L'Infirmière Magazine n° 262 du 01/07/2010

 

santé publique

Cours

Exposés aux questions des patients sur le lien « santé et environnement », les soignants sont souvent désarmés pour répondre efficacement. Entre manque de formation et surinformation parfois contradictoire, comment les soignants peuvent-ils assurer leur rôle d'information et d'éducation ? Une question à laquelle ce dossier tente d'apporter des éléments de réponse.

Conformément aux engagements pris par la France lors de la 3e conférence des pays de la zone Europe organisée par l'OMS à Londres, en 1999, la thématique santé environnement s'est affirmée comme l'une des cinq préoccupations majeures(1) de la loi de santé publique du 9 août 2004. La même année, le premier Plan quinquennal santé et environnement (PNSE 1) voyait le jour dans le but de mettre en oeuvre des actions concrètes face aux risques sanitaires liés à l'environnement. Trois ans plus tard, en 2007, le rapport sur les travaux du Groupe III du Grenelle de l'environnement, « Instaurer un environnement respectueux de la santé », confirmait la nécessité et l'urgence de prendre en compte les impacts des dégradations de l'environnement sur la santé humaine, incitant ainsi les pouvoirs publics à prolonger les réflexions et actions engagées par le PNSE 1 en lançant un deuxième volant de mesures (encadré p. IV). Ce dernier vise à réduire les expositions environnementales à fort impact sur la santé sur la période 2009-2013.

DE QUOI PARLE-T-ON ?

Pour l'OMS, « la santé environnementale comporte les aspects de la santé humaine et des maladies qui sont déterminés par l'environnement. Cela se réfère également à la pratique de contrôle et d'évaluation dans l'environnement des facteurs qui peuvent potentiellement affecter la santé ». Par cette définition élaborée lors de la conférence de Francfort en 1989(2), l'OMS considère l'ensemble des problèmes de santé qui ne sont pas d'origine génétique ou qui ne relèvent pas, comme le tabagisme par exemple, d'un choix individuel. Cette définition intègre, ainsi, les accidents domestiques, l'obésité, l'activité sportive et les pathologies à caractère professionnel. Ces différents thèmes étant traités en France par des plans spécifiques, l'élaboration de ceux-ci s'est appuyée sur une définition plus restreinte de la santé environnementale, considérée comme « l'ensemble des interactions entre l'homme et son environnement et les effets sur la santé liés aux conditions de vie (expositions liées à la vie privée et/ou professionnelle...) et à la contamination des différents milieux (eau, air, sol...) ».

Cela dit, s'il existe des impacts sur la santé humaine des dégradations de l'environnement scientifiquement avérés ou suffisamment documentés (maladies engendrées par l'amiante, l'ozone, l'oxyde d'azote, par exemple) pour justifier des mesures immédiates de réduction des risques, de nombreuses questions demeurent quant à certains déterminants environnementaux (substances chimiques, perturbateurs endocriniens, ondes électromagnétiques, nanotechnologies...) soupçonnés d'agir sur la santé sans que l'on puisse scientifiquement lever les doutes sur leur innocuité ou confirmer la nécessité de les interdire ou de s'en protéger. Face aux préoccupations grandissantes que ces questions suscitent, de nombreuses instances (Association santé environnement France - Asef ; Société française de santé et environnement - SFSE ; commission « Risques liés à l'environnement » du Haut Comité de la santé publique(3) ; Réseau environnement-santé - RES) ont récemment été créées dans le but de promouvoir la recherche, d'exercer une vigilance soutenue et d'éclairer les débats.

Une information difficile à décrypter

Si le premier baromètre santé environnement publié en octobre 2008 par l'Institut de veille sanitaire (INVS) montre que les Français estiment disposer de beaucoup d'informations sur les questions d'environnement, il montre également que ces informations manquent de lisibilité et de fiabilité et qu'il reste à faire un gros effort d'information solide et validée en direction de la population(4). Plus d'un Français sur deux se dit, en effet, insatisfait de l'information reçue sur les risques environnementaux ; 20 % la jugent « mal expliquée » et 20 % l'estiment « peu fiable ». L'étude souligne, par ailleurs, que cette insatisfaction se retrouve aussi dans le manque de crédit accordé aux expertises scientifiques sur certains sujets tels que les ondes électromagnétiques ou les perturbateurs endocriniens, notamment. Il faut dire que de nombreuses questions font débat au sein même de la communauté scientifique quant à la responsabilité réelle ou non de déterminants environnementaux dans la survenue de certaines maladies. Ces positions contradictoires des scientifiques, leurs affrontements polémiques et le manque de clarté quant à la position des pouvoirs publics et l'influence des lobbies sur les expertises laissent les soignants démunis face aux questions des patients. Ils ont donc besoin d'un éclairage qui leur permette, en l'état actuel des connaissances, d'assurer leur rôle d'information et de prévention et de pouvoir délivrer un message à la fois cohérent, fondé et aussi objectif que possible. « Pour l'heure, compte tenu des zones d'ombre qui pèsent encore sur certains sujets, cela revient à leur permettre de dissocier ce qui est acquis et relève d'une démarche de prévention de ce qui est encore incertain et relève d'une démarche de précaution », constate le Dr Pierre Souvet, cardiologue, président de l'Asef et « Médecin de l'année » en 2008 pour son engagement en vue d'une prise en charge globale de l'homme au sein de son environnement.

DES IMPACTS AVÉRÉS

Comme le souligne le PNSE 2, certaines maladies sont indiscutablement associées à la qualité de l'environnement. C'est notamment le cas du saturnisme, lié à une forte ingestion de plomb (présent dans les peintures, les branchements plomb, les canalisations), à la légionellose, induite par une exposition aux légionelles qui se développent dans certaines conditions dans les réseaux d'eau chaude sanitaire ou dans les tours aéroréfrigérantes. C'est aussi le cas des cancers liés à une exposition à l'amiante (mésothéliome) et des maladies provoquées ou exacerbées par la pollution atmosphérique (asthme, allergies, pathologies pulmonaires...).

Pollution de l'air et santé

L'exposition à long terme à la pollution atmosphérique particulaire, toutes sources d'émission confondues, serait responsable de plus de 30 000 décès prématurés en France et de 300 000 en Europe, selon l'OMS. Mis en place par l'INVS dans neuf villes françaises, le Programme national de surveillance des effets sur la santé de la pollution de l'air (PSAS 9) estime que le nombre de décès attribuables aux particules fines inférieures à 10 micromètre (1 micromètre = 0, 001 millimètre) varie de 2 à 31 pour 100 000 habitants. « Aujourd'hui, il ne fait plus aucun doute que les maladies allergiques et des voies respiratoires ont un lien direct avec la pollution atmosphérique et en particulier avec la présence, dans l'air, de polluants tels que les microparticules, l'ozone, les oxydes d'azote », explique le Dr Pierre Souvet. Les résultats de la deuxième phase de l'étude Isaac(5) coordonnée en France par le Dr Isabella Annesi-Maesano (Inserm U 472, Villejuif) en attestent. Cette étude conduite dans six villes françaises, sur 7 642 enfants exposés à des niveaux de pollution atmosphérique légèrement supérieurs aux valeurs guides pour la qualité de l'air recommandées par l'OMS, montre que ces enfants présentent 2 fois plus d'asthme allergique (les allergies ont été multipliées par 2 en dix ans), 1,5 fois plus d'asthme à l'effort et 3 fois plus d'eczéma que ceux qui vivent dans des zones où les concentrations sont inférieures. « Non seulement l'effet inflammatoire de la pollution est avéré et ne se limite pas aux maladies allergiques et respiratoires » (voir encadré p. V), commente le Dr Pierre Souvet, mais on constate de façon statistiquement significative que les hospitalisations et les décès augmentent en cas de pic d'ozone et que l'espérance de vie des personnes qui y sont plus particulièrement exposées en Europe diminue de neuf mois. » Cela est d'autant plus préoccupant que dans un communiqué du 3 mai 2007, le Dr Annesi-Maesano indique que « si les valeurs seuils recommandées par l'OMS ont été longtemps considérées comme acceptables et sans danger, de plus en plus de données indiquent que l'on trouve des effets nocifs pour des valeurs qui ne les dépassent pas beaucoup ». Autrement dit, le seuil de toxicité de ces déterminants environnementaux sur la santé mériterait d'être reconsidéré à la baisse. « Cela paraît d'autant plus nécessaire, indique l'Asef, que l'on ne peut pas exclure, même s'il est aujourd'hui difficile à quantifier, qu'il existe un effet cumulatif des facteurs environnementaux ayant un impact sur la santé humaine ».

Passer de « l'effet dose » à « l'effet cumul »

Pour reprendre le cas de la pollution de l'air, il convient, en effet, de ne pas se limiter aux polluants gazeux et particulaires de l'air extérieur, mais de prendre également en considération les polluants issus des sources de pollution intérieure auxquelles tout un chacun est exposé quotidiennement entre 80 à 90 % de son temps.

Trois sources de pollution. Ce lien entre environnement intérieur et santé s'appuie sur de nombreuses études, dont l'étude paneuropéenne Lares(6), qui montrent que la qualité de l'air intérieur peut être affectée par trois grandes sources de pollution :

- les appareils de chauffage ou de production d'eau chaude à combustion (risque aigu et potentiellement mortel d'intoxication au mono- xyde de carbone en cas de combustion défectueuse) ;

- la présence humaine, végétale et animale (tabagisme, acariens, moisissures...) ;

- les équipements, mobiliers et produits et matériaux ménagers et de bricolage (mousses isolantes, peintures, moquettes, linoléum, vernis des meubles, bois des charpentes et des planchers, bombes aérosols, désodorisants d'ambiance, détergents, décapants, détachants, diluants, alcool à brûler, essence de térébenthine...) contenant des substances chimiques telles que le formaldéhyde ou des composés organiques volatils (voir Fiche technique p. XI).

Effet cumulatif. En outre, au-delà de l'effet propre des polluants extérieurs et intérieurs, les travaux de Spannhake et al.(7) ont montré qu'il existe un effet cumulatif des cofacteurs environnementaux sur la fonction respiratoire, l'inflammation ou la réponse aux allergènes. Ils soulignent ainsi la nécessité de ne pas se limiter à la valeur toxique de chaque substance mais de considérer l'exposition globale à l'ensemble des cofacteurs présents dans l'environnement. « Aujourd'hui, indique l'Asef, ces doses à ne pas dépasser sont basées sur le principe de Paracelse selon lequel "Rien n'est poison, tout est poison : seule la dose fait le poison". Or, ce principe ne prend pas en compte la durée d'exposition, l'âge, le sexe, le mécanisme d'accumulation, les sensibilités individuelles, les interactions des substances toxiques entre elles, etc., qui sont autant de paramètres à prendre en compte car ils influencent également l'impact des substances toxiques sur la santé des individus. »

C'est la raison pour laquelle les 2 500 médecins de cette association, compte tenu des difficultés à établir le risque réel lié à l'exposition individuel et, a fortiori, cumulé de tous les déterminants environnementaux, préconisent de ne pas focaliser sur un déterminant avéré ou supposé mais de prendre en compte tous ces déterminants et d'éviter au maximum de cumuler l'exposition à ces déterminants en réduisant là où c'est possible l'utilisation et l'exposition à ces produits toxiques pour notre santé. « Aujourd'hui, indique le Dr Patrice Halimi, chirurgien pédiatre spécialisé en orthopédie à Aix-en-Provence, il est impossible de dire aux parents que le fait que leur enfant dorme dans un lit contenant du formaldéhyde présente tel taux de risque de cancer parce qu'il respire du formaldéhyde. Mais ce que l'on peut dire, c'est qu'il est absurde de prendre le risque de l'exposer à ce produit puisqu'on peut l'y soustraire et qu'il serait préférable, tout simplement, d'en interdire l'utilisation. De la même façon, il serait logique de ne pas construire des établissements scolaires près des voies de circulation car cela expose les enfants et les enseignants au benzène généré par les échappements de voiture, une substance appartenant à la classification européenne des produits chimiques cancérigènes mutagènes et toxiques pour la reproduction(8). » In fine, s'il est impossible de dire quel sera l'impact de l'exposition au formaldéhyde et au benzène sur la santé des enfants qui auront été exposés aux deux polluants parce que cet impact reste très étroitement lié à d'autres déterminants, les y soustraire préventivement ne peut qu'abonder positivement sur leur santé en réduisant leur exposition aux facteurs de risque environnementaux.

IMPACTS SUPPOSÉS

Si la responsabilité de l'environnement dans la survenue de certaines maladies est avérée, en revanche, nombreuses sont encore les pathologies qui, supposées avoir une origine liée à l'environnement, ne bénéficient pas d'un consensus scientifique sur leur origine environnementale.

C'est notamment le cas des troubles de la fertilité et de certains cancers. La baisse de la fertilité inquiète 85 % des Français, dont 45 % considèrent qu'elle est en relation directe avec la pollution et les pesticides (sondage Ipsos/Top santé de janvier 2009). Concernant les cancers, si l'on connaît les couples amiante-mésothéliome, tabac-cancer du poumon, rayonnement solaire-mélanome, on suppose, sans pouvoir scientifiquement en apporter la preuve, que l'environnement intervient dans la genèse de nombreux autres. Une étude de l'INVS, publiée en 2003, estime qu'entre 5 et 10 % des cancers seraient liés à des facteurs environnementaux, tandis qu'une étude américaine menée sur près de 45 000 jumeaux met en cause notre environnement et notre mode de vie dans trois cancers sur quatre. Parmi les déterminants environnementaux soupçonnés de présenter un risque sanitaire sont notamment concernés les ondes électromagnétiques (téléphone portable, antennes relais)(9), les nanotechnologies (voir encadré p. VII) et les perturbateurs endocriniens.

Perturbateurs endocriniens : de sérieux soupçons

Les expositions réelles aux perturbateurs endocriniens sont encore mal connues. Ce qui suscite l'inquiétude, c'est la capacité de certains perturbateurs à persister dans l'organisme sans être métabolisés. Du fait de cette persistance, ils s'accumulent le long de la chaîne alimentaire pour se concentrer dans les derniers maillons : carnivores, piscivores et humains. La concentration peut ainsi être multipliée par un facteur de 1 000 à 10 000. Les perturbateurs endocriniens sont en majorité des produits chimiques tels que :

- le bisphénol A (mis en cause dans les biberons en plastique) ;

- les composés perfluorés (PFC), tels que le téflon, les éthers de glycol, polybromés (composés chimiques utilisés pour leur propriété anti- feu dans la fabrication des tableaux de bord, des accoudoirs, des tapis, des mousses, des textiles automobiles) ;

- les phtalates (utilisés dans les produits cosmétiques en spray ou crèmes et retrouvés dans les matières plastiques souples) ;

- les pesticides (chlordécone, atrazine...).

Les agriculteurs, utilisateurs de 90 % des pesticides consommés en France, présentent nettement plus de maladie de Parkinson, + 43 % selon une étude de l'Inserm et de l'UMC Paris 6, de maladie d'Alzheimer et de cancer du cerveau.

Effets néfastes sur la fertilité féminine et la reproduction

Coïncidence ? En février 2009, des chercheurs américains et danois déclaraient avoir trouvé un lien entre l'exposition aux PFC et une baisse de la fertilité féminine. Ces PFC sont utilisés dans la fabrication de nombreux objets utilisés dans la vie quotidienne (emballages alimentaires, ustensiles culinaires à revêtement anti-adhésif, vêtements imperméables...). Les chercheurs ont notamment observé les effets de deux sous-types de PFC : les PFOS et les PFOA. Parmi les groupes de femmes étudiés, le risque de stérilité avait augmenté de 70 à 134 % pour celles exposées aux PFOS et de 60 à 154 % pour celles exposées aux PFOA. D'une manière générale, les perturbateurs endocriniens sont surtout suspectés d'avoir des conséquences néfastes sur la reproduction :

- tendance à la baisse de la qualité et de la quantité du sperme observée dans certains pays ;

- troubles de la fonction reproductrice féminine en raison d'anomalies de la différenciation sexuelle, de la fonction ovarienne, de l'implantation de l'embryon et de la gestation ;

- malformations congénitales du système reproducteur masculin : cryptorchidie, hypospadias ;

- troubles de la maturation sexuelle (par exemple, puberté précoce) ;

- cancers du testicule, de la prostate, du sein ;

- pour les femmes enceintes, risque de mortalité intra-utérine et également de retard de croissance foetale(10).

Des travaux français récents (novembre 2008) conduits par le Pr Virginie Rouiller-Fabre (équipe du Pr René Habert) ont montré pour la première fois l'effet néfaste des phtalates sur la reproduction masculine. D'après cette étude réalisée sur des testicules foetaux humains en culture, le MEHP (Mono-ethylhexyl-phtalate), un phtalate interdit dans les articles pour enfants depuis 2005, provoque au bout de trois jours la disparition de 40 % des cellules germinales foetales, précurseurs des spermatozoïdes. Même si elle n'a pas encore été reproduite pour confirmer scientifiquement que les phtalates sont dangereux pour la santé humaine, cette étude mérite réflexion, et ses auteurs suggèrent d'appliquer le principe de précaution en limitant l'exposition chimique, surtout pendant les fenêtres cruciales d'exposition que sont les trois premiers mois de gestation et durant les trois premières années de la vie de l'enfant(11).

RÉDUIRE LES EXPOSITIONS

« Face à telle ou telle maladie, soupçonnée d'avoir pour origine des facteurs environnementaux, il est extrêmement difficile d'évaluer la part de chacun des facteurs déterminants (polymorphismes génétiques, sensibilité individuelle, environnement), et encore plus d'incriminer avec certitude un produit plutôt qu'un autre car ce sont souvent les effets cocktails de plusieurs substances qui sont en cause, explique le Dr Pierre Souvet. Aussi, compte tenu des incertitudes et de la nécessité de confirmer scientifiquement les effets délétères des déterminants supposés altérer la santé, notre association recommande d'appliquer le principe de précaution pour réduire le plus possible l'exposition à l'ensemble des agressions environnementales supposées. »

Principe de précaution

Une orientation qui semble être partagée par les institutions sanitaires, comme en témoignent les récentes conclusions des rapports de l'Afsset sur « cancer et environnement et radiofréquences ». Ces rapports, respectivement publiés en juillet et octobre 2009, indiquent, en substance, que « l'on ne peut pas seulement tenir compte des risques avérés mais qu'il faut tenir compte des risques débattus, y compris sur les ondes électromagnétiques ». Dans ce domaine, alors qu'un millier d'études publiées depuis 2005 ont été consultées par le comité d'experts, l'agence évoque « l'existence d'effets des radiofréquences sur des fonctions cellulaires, rapportés par une dizaine d'études expérimentales considérées comme incontestables ». Au nom du principe de précaution, l'Afsset estime donc que si les expositions environnementales peuvent être revues à la baisse, cette réduction doit être envisagée en privilégiant les situations de plus forte exposition et les actions les plus aisées à mettre en oeuvre sur les radiofréquences. « N'attendons pas que les signaux deviennent des pathologies pour avancer dans la réduction des expositions », a déclaré Martin Guespereau, directeur général de l'Afsset, lors de la présentation du rapport, en octobre 2009. Même si les preuves formelles de la nocivité des ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, les connexions wi-fi, les antennes-relais ou encore les micro-ondes, manquent, l'Afsset estime qu'« il n'est plus temps de ne rien faire ». Autrement dit : arrêtons de nous réfugier derrière le manque de preuves scientifiques, agissons en réduisant les risques lorsque c'est possible. Il est, ainsi, recommandé aux consommateurs de préférer des appareils émettant peu de radiofréquences. Pour ce faire, l'Afsset prône la création d'un label national de même que la notification claire de la quantité de radiofréquences des produits qui en émettent. L'agence conseille également aux parents de réduire l'utilisation des téléphones portables par leurs enfants et demande que l'efficacité des dispositifs anti-ondes, tels que les coques pour téléphones mobiles, soit évaluée et portée à la connaissance du public. C'est dans cet esprit que, par mesure de précaution pour la santé des enfants, le Sénat a interdit, en octobre 2009, l'usage des téléphones portables dans les écoles maternelles, primaires et collèges. De leur côté, les associations réclament des registres cancer spécialisés et loco-régionaux pour mieux appréhender les pathologies dans leur contexte environnemental et mieux cibler les actions à conduire. L'objectif n'est pas de tout interdire, mais d'informer, de mettre en garde et d'adopter les bons comportements de prévention et de précaution.

RECENTRER LE DÉBAT

Les infirmiers occupent une position stratégique pour prendre le recul nécessaire par rapport aux batailles d'école. « Elles doivent s'en détacher et se focaliser sur leur rôle d'information et de conseil pour recentrer le débat sur l'homme et sur "comment faire, en pratique, au quotidien, pour protéger sa santé", conclut le Dr Pierre Souvet. Les associations telles que l'Asef sont à leur disposition pour les aider dans cette tâche de conseil. » Faire savoir, par exemple, que l'on ne mélange jamais un produit détartrant avec de l'eau de Javel car cela dégage du chlore, que mettre un produit d'entretien sur un chiffon plutôt que de le pulvériser sur les vitres ou les meubles évite d'inhaler les particules du produit, qu'il ne faut pas faire du jogging au bord des routes (deux fois plus d'infarctus les jours de pollution), que les femmes enceintes doivent éviter d'utiliser les bombes anti-odeurs qui contiennent du benzène et de consommer du thon ou de l'espadon, qui contiennent des métaux lourds... Ce sont autant de conseils de bon sens que les infirmiers peuvent dispenser à loisir pour améliorer la prise de conscience des risques avérés et potentiels liés à l'environnement et favoriser le développement de réflexes protecteurs contre les déterminants environnementaux responsables ou soupçonnés de contribuer à la survenue de pathologies comme les cancers, les troubles de la fécondité, les allergies ou les maladies respiratoires et neurologiques.

1- La loi du 9 août 2004 prévoit la réalisation d'un plan d'action spécifique pour chacune des 5 thématiques de santé publique prioritaires : cancer ; violence, comportements à risques et conduites addictives ; qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ; maladies rares ; santé environnement.

2- Première conférence européenne sur l'environnement et la santé, Francfort-sur-le-Main (RFA), 7-8 décembre 1989.

3- http://www.hcsp.fr/, rubrique « commission »

4- À télécharger sur le site http://www.inpes.sante.fr

5- International Study of Asthma and Allergies in Childhood : Annesi-Maesano I. ; Charpin D. Godard P. ; Kopferschmitt Kubler M. C. ; Oryszczyn M. P. ; Ray P. ; Quoix E. ; Raherison C. ; Taytard A. ; Vervloet D.

6- Large Analysis and Review of European Housing and Health Status - 2004, OMS. http://www.euro.who.int/Document/HOH/lares_result.pdf

7- Source : communication des Dr Tsicopoulos et Pons lors du 4e Congrès francophone d'allergologie (avril 2009) sur le thème « maladies allergiques, maladies de l'environnement »

8- La liste de ces produits est disponible sur le site : http://www.prc.cnrs-gif.fr/en_telechargement/cmr31.pdf

9- À ce jour, les résultats des études expérimentales sur les radiofréquences sont contradictoires : certaines confirment l'existence d'effets des radiofréquences sur des fonctions cellulaires tandis que d'autres ne montrent pas d'effets.

10- Source : http://www.net-sante-environnement.fr/actualites/detail/8416/

11- Courcelle E. et al. Perturbateur endocrinien, cancers et reprotoxicité : état des lieux actualisé. Bulletin de veille scientifique en sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Afsset. N° 5. Décembre 2007 ; 24-25.

Le PNSE 2 2009-2013

Action sur la qualité de l'air et de l'eau :

- Réduire de 30 %

- les concentrations dans l'air ambiant en particules fines PM 2,5 d'ici à 2015 ;

- les émissions dans l'air et dans l'eau de 6 substances toxiques d'ici à 2013 : mercure, arsenic, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), benzène, PCB/dioxines et perchloroéthylène.

- Assurer la protection des aires d'alimentation des 500 captages d'eau les plus menacés.

- Mettre en place un étiquetage sanitaire des produits de construction, de décoration ainsi que des produits les plus émetteurs de substances dans l'air intérieur, et rendre obligatoire l'utilisation des produits et matériaux les moins émissifs dans les écoles et crèches... (suite p. VI)

Maladies respiratoires et cardio-vasculaires

Il existe, aujourd'hui, des éléments scientifiques permettant d'expliquer les effets sur la santé des polluants atmosphériques majeurs tels que l'ozone, les oxydes d'azote ou les particules fines et ultrafines (PM10, PM2,5, nanoparticules)(1) libérés par les automobiles mais aussi les usines d'incinération, les cheminées à foyer ouvert ou les poêles de maison. Les particules fines favorisent la synthèse d'immunoglobuline E (un des marqueurs de l'allergie) et perturbent la réponse immunitaire des sujets qui les inhalent. Elles ont aussi un effet inflammatoire. « Un sujet développera des réactions allergiques plus fréquentes et plus intenses quand il aura au préalable été exposé à des polluants car ceux-ci jouent un rôle pro-inflammatoire », explique le Pr Alain Grimfeld, président de la SFSE, chef du service de pneumologie et allergologie pédiatrique

de l'hôpital Trousseau(2). Par ailleurs, il a été montré que la pollution atmosphérique est triplement impliquée dans la survenue des troubles allergiques et respiratoires puisqu'elle favorise le développement de certains allergènes, multiplie via les particules fines les vecteurs de transport de ces allergènes et exacerbe de façon intrinsèque l'irritation des voies aériennes et des bronches. Elle intervient également dans le développement des maladies cardio-vasculaires en induisant un effet inflammatoire précurseur d'athérosclérose carotidienne et de thrombose, qui explique probablement que l'on observe deux fois plus d'infarctus les jours de pollution(3).

1- Poussières fines en suspension d'un diamètre aérodynamique inférieur à 10 micromètres ou 2,5 micromètres.

2 - Augmentation des allergies et de l'asthme : la pollution en accusation, Le Figaro, 15 juin 2007, Catherine Petitnicolas.

3 - Source : Asef.

Le PNSE 2 (suite)

Mesures préventives - Mettre en place un programme de biosurveillance sanitaire de la population dès 2010.

- Expérimenter un dispositif de traçabilité des expositions professionnelles dans quatre régions.

- Renforcer le contrôle des substances, préparations et articles mis sur le marché en France, notamment sur les produits destinés aux enfants.

- Développer un réseau de conseillers Habitat santé se rendant au domicile des personnes souffrant de certaines maladies afin de leur proposer des mesures pour améliorer leur environnement de vie.

- Améliorer la connaissance et réduire les risques liés aux rejets de médicaments dans l'environnement.

Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/

Nanotechnologies : un risque émergent ?

Les nanotechnologies permettent de concevoir et de fabriquer des structures extrêmement petites, mesurables en nanomètres (milliardième de mètre), à partir des composants élémentaires de la matière que sont les atomes et les molécules. Ces nanoparticules ont une taille 30 000 fois inférieure à l'épaisseur d'un cheveu. Elles sont présentes dans de multiples produits de la vie courante : vêtements, fond de teint, carburants, pneumatiques, et même, barres de Mars et jus d'orange (E 171). À l'échelle du nanomètre, les propriétés de la matière changent. C'est ce qui donne aux nanomatériaux les qualités de résistance, de flexibilité, d'adhésion... recherchées par les industriels. Mais c'est aussi ce qui les rend plus réactifs.

Risques potentiels

Or, ces particules sont susceptibles de pénétrer sous la peau et, en cas d'inhalation ou d'ingestion, de franchir les barrières intestinales, hématoencéphalique et placentaire qui protègent l'organisme(2).

Des données issues de l'épidémiologie et de la toxicologie expérimentales évoquent leurs dangers potentiels. Par exemple, il est démontré que les effets biologiques des particules de titane sont plus importants lorsque la matière est divisée en particules de 20 nm plutôt que 200 nm(3). Des fibroses pulmonaires ont été déclenchées chez des rats ayant inhalé des nanotubes de carbone, très répandus. Les toxicologues estiment qu'à doses élevées, des pathologies pulmonaires pourraient apparaître chez l'homme, ce qui a conduit l'Afsset à préconiser d'éviter ou de limiter l'exposition des personnels de l'industrie et de la recherche grâce à l'utilisation de systèmes fermés.

Compte tenu des prévisions de développement de ce marché (multiplié par 3 à 5 dans les cinq ans à venir), la Commission nationale du débat public a été saisie, en février 2009, par sept ministères pour organiser une consultation afin d'éclairer les pouvoirs publics sur les actions à privilégier. Le débat reste ouvert grâce au site(3) créé par l'Acen (Alliance citoyenne sur les enjeux des nanotechnologies).

1- Source : « Nanoproduits : informer, écouter, rendre compte », Pierre Le Hir, Le Monde 14/10/09.

2- Source : http://www.net-sante-environnement.fr/actualites/detail/7185/.

3- http://nano.acen-cacen.org.

Aller plus loin

- Asef (Association santé environnement de France) : http://www.asef-asso.fr/ Contact : L. Ferrer : 04 88 05 36 15

- Réseau santé environnement, http://www.reseau-environnement-sante.fr/

- Haut Conseil de la santé publique, rapports et avis sur son site http://www.hcsp.fr

- http://www.ecologie.gouv. fr/Mise-en-oeuvre-du-Plan-National.html

- http://www.inserm.fr, rubrique cancer et environnement

- Des données sur les sites de l'Afsset, ww.afsset.fr, et de l'Afssaps.fr