseuse est la plus fréquente. Elle concerne 50 % des malades adultes et affecte les patients symptomatiques ou non. Elle est liée à la malabsorption du calcium et de la vitamine D. Elle engendre une ostéoporose qui impose, une fois le diagnostic fait, de surveiller régulièrement les patients par ostéodensitométrie.
- La sprue réfractaire (1) est une atrophie villositaire d'aspect histologique similaire à celui d'une maladie coeliaque, mais résistante à un RSG. Dans la majorité des cas, cette atrophie villositaire est caractérisée par une prolifération monoclonale de petits lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) et pourrait s'apparenter à un lymphome de bas grade intra-épithélial. Son diagnostic est possible par une étude du phénotype des LIE et une étude moléculaire. Son traitement n'est pas codifié.
- Le lymphome de l'intestin : complication la plus redoutée des malades coeliaques adultes, il est le plus souvent localisé au niveau jéjunal et semble favorisé par le mauvais suivi du RSG. Son diagnostic est difficile et nécessite parfois le recours à une laparotomie exploratrice. Cette complication maligne est rare mais grave car de mauvais pronostic. Elle concerne de l'ordre de 1 % des malades symptomatiques et 1 pour 1 000 des malades peu symptomatiques. Bien que cela n'ait pas été scientifiquement démontré, les patients diagnostiqués après 50 ans semblent plus exposés à cette complication grave. Les enfants, lorsqu'ils sont bien traités, développent très rarement cette complication et jamais de lymphome sévère. Il est donc important de penser à la MC en cas de troubles digestifs récurrents chez le tout-petit pour instaurer précocement un régime sans gluten qui, au-delà des complications graves, permettra également de prévenir un retard de croissance et une déminéralisation osseuse.
1- Cette complication n'a pas été décrite chez l'enfant.