démences
Dossier
Des équipes de gériatrie et de psychogériatrie travaillent chaque jour avec des personnes âgées entrées dans la démence. Face à ceux qui ont perdu la mémoire ou la parole, les soignants développent une qualité d'écoute et de gestes.
Six pour cent de la population générale est atteinte de formes de démence après 65 ans, et presque 18 % après 75 ans (dont 80 % des cas sont des maladies d'Alzheimer). Avec l'avancée en âge, l'ensemble des fonctions cérébrales supérieures connaît une dégradation, qu'il s'agisse de la perception, de l'attention, de la résolution de problèmes, de la mémoire ou du langage, qui demeure la capacité la mieux préservée.
De nombreuses équipes hospitalières ont développé des filières de soins combinant services de consultations (dont les consultations mémoire), hôpitaux de jour, lits d'hospitalisation de long, moyen ou court séjours (notamment pour les crises) et équipes mobiles. Autant de dispositifs vers lesquels les familles doivent être orientées tôt, la prévention formant un enjeu d'importance : « La maladie d'Alzheimer est comme une armoire dont les tiroirs se vident avec le temps, illustre Philippe Thomas, psychiatre et gériatre au pôle de psychogériatrie de l'hôpital psychiatrique de Limoges. Certains, toujours pleins, sont volontiers non tirés, parce que la personne âgée se replie, et parce qu'il est difficile pour une famille de consulter, à cause de la honte, de la culpabilité, de l'oppression, du poids des non-dits. Pour freiner le processus de la maladie d'Alzheimer, il faut aller chercher des acquis jusque-là non utilisés, très variables d'une famille et d'un malade à l'autre. Parce que les familles ne regardent pas leur proche objectivement, mais avec leur coeur, et se montrent à cet égard tolérantes, elles consultent souvent trop tard. Or, en recevant les personnes tôt, on peut empêcher qu'elles ne perdent davantage leurs capacités, et construire avec la famille, pour éviter que les choses ne s'aggravent. Mais il existe une inégalité de l'accès aux soins en fonction de la sensibilité de la famille. »
Cadre supérieur de santé et adjoint au responsable du pôle de psychogériatrie de Limoges, Richard Olivier Peix observe qu'en vingt ans, l'approche des sujets souffrant de pathologies démentielles - qui forment 70 % des patients suivis - a profondément changé. Quelle que soit l'activité proposée, le dénominateur commun qui guide les soignants est celui de la communication avec les personnes : « Si le premier signe clinique alertant reste un trouble de la mémoire immédiate, le grand changement de ces dernières années est de ne pas forcément s'attacher à le rééduquer. Lorsque l'on communique avec les personnes âgées, on évite de les mettre en difficulté dès qu'on utilise cette mémoire immédiate, et l'on s'attache à repérer capacités et potentialités. Cela consiste, notamment, à travailler sur la mémoire ancienne, globalement moins dégradée. »
Infirmière animatrice en gérontopsychriatrie à Brest, Chantal Zaragoza organise chaque semaine des sorties avec les patients, aux thématiques souvent en lien avec l'histoire, la région, les thèmes chers aux patients. La visite d'une abbaye ou d'un cimetière de bateaux peut faire ressurgir un souvenir chez un malade d'Alzheimer : « Je me rappelle une promenade sur un marché de la côte nord. J'accompagnais une personne démente et, alors que nous regardions le clocher, elle s'est mise à raconter qu'elle avait dansé à la Libération sur ce clocher, et a été capable de partager ce souvenir avec les autres personnes du groupe. Notre objectif est de susciter l'envie, le "prendre plaisir à"... Certaines personnes, à un certain stade de la démence, connaissent leurs manques, et, par peur de se retrouver en difficulté, renoncent parfois à une sortie. Mais lorsqu'elles participent, elles se détendent, et nous remercient de les avoir sollicitées. Nous essayons au maximum de nous connecter à l'histoire de chacun. Les familles, l'entourage, les intervenants nous aident à compléter les informations recueillies auprès du patient. Parler quelques mots de breton peut aussi aider à entrer en relation, On voit alors un sourire se dessiner sur le visage. Le contact est établi. » Chantal Zaragoza cite l'atelier jardinage, prisé par une population autrefois très rurale. Elle raconte ses surprises : une recette de crêpes livrée par une patiente démente lors de la séance de cuisine thérapeutique où celle-ci prend plaisir à retrouver les gestes d'antan, une vieille expression de la langue française lancée par un patient qui, d'ordinaire, ne s'exprime que par des cris à l'atelier mémoire, la résolution d'une définition sur une grille de mots croisés...
Les travaux sur la résilience, concept popularisé en France par Boris Cyrulnik, ont intéressé Richard Olivier Peix, qui a adapté l'idée. Il parle de « concilience » pour évoquer le pas de côté constant auquel se livrent les soignants pour s'ajuster aux limites cognitives des patients, réconcilier la personne âgée avec elle-même et continuer à avancer avec elle, malgré le non-retour qui leur est souvent opposé : « Une capacité, en somme, à garder son âme d'enfant tout en restant professionnel, à "faire comme si" pour mieux accompagner. » Un recul pas si simple à opérer : « Le soignant a, aussi, parfois du mal à comprendre que le malade dont il s'occupe ne sait pas qu'il est infirmier. »
L'aide des psychologues du service se révèle précieuse : ils assistent aux transmissions et donnent du sens aux comportements des patients : « Parce que celui-ci ne vit pas en 2010, dans notre unité. Sa tête peut être en pleine guerre et c'est pour cela qu'il répète : "attention, les Allemands vont arriver". Cet autre se vit comme un quadragénaire et doit aller rentrer ses vaches... Le professionnel est capable de naviguer dans cet écart entre l'instant présent, l'histoire du patient et l'anticipation pour que les personnes puissent se projeter un minimum vers leur devenir. D'ailleurs, si on facilite l'expression de cet ancien fermier sur ses animaux, bien souvent, au bout d'un moment, il nous dit : "mais non, je n'ai plus de vaches...". » La validation de ses propos permet parfois à la personne âgée de discriminer passé et présent.
Thierry Voisin, neurologue, gériatre, dirige l'unité cognitivo-comportementale (voir Encadré p. 26) du gérontopôle de Toulouse. Il insiste, à propos de cette relation soignant-soigné, sur l'importance, pour entrer en communication avec le patient, de comprendre sa perception du monde : à quelle époque vit-il, quelles sont son histoire, sa personnalité ? « Le paradoxe est de devoir quasiment entrer dans la démence si on veut communiquer avec le sujet dément. Cela pour parvenir à un objectif thérapeutique de prise en charge qui consiste à le ramener vers nous : quel intérêt de corriger ce monsieur qui se croit en 1980 et veut qu'on l'accompagne à son bureau ? On peut certes lui rappeler qu'il est à la retraite depuis longtemps, et donc choisir la confrontation. On peut aussi lui répondre qu'on l'accompagnera mais que, d'abord, on a besoin de lui pour nous aider à telle chose, et lui faire oublier son idée première. Quelqu'un qui veut partir d'un endroit, en général, n'y est pas bien... Et si le sujet a du mal à percevoir l'environnement, en revanche, il écoute son corps. S'il a faim, c'est l'heure de manger, même s'il n'est que 2 heures du matin. »
Philippe Thomas oppose l'école française, soit une neutralité bienveillante et distante de la part des soignants, à l'option philosophique anglo-saxonne développée dans son service : « Pour nous, médecins, aides-soignants et infirmières, la communication, c'est dire "je". Parce que pour communiquer, il faut rencontrer les personnes et donc affronter l'enjeu affectif. On est soignant mais aussi une personne capable d'aimer ou de ne pas aimer l'autre. Cet engagement affectif implique une prise de risques thérapeutique qui doit être calculée lors des réunions interdisciplinaires ou des supervisions. » Privilégiant une approche systémique, le service de Limoges réalise des consultations familiales, et dès l'instant où une difficulté se pose, convie famille et patient en réunion interdisciplinaire : « On essaie toujours de se faire comprendre du patient et on lui demande son avis, même s'il ne comprend pas, concernant son projet de soins et de vie. C'est évidemment pédagogique pour la famille, qui a le loisir d'exprimer son point de vue. »
Certains ne s'expriment plus parce qu'ils ne possèdent plus les mots, cela s'appelle l'aphasie ; mais l'angoisse joue aussi un rôle. Cumuler les deux n'a rien d'extraordinaire en matière de maladie d'Alzheimer : c'est le mutisme. On peut travailler à lever l'angoisse, pour permettre quelques mots, comme l'illustre Philippe Thomas : « La façon de faire, c'est la relation tendresse, la relation présence, cette approche particulière des soignants de la maladie d'Alzheimer qui suppose d'abord d'être un peu clair avec soi, de ne pas avoir peur des malades et d'accepter qu'en chaque individu réside un peu de folie et de maladie d'Alzheimer. Cette pathologie est une caricature de nos propres comportements d'oubli ou de nos attitudes parfois aberrantes ! Une équipe qui travaille bien avec des malades d'Alzheimer travaille bien avec ses propres collègues. C'est une manière d'être. Cela s'apprend ensemble par la pratique commune. » Quel que soit l'état de la personne, la communication reste toujours possible, défendent ces équipes. Cyril Hazif-Thomas, psychiatre et gériatre au CHU de Brest, dénonce la tendance médicale actuelle à cloisonner les prises en charge en fonction de l'âge et appelle à un regroupement de moyens, qui permettrait de dépasser un peu le rejet des personnes âgées. Un psychiatre ne possédant pas la culture du soin spécifique au sujet âgé va, par exemple, pouvoir interpréter l'hostilité et la méfiance - typiques chez un sujet qui se protège de la découverte de la détérioration de ses capacités cognitives - comme de la psychose, de la paranoïa, ou une structure psychotique : « J'ai entendu parler violemment de malades extrêmement désorganisés de la part de soignants. Avec un travail de qualité, on réhabilite ces personnes. Je pense à une patiente extraordinaire, assez jeune, qui vivait en maison de retraite, et avait beaucoup régressé. Très confuse, elle bégayait et faisait sans cesse des répétitions, elle était incontinente et portait en permanence cinq ou six épaisseurs de vêtements. Aujourd'hui, elle est chez elle. Parce qu'on a accepté de la prendre en charge complètement. Et que l'on s'est impliqué personnellement. »
Communiquer avec ce type de patients passe par une approche verbale simplifiée et authentique : « En évitant "les petits mensonges" ou la communication maligne, poursuit Philippe Thomas. Les phrases du type : "ne bougez pas, je vous rappelle d'ici un quart d'heure", "je reviens tout de suite", "vous voyez bien que je n'ai pas le temps"... sont les poisons de la communication. Si vous n'êtes pas disposé à entrer en communication, la personne, même démente, est capable d'entendre : "je suis fatigué aujourd'hui madame, ne m'en veuillez pas, on reparlera de cela demain". »
Un point de vue également défendu par Marie- Pierre Pancrazi, psychiatre et gériatre, chef du service de gérontopsychiatrie à l'hôpital gériatrique des Magnolias (91) : « Plus l'atmosphère est chaleureuse et contenante, plus la communication est encouragée. Je parle avec des "sous-titres" : je mime et fais beaucoup de théâtre, module la prosodie et m'assure que ma voix est comprise... On a vu des gens qui ne parlaient plus se remettre à parler ou à se faire comprendre. Cela peut passer par des médias, comme les clowns qui viennent dans le service. Certaines personnes ne communiquant plus se remettent à parler au clown. Mais quand ce dernier se démaquille, elles se taisent à nouveau... Elles parlent uniquement au personnage et y projettent ce qui résonnent de leur enfance... » Dans tous les services, ces médias présentent des résultats intéressants : ainsi, plusieurs hôpitaux ont passé des conventions avec des accompagnateurs de chiens visiteurs.
Le contact entre les patients et les animaux dressés s'avère extrêmement vivant et très chaleureux. La musique et le chant peuvent aussi produire des merveilles. Le recours à la musique permet de nouveaux apprentissages et aide à atténuer les affects anxieux et dépressifs. On a pu récemment montrer que si apprendre une récitation à une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer se révèle difficile, lui enseigner les paroles d'une chanson en musique ne pose aucun problème et fait travailler de zones non exploitées.
Pour tous, lorsque la démence se fait plus prégnante, restent le regard, et le toucher au-delà des paroles. « Il ne faut pas hésiter à toucher une main, un visage, lorsqu'on décide de travailler en gérontopsychiatrie ! », affirme Chantal Zaragoza. En plus de la reformulation, de l'écoute empathique, le regard, le toucher aident à entrer en contact avec la personne soignée. Dans certaines situations, après concertation en équipe, et accord du patient, le choix est fait d'utiliser le prénom de la personne, tout en continuant à la vouvoyer pour entrer en relation avec elle et assurer, ainsi, une meilleure communication en confiance. Vigilantes, les équipes tâchent de repérer les moments où la communication se rompt, signe annonciateur de l'apparition des troubles du comportement, qui naissent de l'incommunicabilité entre le malade et son entourage, et son cortège d'ennui et de désoeuvrement : « Surgissent les quiproquos, souligne Philippe Thomas, dans lesquels la famille n'est pas toujours innocente. Il s'agit pour les proches et les soignants d'apprendre la nouvelle langue du patient, dont les mots se déforment. Chaque malade a son langage personnel et restaurer la communication s'avère central dans le soin. » Dans l'UCC dirigée par Thierry Voisin, les patients accueillis présentent des troubles du comportement dits « productifs » : des personnes considérées comme agressives, soit très agitées, soit avec des comportements moteurs aberrants, avec des cris... Certaines sont atteintes d'une maladie neurodégénérative. Ils ont gardé une capacité de communication verbale plus ou moins importante. « Les maladies du type Alzheimer, explique Maryse Pedra, cadre de santé à l'UCC, sont des maladies de la communication et, surtout, de la relation. Les troubles du comportement perturbateurs ne sont finalement qu'une réponse adaptée pour ces personnes accusant des défaillances sur le plan cognitif. Mais une personne ne se résume pas à ses troubles ou à sa maladie et a toujours besoin de communiquer. »
L'UCC rassemble des soignants motivés. « Nous avons en commun d'avoir dépassé nos peurs face à une population souffrant de démence et de troubles du comportement, se manifestant dans des formes très individuelles, relate Christine Lagourdette, IDE. Nous partageons aussi l'envie d'apporter du bien-être au patient. » À Toulouse comme aux Magnolias, qui dispose aussi d'une UCC, l'entrée en communication passe par un temps d'observation. Lors d'entretiens avec la famille, on tâche d'en apprendre le plus possible sur le patient, son histoire, ses habitudes. « Puis, complète Marie-Pierre Bautrait, IDE, on fixe des objectifs hebdomadaires pour chacun, et l'on vise dès le départ la sortie à domicile ou en institution et le passage de relais aux soignants et aux aidants. » Chaque unité développe des stratégies pour comprendre les malades mutiques. « Même un patient aux troubles cognitifs très sévères a droit à une bonne qualité d'information, insiste Christine Lagourdette, transmise par des mots et une syntaxe simples, des mimiques ou du toucher intentionnel. » Marie-Pierre Pancrazi a proposé aux soignants une grille comportementale ABC : A pour antécédents de la crise ; B pour behaviour-comportement, C pour conséquence sur la personne et sur l'environnement. Chaque soignant la remplit pendant une semaine, et l'on essaie de comprendre, par exemple, pourquoi tel patient crie au moment des repas : est-ce tous les jours ou seulement ceux où Simone l'aide-soignante est là ? Est-ce en fonction de la place qu'il occupe à table ?
L'outil permet une analyse objective du problème afin de formuler hypothèses et propositions de résolution du problème : « Cela permet de moduler la sensation d'agressivité. Si la promiscuité semble perturber le patient, on le fera manger dans sa chambre. Il peut s'agir aussi d'une dame angoissée parce que son mari n'est pas là. On va la rassurer, la valoriser, passer du temps avec elle... » L'idée de ces moyens séjours consiste à reconstruire un quotidien contenant, à rebâtir une routine sécurisante pour des gens qui vivent dans un présent renouvelé en permanence. Les soins, l'observation attentive des mimiques, des gestes et des sons, le temps du repas ou celui de la toilette, que l'on fera « même en pleine nuit si la personne le souhaite », rythment la journée comme autant d'activités thérapeutiques individualisées : « Ces éléments de prise en charge non médicamenteuse participent à la restauration de la communication, analyse Maryse Pedra. Les professionnels doivent apprendre des personnes qu'ils soignent, c'est ainsi que nous sommes aussi bienveillants et "bientraitants". Ce sont les patients qui nous aident à les aider. Cela suppose, pour les soignants, d'accepter - dans un milieu sanitaire - de ne plus avoir la maîtrise du temps et de l'espace. »
Ces services ont également développé des programmes d'éducation thérapeutique, soutenant familles et aidants afin que les personnes puissent trouver leurs propres solutions pour accompagner leur proche : « La communication se joue à différents niveaux, conclut Marie-Pierre Pancrazi. Elle s'entretient envers la personne malade, mais aussi entre la personne malade et son aidant. Les soignants doivent être formés, et les échanges circuler entre les partenaires, équipes d'hospitalisation à domicile et lieux de prise en charge. C'est à nous de nous ajuster parce que ces personnes perdent petit à petit le sens de la compréhension et ne le peuvent pas. Les mots clés sont la cohérence, le lien et le contenant. »
1- Lire Psychologie du vieillissement. Une perspective cognitive, P. Lemaire et L. Bherer, De Boeck (2005).
« Je pense que l'idée est prégnante chez nombre de psychiatres et de psychologues, peu au fait des demandes de psychothérapie des seniors, qu'il n'y a pas de spécificité du soin psychique chez le sujet âgé et que sa prise en charge ne relève que de l'apport exclusif du gériatre. On peut appeler cela une communauté de déni, doublée d'une banalisation de la "toute-polyvalence gériatrique", qui devrait tout de même questionner à l'heure des réseaux de santé, de la pluriprofessionnalité et de l'interdisciplinarité. De même que ce n'est pas parce qu'on est psychiatre que l'on va s'intéresser uniquement au psychique et pas au corps. D'ailleurs, lorsqu'un sujet âgé ne parle pas de son corps, il y a lieu de s'inquiéter, cela peut sous-entendre une souffrance dépressive et un repli sur soi. Cela demande un savoir-être aiguisé par un travail d'écoute et de se réunir régulièrement entre collègues pour échanger nos sentiments vis-à-vis du malade, teintés de contre-transfert et d'éléments négatifs. Cela suppose de reconnaître aux sujets âgés une vraie vie psychique et appelle une vraie humilité. »
Dr Cyril Hazif-Thomas, psychiatre et gériatre au CHU de Brest.
La question des liens entre le vieillissement cognitif physiologique et les maladies neurodégénératives reste en débat. Aujourd'hui, une vingtaine de maladies neurodégénératives susceptibles de conduire à une dépendance d'origine cérébrale sont identifiées. Sur les 856 000 patients atteints de démence en France, près de 300 000 seraient dépendants (estimation à partir des données du groupe Eurodem et de l'étude Paquid).
Note de veille n° 179 - juin 2010 - du Centre d'analyse stratégique http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=1187).
Les espaces Snoezelen sont nés aux Pays-Bas dans les années 1970, à l'initiative de deux psychologues. Il s'agit de lieux clos, confortables, conçus pour la relaxation et la réassurance, où le soignant aide le patient à se détendre et à retrouver des sensations. Grâce à des jeux de lumière (colonnes à bulles, fibres optiques lumineuses...), de la musique, des odeurs agréables, des objets à toucher, la stimulation sensorielle favorise son bien-être.
Cette approche, initialement destinée à l'accompagnement de personnes atteintes de problèmes d'apprentissage et de communication (patients autistes, par exemple), se développe de plus en plus en gériatrie. Le soignant accompagne son patient pour le guider dans ses sensations, l'invitant à s'exprimer davantage, ce qu'il ose faire à ce moment-là, parce qu'il retrouve la capacité d'en prendre le risque. Les angoisses s'apaisent, l'agitation baisse, et la relation soignant-soigné s'en trouve elle-même améliorée.
Créées à partir du plan Alzheimer 2008-2012, les unités cognito-comportementales (UCC), de moyen séjour (un mois en moyenne), accueillent des patients âgés - venant soit du domicile, soit d'institutions - souffrant de troubles du comportement. L'objectif est essentiellement de réduire ces troubles. Les UCC ont été conçues pour développer une approche non médicamenteuse, et donc freiner la consommation de médicaments, notamment celle des psychotropes. Les recommandations de la Haute Autorité de santé concernant la prise en charge des troubles perturbateurs encouragent une série de techniques de soins, de stimulations, de thérapies par l'empathie, pour « reconditionner », autrement dit, restaurer une relation plus adaptée.
Le travail de l'UCC est de construire un projet thérapeutique adapté au futur lieu de vie et de transférer aux professionnels de santé observations et résultats.
L'objectif est de créer 120 UCC, une sur chaque territoire de santé. Au dernier recensement, 26 unités apparaissaient opérationnelles, mais elles n'étaient pas forcément reliées à un pôle de soins gériatrique.
Le Dr Thierry Voisin explique : « L'aphasie, trouble du langage, se distingue d'un trouble de la communication ou du comportement, la personne s'exprimant alors par des cris, une agitation motrice, en fonction de sa personnalité. Dans ces maladies, il se passe deux phénomènes : d'une part, une levée de l'inhibition ; d'autre part, en fonction de la localisation des lésions cérébrales, peuvent émerger des troubles du comportement. Les deux peuvent donc se cumuler, s'associant à la personnalité antérieure du malade. »