L'Infirmière Magazine n° 263 du 01/09/2010

 

obésité

Cours

Problème de santé publique planétaire, l'obésité est aujourd'hui élevée au rang de pandémie par tous les professionnels de santé. Pourvoyeuse d'une morbi-mortalité importante, elle doit faire l'objet d'une prise en charge curative et préventive dès le plus jeune âge. Un objectif face auquel les infirmiers ont un rôle de repérage, d'alerte, d'éducation et de guide capital.

Dans un monde moderne où les canons de la beauté sont symbolisés par des mannequins à la taille de guêpe et aux corps « bodybuildés », il est étonnant de constater la progression planétaire de l'obésité. Ce problème de santé publique fait pourtant l'objet de nombreux efforts des pouvoirs publics et des autorités de santé pour le prévenir et en améliorer la prise en charge.

DÉFINITION

Le surpoids et l'obésité sont définis comme « une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque pour la santé ». Physiologiquement, le corps humain contient environ 14 % de son poids en graisse à la naissance, 20 % à l'âge d'un an, 14 % vers 3 ans pour atteindre environ 20 % avant la puberté. À l'âge adulte, la masse grasse atteint 20 à 25 % du poids du corps chez les femmes, et 14 % chez les hommes, dont la masse grasse diminue sous l'effet des androgènes au profit de la masse musculaire. La graisse est stockée dans des cellules appelées adipocytes. En cas de surpoids, les adipocytes se surchargent en graisse et grossissent. L'obésité survient lorsque les adipocytes, saturés en graisse, se multiplient. Pour objectiver l'excès des réserves lipidiques (masse grasse) d'un individu, des méthodes de mesure ont été mises au point, parmi lesquelles l'indice de masse corporelle (IMC) (voir Encadré p. V) s'est imposé en pratique courante. Cet indicateur évalue la relation entre le poids et la taille : il se calcule en divisant le poids en kilos par le carré de la taille exprimée en mètres. Les valeurs normales sont comprises entre 18,5 et 24,9 kg/m2. On considère qu'un individu est en surpoids lorsque l'IMC est compris entre 25 et 29,9 kg/m2. L'obésité, que ce soit chez l'homme ou chez la femme, est avérée lorsque l'IMC est supérieur à 30 kg/m2.

Chez l'enfant, l'IMC varie avec l'âge. Il est d'environ 14 à la naissance, 18 à 1 an, puis redescend jusqu'à l'âge de 6-7 ans, pour remonter jusqu'à la fin de la croissance. La courbe de corpulence de l'enfant, matérialisée dans les carnets de santé depuis 1995, permet d'objectiver le « rebond précoce d'adiposité », qui survient vers l'âge de 7-8 ans. Plus il est précoce (il peut survenir dès l'âge de 1 ou 2 ans), plus le risque d'obésité à l'âge adulte est important. Autant dire qu'un surpoids dans les premières années de vie constitue un signe d'alerte important pour les soignants.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La dernière enquête ObÉpi, en 2009(1), montre que 20 millions d'adultes français (14,5 %) sont concernés par le surpoids et l'obésité, soit 6 % de plus qu'il y a douze ans (Voir Encadré p. IV). En 2009, 32 % des plus de 18 ans (14 millions de personnes) étaient en surpoids, et 14,5 % (6,5 millions) répondaient aux critères de l'obésité. Par rapport à la prévalence estimée en 2006 (13,1 %), la prévalence en 2009 représente une nouvelle augmentation de 10,7 %. Dans les précédentes études, l'augmentation avait été de 18,8 % entre 1997 et 2000, de 17,8 % entre 2000 et 2003, et de 10,1 % entre 2003 et 2006. Cette évolution est doublement préoccupante : de génération en génération, l'obésité apparaît de plus en plus tôt dans la vie (2) ; et l'obésité de l'enfant est à l'origine des obésités les plus sévères de l'adulte. Ainsi, la fréquence des obésités sévères est passée de 1,5 % en 1997 à 3,9 % en 2009. La persistance de l'obésité à l'âge adulte est de 20 à 50 % si elle apparaît avant la puberté, et de 50 à 70 % lorsqu'elle survient dans la période péripubertaire. D'une manière générale, la prévalence de l'obésité augmente avec l'âge. Les femmes sont sensiblement plus touchées (15,1 %) que les hommes (13,9 %), ce qui pourrait s'expliquer par « une plus grande propension des femmes à développer de la masse grasse ». Depuis la première édition, en 1997, l'enquête ObÉpi montre que l'obésité est inversement proportionnelle au niveau d'instruction et de revenus du foyer. Elle augmente beaucoup plus vite chez les agriculteurs ou les ouvriers que chez les cadres et professions intellectuelles supérieures. De même, au fil des ans, les différences géographiques se sont renforcées entre le Nord et l'Est, secteurs où la prévalence de l'obésité est la plus forte, et l'Ile-de-France et la zone méditerranéenne, où elle est la plus faible. Ce problème de santé publique s'observe partout dans le monde, y compris dans les pays non industrialisés, pourtant toujours durement touchés par l'insuffisance alimentaire. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), on comptait environ 200 millions d'obèses dans le monde en 1995. Cette évaluation atteindrait aujourd'hui les 300 millions de personnes, dont 115 millions dans les pays en développement, où l'embonpoint est signe de richesse et de prospérité et les plats gras et sucrés peu chers et immédiatement disponibles.

CAUSES GÉNÉTIQUES ET ENVIRONNEMENTALES

Hormis quelques étiologies rares (endocriniennes en particulier) (3), l'accumulation excessive de graisse résulte, dans la grande majorité des cas, d'un déséquilibre durable entre consommation et dépense d'énergie. Une très petite mais chronique différence entre l'énergie absorbée (calories) et l'énergie dépensée (exercice physique, activité) peut entraîner une importante surcharge graisseuse. Par exemple, l'ingestion supplémentaire de seulement 5 % de calories par rapport à la dépense énergétique peut entraîner une accumulation d'environ 5 kg de tissu adipeux en un an. Ce déséquilibre de la balance énergétique est déterminé par l'interaction de facteurs génétiques et environnementaux (conditions de vie, activité physique, sédentarité, alimentation).

La piste génétique

Les observations montrent que le risque pour un enfant d'être obèse est de 10 % si les parents sont normaux ou maigres, de 40 % si l'un des parents est obèse, et de 80 % si les deux parents sont obèses. Si cela tend à prouver que l'hérédité joue un rôle, cela ne signifie pas obligatoirement que la transmission génétique est prépondérante. « Il existe vraisemblablement plusieurs gènes liés à l'obésité, indique le Dr Patrick Garandeau (Hôpital d'enfants, Saint-Denis de la Réunion)(4). Par exemple, bien que rare, le déficit génétique de production d'une hormone synthétisée par le tissu adipeux, la leptine, ou de l'expression de son récepteur, entraîne constamment une obésité sévère. De même, de rares syndromes (syndrome de Willi-Prader, syndrome d'Alström, par exemple) sont responsables d'une obésité grave directement liée à une anomalie génétique. » Au-delà de ces obésités monogéniques (l'anomalie génétique est portée par un seul gène), la plupart des obésités influencées par des facteurs génétiques font intervenir plusieurs gènes de « susceptibilité » (obésités polygéniques), constituant ainsi un terrain prédisposant à la prise de poids si les conditions environnementales sont réunies pour la faire émerger.

Les facteurs environnementaux

- Les habitudes alimentaires en question : il est probable que l'évolution de l'obésité au cours des dernières décennies soit intimement liée à l'évolution de l'alimentation (nourriture plus abondante, plus sucrée, disponible à tout moment) et des comportements alimentaires :

- repas déstructuré ;

- prises alimentaires en dehors des repas (grignotage), dont l'effet coupe-faim nuit à la prise régulière des repas ;

- réduction du temps passé à la préparation des repas, entraînant la consommation de produits composés « tout prêts », souvent plus riches en glucides et en lipides ;

- perte de contrôle des parents sur les choix et l'équilibre des aliments consommés.

Le petit-déjeuner fait régulièrement les frais de cette anarchie alimentaire, de même que le goûter qui, bien équilibré sur le plan nutritionnel, constitue une collation recommandée. La manière de manger peut également intervenir dans les facteurs favorisant l'obésité. Manger trop rapidement (tachyphagie) peut, en effet, entraîner le déclenchement tardif des signes de satiété et l'absorption d'un volume alimentaire supérieur aux besoins. Cela est d'autant plus dommageable que ce travers s'accompagne généralement d'un évitement des aliments peu caloriques (fruits et légumes en particulier) au profit d'aliments riches en graisses.

- La sédentarité : parallèlement à la « malbouffe », les modes de vie ont tendance à limiter les dépenses énergétiques et entraînent un déséquilibre de la balance énergétique. L'usage courant de la voiture et les nouvelles technologies favorisent la sédentarité et limitent les dépenses énergétiques journalières. Le rôle de la sédentarité dans la genèse de l'obésité est confirmé par les études récentes, qui montrent que lorsque les apports énergétiques sont restreints, si les dépenses n'augmentent pas, la balance reste favorable aux apports et les restrictions alimentaires n'ont pas les effets escomptés.

- Le stress : parce qu'il influence l'alimentation et les comportements compulsifs, le stress peut favoriser, quoique de façon plus marginale, le surpoids ;

- Les médicaments : l'obésité peut être causée par certains médicaments, dont les plus fréquemment en cause sont les antidépresseurs, les anabolisants, les stéroïdes et les neuroleptiques.

L'obésité a donc des origines multifactorielles où la part de la génétique est probablement importante mais ne s'exprime, le plus souvent, qu'en présence de facteurs environnementaux. L'ennui, face à cette problématique, c'est qu'en l'état actuel des connaissances, « la multiplicité des gènes de susceptibilité probablement impliqués dans l'obésité ne permet pas d'envisager un dépistage précoce, ni de mettre en place une prévention ciblée sur des populations d'enfants repérés par une étude génétique précise, indique le Dr Garandeau. Il convient donc de s'en remettre à la clinique et à l'observation pour repérer le plus tôt possible les individus à risques afin de mettre en place une prise en charge dont l'objectif sera d'éviter l'obésité et son cortège de complications parfois sévères, voire mortelles.

RISQUES ET COMPLICATIONS

D'une manière générale, une personne obèse est douze fois plus exposée aux trois grands facteurs de risques vasculaires (diabète, hypertension et anomalies des graisses du sang ) qu'une personne ayant un poids normal.

On estime également qu'une stéatose (accumulation de triglycérides) est présente chez 75 % des patients obèses, que 80 % des diabètes de type 2 sont attribuables à l'obésité, que 20 à 30 % des obèses souffrent d'apnées du sommeil et qu'il existe une relation entre l'excès de poids et la survenue de certains cancers (estomac, prostate, vessie ou pancréas chez l'homme ; rein, endomètre et sein chez la femme). Statistiquement, les obèses présentent un risque accru de développer simultanément plusieurs pathologies aujourd'hui rassemblées dans un syndrome global de dysfonctionnement métabolique appelé « syndrome X » ou « syndrome métabolique ». Ce syndrome associe : hypertension (deux fois plus fréquente chez les personnes obèses), hyperglycémie, hypertriglycéridémie, hyperinsulinémie, taux de HDL cholestérol bas. Chez la femme enceinte, il est important de préciser que l'obésité augmente les risques durant la grossesse et lors de l'accouchement ; elle majore également les malformations congénitales et la morbi-mortalité périnatale. Elle peut aussi être à l'origine de règles irrégulières, voire d'absence de règles et de troubles de la fertilité. Au-delà de tous ces maux, l'obésité est également pourvoyeuse de maladies pulmonaires, gastro-intestinales, musculo-squelettiques, neurologiques, ophtalmologiques et psychiques (voir encadré ci-dessous).

Enfin, il existerait une corrélation entre obésité et démence sénile, mise en évidence en 2006 par des études du CNRS et de l'Inserm (5). Chez l'enfant, les conséquences de l'obésité sont loin d'être neutres : HTA, complications orthopédiques (pieds plats, genu valgum, épiphysiolyse (6), spondylolisthésis L5-S1 (7), troubles respiratoires (asthme plus fréquent et plus grave, apnées du sommeil, somnolence diurne excessive, énurésie, troubles hépatobiliaires (stéatose, lithiase vésiculaire) et problèmes dermatologiques (acanthosis nigricans par résistance à l'insuline, vergetures).

De nombreuses études épidémiologiques montrent que l'excès pondéral chez l'individu jeune est associé à une augmentation de la morbidité (athérosclérose, diabète, HTA, problèmes rhumatologiques) et à une surmortalité d'origine essentiellement cardio-vasculaire de 50 à 80 % chez l'adulte. L'une de ces études indique que le risque de décès chez les patients obèses après vingt-six ans de suivi augmente de 1 % par demi-kilo d'augmentation de poids entre l'âge de 30 et 42 ans, et de 2 % après l'âge de 50 ans. Une étude américaine portant sur 571 042 personnes- années de suivi(8) montre, par ailleurs, que l'obésité est associée à une augmentation significative de la mortalité cardio-vasculaire, de la mortalité due au diabète et aux maladies rénales et de la mortalité par des cancers liés à l'obésité.

Autant dire que l'obésité et ses conséquences impactent lourdement la qualité et la durée de vie des patients. C'est aujourd'hui tout l'enjeu de la prise en charge.

PRISE EN CHARGE DIFFICILE

Lorsque l'obésité est installée, la prise en charge doit tendre vers trois objectifs :

- réduire durablement l'excès de poids dans des conditions réalistes. Cela implique de modifier les habitudes alimentaires en favorisant l'équilibre plutôt que la restriction stricto sensu, et d'augmenter les dépenses énergétiques par la pratique d'une activité physique régulière et durable.

- prévenir et traiter les complications par le biais des mesures précédentes et des traitements appropriés ;

- prendre en compte le bien-être physique, psychologique et social du patient.

Médicaments : un rôle marginal

Il existe quelques médicaments pour aider les personnes obèses à maigrir, mais la place de la pharmacopée dans la prise en charge de l'obésité reste limitée, car, à eux seuls, les médicaments ne constituent pas un traitement efficace et durable. En outre, leurs effets secondaires et les complications parfois associées à leur usage imposent d'encadrer très sérieusement leur prescription.

Les médicaments prescrits pour faire maigrir concernent les personnes présentant une obésité (IMC supérieur à 30) ou un IMC supérieur à 27 associé à des facteurs de risque (hypertension artérielle, diabète, impuissance, hypercholestérolémie...). Ils ne sont ni indiqués ni adaptés pour tous ceux qui veulent perdre quelques kilos. Loin de représenter une solution miracle, ils doivent être systématiquement associés à un régime et à une activité physique. Actuellement, la pharmacopée sur prescription médicale se résume à l'orlistat (Xenical), puisque l'AMM du rimonabant (Acomplia) a été suspendue le 23 octobre 2008 et la vente de la sibutramine (Sibutral) interdite depuis le 20 janvier 2010. L'orlistat agit en bloquant l'absorption des graisses intestinales. Les graisses non digérées sont évacuées dans les selles, qui deviennent graisseuses, ce qui provoque chez un quart des patients des gaz accompagnés de suintements anaux très gênants pour eux. Uniquement disponible sur prescription dans sa version d'origine, ce médicament est actuellement en vente libre en pharmacie dans une version « light » (le principe actif est diminué de 50 %) sous le nom de pilule Alli (laboratoire GSK). Les professionnels de santé ne soutiennent pas cette initiative car ils estiment qu'une prise médicamenteuse doit impérativement s'accompagner d'une prise en charge globale de l'amaigrissement. Même si les pharmaciens sont habilités à délivrer ce médicament après avoir interrogé la personne souhaitant perdre du poids, qui peut garantir la véracité des informations transmises par le patient ? Qui assurera le suivi et la surveillance ? Qui, en cas de contre-indication(9) ou d'interaction avec d'autres médicaments(10) non prise en compte lors de la délivrance, sera responsable en cas de complications liées au traitement ? Selon les spécialistes, la balance bénéfice-risque doit encourager les pharmaciens à orienter les patients vers leur médecin avant toute délivrance de ce médicament.

Alimentation et exercice physique

Ce sont les piliers de la prise en charge. Pour tous les professionnels, médecins, nutritionnistes, diététiciens, endocrinologues, la prise en charge de l'obésité repose avant tout sur la recherche et le maintien d'une alimentation équilibrée et la pratique d'une activité physique régulière.

L'alimentation

La perte de poids est intimement liée à l'adoption d'un nouveau mode d'alimentation personnalisé et adapté au patient, en tenant compte de ses goûts alimentaires, de son rythme de vie, de ses capacités à faire de l'exercice physique et des éventuelles maladies associées au surpoids. « Il existe une multitude de régimes hypocaloriques qui font entrer les patients dans une spirale de restriction cognitive et d'interdits alimentaires qui non seulement leur pourrit la vie au quotidien mais les dévalorise encore plus à leurs propres yeux car elle est inefficace et produit l'effet "yoyo" », commente Fanny Wattiez, infirmière coordinatrice du centre poids et santé de l'hôpital Ambroise-Paré (Mons, Belgique) (voir Encadré En savoir plus). C'est la raison pour laquelle nous privilégions les régimes peu restrictifs, personnalisés et accompagnés, qui donnent de meilleurs résultats en matière d'observance à long terme et de perte de poids durable. » Moins spectaculaires, a priori, que certains régimes reposant sur la privation autopunitive, ils favorisent la rééducation alimentaire et le changement de mode de vie, facilitent la gestion des conflits psychologiques à l'origine des rechutes de boulimie, et permettent d'entreprendre une activité physique régulière qui n'est pas compatible avec un régime hypocalorique draconien.

L'exercice physique

Toutes les observations et études montrent que l'exercice associé au régime augmente la perte de masse grasse. Par exemple, 30 minutes d'exercice régulier et léger (marche rapide) doublent la perte de masse grasse par rapport à l'inactivité. De même, l'exercice physique permet de stabiliser le poids beaucoup plus facilement. La grande majorité des patients qui ne rechutent pas sont ceux qui ont été en mesure de développer un programme progressif et structuré d'activité physique régulière, indique-t-on au réseau Osean (voir Encadré En savoir plus). Et de recommander, pour maintenir la perte de poids sur le long terme, de faire, en moyenne, une heure de marche rapide par jour ou équivalent (natation par exemple). Enfin, l'activité physique est associée à une diminution du risque de développer un diabète et est corrélée à une baisse de la mortalité par maladie cardio-vasculaire. Elle permet au patient de retrouver un bien-être et l'aide à se resocialiser.

Cela dit, de la théorie à la pratique, il y a parfois un gouffre car cette stratégie repose sur de profonds bouleversements. Même pour ceux qui auront bénéficié d'un traitement chirurgical (voir Encadré ci-dessous), la discipline qu'imposent les changements d'habitudes alimentaires et l'exercice physique n'est pas à l'abri d'entorses, voire de démissions suivies d'un rebond qui peut inscrire le patient dans une logique d'échec très déstabilisante. Il est donc indispensable de mettre en place une prise en charge globale et, surtout, de l'accompagner dans le temps afin de valoriser et de soutenir les efforts, y compris dans les moments de découragement. Certaines structures se mettent en place à l'initiative d'équipes particulièrement motivées et conscientes que seul, ni le professionnel, ni le patient ne peuvent lutter contre cette pathologie chronique.

Intégrer la dimension psychologique

Les patients qui présentent des troubles du comportement alimentaire d'origine psychique les sous-estiment, voire n'en ont pas conscience. « De leur côté, explique le Pr Éric Bertin, au CHU de Reims, les soignants ont tendance à se focaliser d'emblée sur la prise en charge hygiéno-diététique car la formation à la sémiologie des troubles du comportement alimentaire est encore peu développée. Pourtant, l'on estime que la fréquence des accès compulsifs et boulimiques est présente chez plus de 50 % des sujets présentant une obésité sévère. » Dès lors, recommander des modifications alimentaires, même parfaitement appropriées, à une personne n'ayant pas la maîtrise de son comportement alimentaire est voué, à terme, à l'échec. Il est donc important de mettre en place une prise en charge psychologique préalable à toute autre en cas de troubles du comportement alimentaire.

UN ACCOMPAGNEMENT PLURIDISCIPLINAiRE

« L'obésité est une maladie aux causes et aux conséquences multifactorielles qui nécessite une prise en charge faisant appel à de nombreuses spécialités: endocrinologie, nutrition, diététique, cardiologie, pneumologie, psychologie, gastro-entérologie, kinésithérapie, sophrologie, chirurgie..., explique Fanny Wattiez. Coordonner l'ensemble de ces intervenants est souvent compliqué et dissuasif pour le patient, qui se décourage et finit par abandonner. D'où l'intérêt de proposer au sein d'une même structure une approche globale par une équipe pluridisciplinaire capable d'appréhender collégialement la prise en charge la mieux adaptée au cas par cas, grâce à un éventail complet de traitements facilement accessibles aux patients. C'est ce qui a motivé, il y a trois ans, la création de ce centre animé par une quinzaine de soignants couvrant intégralement les besoins en soins des patients. » Face à l'ampleur de ce problème de santé publique, de nombreuses équipes françaises se sont investies pour organiser des structures de prise en charge et d'accompagnement des personnes obèses (centres de consultations médicales spécialisées dans l'obésité, centres spécialisés dans l'obésité de l'enfant et de l'adolescent, centres de référence labellisés pour la prise en charge médico-chirurgicale de l'obésité morbide de l'adulte (AP-HP)). Ces structures proposent une approche globale des patients, une prise en charge pluridisciplinaire et des actions d'éducation thérapeutique en coordination avec les réseaux et les associations de patients, en vue de prévenir les complications de l'obésité.

1- ObÉpi-Roche : enquête épidémiologique, initiée par Roche, en partenariat avec la KantarHealth Sofres, qui permet de suivre l'évolution du surpoids et de l'obésité dans la population adulte française (18 ans et plus).

2- La prévalence de l'obésité infantile est passée de 3 % dans les années 1960 à 10 % dans les années 1990, et à 18,1 % en 2007. Source : INVS.

3- Les étiologies rares sont à évoquer en présence d'un surpoids associé à une cassure de la courbe de taille et à des anomalies cliniques (hypothyroïdie acquise de l'enfant), des douleurs dorsales, une HTA, une distribution facio-tronculaire de la surcharge pondérale et des vergetures pourpres (hypercoticisme), des signes oculaires et neurologiques.

4- Patrick Garandeau « Obésité infantile : que fait-on pour la prévenir et la prendre en charge ? » , Revue Expressions de mars 2009.

5- Étude Visat (Vieillissement, santé, travail), conduite par l'Unité Inserm 558 (faculté de médecine de Toulouse) et le laboratoire Travail et cognition (CNRS, université Toulouse-2, Neurology - 9/10/2006).

6- Glissement de la tête du fémur sur le col du fémur.

7- Glissement en avant de la colonne lombaire sur le sacrum du fait de la projection en avant du bassin liée au surpoids.

8- Source : « Excès de mortalité lié à une cause spécifique associé à l'insuffisance de poids », le surpoids et l'obésité 2028 Jama, 7/11/ 2007-Vol 298, No. 17.

9- Personnes âgées de moins de 18 ans, grossesse, allaitement, personnes greffées récemment.

10- Anticoagulants, contraception (risque de perte d'efficacité de la pilule), traitement antirejet, traitement contre le diabète, le cholestérol, les troubles du rythme ou contre l'hypertension artérielle (prudence requise).

Épidémiologie

Évolution de l'obésité :

1997 : 8,2 %

2003 : 11,3 %

2006 : 12,4 %

2009 : 14,5 %

Sources : ObÉpi 2009 Enquête épidémiologique nationale sur le poids et l'obésité Une enquête Inserm/TNS Healthcare (Kantarhealth)/Roche

En savoir plus

- Centre poids et santé : Centre interdisciplinaire de prise en charge du surpoids et de l'obésité, CHU Ambroise-Paré, 2, bd Kennedy, 7000 Mons. Belgique. Tel. : 065/392550. e mail : wattiezfanny@hap.be http://centrepoidsetsante.skynetblogs.be

- Réseau Osean - Obésité sévère de l'enfant et de l'adulte en Nord/Pas- de-Calais. Il regroupe des professionnels de santé, des établissements de soins, des structures associatives. Il permet d'améliorer l'accès aux soins des patients en implantant sur tout le territoire des structures pluridisciplinaires http://www.reseau-osean.com/index.php

- Répop : ces réseaux réunissent professionnels de santé, libéraux, hospitaliers, de santé scolaire et de PMI autour de la prise en charge et de la prévention de l'obésité pédiatrique dans 5 régions : Aquitaine, Franche-Comté, Grand Lyon, Ile-de-France, Toulouse-Midi-Pyrénées.

La chirurgie de l'obésité

La chirurgie de l'obésité s'adresse aux obésités sévères (IMC > 40 kg/m2 ou IMC comprise entre 35 et 39,9 kg/m2 associée à une ou plusieurs complications). L'obésité doit être stable depuis plus de 5 ans malgré une prise en charge diététique bien observée. Les contre-indications de la chirurgie sont : l'obésité d'origine endocrinienne, le grand âge, l'instabilité psychologique, le manque de motivation, la boulimie, la dépendance (alcool, drogue). En outre, le patient doit être en mesure de comprendre la technique et les conditions liées aux suites opératoires. Il existe différentes techniques : la pose d'un anneau gastrique ajustable, la gastrectomie longitudinale (résection verticale de plus des 2/3 de l'estomac), le by-pass gastrique (court-circuit d'une partie de l'intestin grêle) et la dérivation biliopancréatique. Toutes ont pour objectif de limiter, par un procédé mécanique, la quantité de nourriture absorbée, ce qui implique un changement radical de mode de vie pour le patient. Chez les patients extrêmement obèses, l'intervention peut être précédée de la pose temporaire (6 mois), par voie endoscopique et sous anesthésie générale, d'un ballon intragastrique dans le but de faciliter la technique chirurgicale par une perte de poids préalable. Cette technique, également proposée aux patients présentant une surcharge pondérale associée à des complications et pour les obésités non sévères (IMC comprise entre 28 et 40 kg/m2), consiste à mettre un ballon en place dans l'estomac. Gonflé au sérum physiologique (entre 500 et 700 ml), ce ballon donne une sensation de satiété qui permet au patient de modifier plus facilement son comportement alimentaire.

Source : http://www.has-sante.fr

En savoir plus

Renseignements : http://www.repop.fr/

- Allegro Fortissimo : Maison des associations du 14e, Paris. Tel. : 01 45 53 98 36 - Lutte contre les discriminations dont sont victimes les personnes de forte corpulence dans la société

- Epode : Coordination nationale, 75017 Paris.

Tél. : 01 42 12 28 56. http://www.epode.fr/

Le programme « Ensemble, prévenons l'obésité de l'enfant » propose une réponse concrète en mobilisant durablement l'ensemble des acteurs locaux à l'échelle de la ville.

- mangerbouger.fr

Met les recommandations du Programme national nutrition santé à la portée de tous. http://www.mangerbouger.fr/

- Obésité.com : site francophone de l'obésité à destination des personnes obèses et de leur entourage. http://www.obesite.com