L'Infirmière Magazine n° 262 du 01/07/2010

 

matériovigilance

Reportage

En pointe dans le domaine de la traçabilité médicale, la clinique de l'Europe de Rouen utilise la technologie RFID. Un système innovant qui permet d'être très réactif en cas de problème avec, par exemple, une prothèse de hanche.

Chirurgie orthopédique, dans le bloc 5. Le docteur Pierre Brasseur s'apprête à poser une prothèse totale de hanche sur une personne âgée. Mallaury Léger, infirmière, est chargée de fournir les différentes pièces artificielles qui vont remplacer l'articulation coxo-fémorale usée. Jusqu'ici, rien de très original. Sauf que les boîtes de dispositifs médicaux implantables (DMI), de fabrication Implanet (en Gironde), portent une étiquette RFID (identification par radiofréquence).

Nous sommes à la clinique de l'Europe de Rouen, établissement privé comptant 250 lits. En pointe dans le domaine de la traçabilité médicale, elle utilise, depuis un an et demi, un système de suivi des implants par puce électronique. Objectif : améliorer la matériovigilance qui s'exerce sur les dispositifs médicaux implantables (DMI), après leur mise sur le marché. Ce système d'alerte, devenu obligatoire en 2010(1) permet de prendre des mesures préventives ou correctives appropriées lorsqu'un lot de DMI présente une anomalie. La technologie RFID facilite sa mise en oeuvre en identifiant unitairement les implants. Il est possible de savoir rapidement qui a reçu quelle prothèse, plusieurs années après une opération, car la puce contient un numéro de série unique.

Alertes sur implant

Au fil de l'intervention chirurgicale, l'infirmière de bloc est armée d'un PDA à lecture code-barres et RFID. Dans un premier temps, elle scanne l'étiquette à code-barres personnelle du patient, collée sur son dossier. Puis, Mallaury pointe son PDA vers les boîtes successives de DMI. « Immédiatement, l'implant est lié de manière unique au patient, explique-t-elle. La puce contient toutes les informations sur le DMI : le fournisseur, le numéro de lot et les caractéristiques techniques. En complément, en cours ou après l'opération, je saisis dans un menu déroulant le type et la procédure d'intervention. » Cette technologie « nous permet d'être plus efficaces lorsqu'une série de DMI présente un défaut de fabrication, indique Nadine Cocatrix, responsable du plateau technique à la clinique de l'Europe, qui a tout de suite adhéré au projet de suivi par RFID. Plusieurs fois par an, nous recevons de l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) une alerte sur un implant. Nous devons contacter les personnes concernées, qui sont invitées à venir consulter. La traçabilité informatique améliore notre réactivité. Nous saisissons la référence du lot sous alerte, et le logiciel édite la liste des patients. Nous pouvons aussi facilement retrouver la série dans notre stock. Sans ce système, les étiquettes sont la seule trace. Elles sont collées dans des dossiers déposés aux archives, qu'il faut retrouver. C'est un gros travail manuel. » Et de donner un exemple récent de matériovigilance : le 29 mars 2010, l'Afssaps a décidé de retirer du marché les implants mammaires préremplis de gel de silicone fabriqués par la société Poly Implant Prothèse.

Suivi de stocks

Outre la gestion facilitée des données médicales, l'apport du système RFID est aussi logistique : il s'agit de tracer les DMI depuis leur fabrication jusqu'à leur implantation chez les patients, et de retrouver rapidement chaque dossier médical afin d'assurer un suivi. La transmission des informations se fait dans le bureau de Linda Pregny, responsable des commandes de prothèses auprès des laboratoires et des stocks de matériels.

Après chaque opération, les infirmières posent leur PDA sur un socle de lecture. Toutes les données alors contenues dans la puce RFID sont copiées dans le système informatique de la clinique puis vers celui du fournisseur Implanet. Elles sont conservées sur une base de données sécurisée et accessible via un portail Web. Précisons qu'à ce stade, les données sont liées à un code patient, et non pas à un nom. Seule la clinique a accès aux coordonnées des personnes. Pour Linda, le système RFID est clairement positif : « Il m'évite d'envoyer un bon de commande pour renouveler les implants auprès du fabricant. La gestion des stocks est automatique. Autre avantage : l'édition des ordonnances (pour le patient et le dossier médical) est également automatisée. En bout de chaîne, sans ressaisie, le service facturation récupère tout de suite ces données pour les envoyer à la caisse de Sécurité sociale. »

Aujourd'hui, seuls 20 % des DMI utilisés à la clinique de l'Europe sont marqués par RFID. Pour les autres implants, les infirmières collent les étiquettes des boîtes et des patients sur un carnet de traçabilité. Puis, Linda fait la saisie sur ordinateur pour attribuer une prothèse à un patient. « L'archivage est donc informatique, mais le risque d'erreur existe. C'est moins fiable, analyse Nadine Cocatrix. Cette dernière révèle que dans les mois à venir, l'établissement va franchir un pas de plus, en expérimentant le système de suivi sur 100 % des DMI. « Nous allons appliquer nous-mêmes une puce RFID à tous les implants qui seront livrés à la clinique. En amont, pour chaque produit, il nous faudra saisir l'intitulé de l'implant, le numéro de lot, du fournisseur, les dates d'entrée et de péremption. Puis, nous éditerons une étiquette et la collerons sur la boîte. »

Application au bloc

Autre perspective : dans le but de fiabiliser la transmission des données médicales, Nadine Cocatrix réfléchit à la question de l'élargissement de la saisie informatique. Le rôle de l'infirmière de bloc est essentiel. « Dans sa configuration actuelle, le PDA sert uniquement à la traçabilité des DMI. Mais nous pourrions très bien y inclure la fiche de bloc opératoire, le type de préparation cutanée et l'antiseptique utilisé... L'infirmière de bloc saisirait ces données une seule fois. »

Dans ce schéma, le PDA actuellement utilisé est un peu sous-dimensionné. Il apparaît que le principe de menu déroulant ne convient plus. « Un vrai clavier, probablement tactile, sera nécessaire pour pouvoir écrire des rapports complets et se substituer à tous les documents utilisés dans les blocs opératoires. »

1- Pour en savoir plus sur la matériovigilance, voir le site de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. http://www.afssaps.fr