Gestation pour autrui
Éthique
Début mai, le Conseil consultatif national d'éthique pour les sciences et la vie (CCNE) s'est, très majoritairement, prononcé pour le maintien de l'interdiction de la gestation pour autrui.
À quelques mois de l'ouverture des ultimes travaux parlementaires portant sur la révision des lois de bioéthique, le CCNE apporte de l'eau au moulin des opposants à la légalisation de la gestion pour autrui (GPA), autrement dit à la pratique des mères porteuses. Pour les sages, qui se sont autosaisi de la question du fait, notamment, de la résurgence d'une demande de couples infertiles combinant, avec leurs propres gamètes, GPA et fécondation in vitro, il n'y a pas « d'opportunité éthique d'ajouter la GPA à la liste des techniques d'assistance médicale à la procréation autorisées ». Rappelons que la GPA est interdite et sanctionnée pénalement depuis 1994. Cette interdiction a également été consacrée par les lois de bioéthique de 1994 et 2004.
Pour étayer sa position, le CCNE développe six objections éthiques à la légalisation de la GPA 1). Au préalable, il réfute l'idée d'un alignement de la législation sur celle de pays, d'Europe ou d'ailleurs, qui ont légalisé ou tolèrent la GPA. Le comité estime « qu'aucun État ne doit être obligé de légiférer à la faveur d'un fait accompli [...] ».
Sur le fond, le CCNE retient qu'une loi n'empêchera pas les risques qu'elle vise à prévenir et « ne saurait faire obstacle à des pratiques clandestines ». Il souligne aussi que si les sentiments d'altruisme et de générosité sont une réalité dans les rapports humains, « la dépendance réciproque instaurée par le principe même de la GPA pose problème ». Il ajoute que « la GPA ne peut être éthiquement acceptable du seul fait qu'elle s'inscrirait dans un cadre médical [...] ».
Outre les risques médicaux encourus par la mère porteuse (grossesse multiple, prématurité, césarienne, hémorragie de la délivrance), les sages redoutent aussi les risques « d'instrumentalisation et de marchandisation de la personne ». Dans la même veine, le comité estime que la GPA pourrait porter atteinte au principe de dignité de la personne humaine ou à l'image symbolique des femmes.
« Même si la détresse des femmes stériles suscite un sentiment d'émotion ou de révolte, elle ne saurait imposer à la société d'organiser l'égalisation par la correction de conditions compromises par la nature. Une telle conception conduirait à sommer la collectivité d'intervenir sans limites pour restaurer la justice au nom de l'égalité et correspond à l'affirmation d'un droit à l'enfant - alors que le désir ou le besoin d'enfant ne peut conduire à la reconnaissance d'un tel droit ».
Par ailleurs, les sages estiment nécessaire qu'une réflexion sociale s'ouvre « sur le discours normatif à propos de la stérilité des femmes et de la maternité ».
À noter que sept membres du comité, qui en compte quarante, ont fait valoir une position différente. Ils souhaitent ainsi que la GPA « strictement encadrée » soit prévue dans la future loi « à titre dérogatoire » pour les couples dont la femme est atteinte d'une forme irrémédiable et non curable d'infertilité. Une rareté au sein de cette assemblée où la convergence des points de vue est toujours de mise, mais qui reflète sans doute le clivage auquel est en butte notre société devant une question si éminemment sensible.
1- Texte intégral : http://www.ccne-ethique.fr
« En Belgique, en l'absence de cadre juridique, il est possible de recourir à la GPA, explique Françoise Laffut, infirmière en chef du centre de PMA du CHU Saint-Pierre (Bruxelles). Cependant, malgré un nombre croissant de demandes, cette pratique reste rare. En douze ans, notre centre n'a accompagné que 26 GPA. Plus de la moitié d'entre elles émanaient de couples français. Outre qu'il ne peut concerner que des couples dont la femme est née sans utérus ou physiquement incapable de mener une grossesse à terme, le recours à une mère porteuse fait l'objet d'un encadrement très complet (avocat, gynécologue, psychiatre...). Chaque cas est présenté et débattu en réunion d'équipe. Si nous avons le moindre doute ou un quelconque malaise par rapport au projet, nous refusons. N'oublions pas que la GPA est un sujet très délicat, même en Belgique. Pour ma part, si je suis d'accord avec la pratique, j'ai quand même toujours une petite appréhension. À long terme, en effet, l'expérience ne risque-t-elle pas d'affecter la mère porteuse ? Nous manquons de recul pour en juger... »