hôpital Margency
Reportage
Dans le Val-d'Oise, le Centre des soins de suite et de réadaptation pédiatrique de Margency accueille des jeunes patients atteints de pathologies sévères. Au-delà des soins très techniques qui leur sont prodigués, c'est leur vie d'enfant qui est privilégiée, au quotidien.
«Ici, la qualité de la prise en charge de l'enfant prime. Nous avons le souci de donner un sens à ce que l'on fait. On se met au service de nos petits loulous hospitalisés. » Brigitte Girard, cadre de santé, sait de quoi elle parle. Cela fait trente ans qu'elle accompagne les petits patients de Margency. À une vingtaine de kilomètres de Paris, le centre thérapeutique pédiatrique accueille plus d'une centaine d'enfants, âgés de quelques semaines à 18 ans, dépendants de techniques thérapeutiques lourdes, difficiles à appliquer à domicile pour des raisons médicales, familiales ou sociales. L'objectif est de favoriser le retour au domicile en associant équipement de pointe, maintien des liens familiaux et tout ce qui fait la vie de l'enfant pendant l'hospitalisation.
Le centre est un établissement Croix- Rouge française, financé par l'État et l'assurance maladie. Les deux unités fonctionnelles, de pédiatrie spécialisée et d'onco-hématologie, se situent dans des bâtiments contigus, Archipel I et Archipel II, dans un parc de 7 hectares. Elles chapeautent, notamment, quatre pôles : cancérologie immuno-hématologie ; insuffisance respiratoire ; assistance nutritionnelle ; et suivi de jeunes patients en surcharge pondérale. Les enfants sont adressés à 85 % par les services de pédiatrie de structures hospitalières d'Ile-de-France.
La présence de la famille est indispensable à la prise en charge d'un enfant. L'établissement est totalement ouvert aux parents. Ils peuvent loger sur place au château, notamment ceux qui viennent des DOM-TOM ou de l'étranger. « Nous apprenons aux parents à changer les canules, à aspirer, à manipuler l'oxygène. On les forme en vue du retour au domicile. Ici, l'enfant doit se sentir comme chez lui, mener une vie proche de la normale : école, activités, sorties... Nous travaillons donc en lien étroit avec l'équipe éducative sur le développement cognitif de l'enfant », insiste Françoise Aubier, médecin-chef. La particularité de l'hôpital réside dans une approche à la fois pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle. « La présence des éducateurs permet le maintien d'une vie collective, explique Brigitte Dessutter, responsable de l'équipe. Pour instaurer cette idée du "vivre ensemble", il a été décidé que les parents ne dorment pas dans la chambre de leur enfant. Cela facilite le moment de la séparation. Finalement, c'est un réel bénéfice car cela éloigne l'anxiété du parent, met la surprotection à distance. L'enfant doit avoir des espaces à lui. Certains disent parfois : "on est malade, mais on vit quand même !". »
L'établissement dispose d'une pharmacie interne ainsi que d'une unité de production diététique. Puéricultrices, infirmières, aides-soignantes sont encadrées par quatre cadres de santé et une directrice des services de soins, Nadine Krahn. Des réunions, formelles et informelles, sont organisées au jour le jour. « On intervient de façon indirecte, explique Delphine Piacitelli, une des deux psychologues du centre. En passant dans les couloirs, en fonction des aléas de la maladie... À nous de comprendre quelle est la part du somatique et du psychologique dans le comportement de l'enfant. » Tout est bon pour favoriser la parole. L'accompagnement se fait un peu « à la carte ». Parfois, les traitements sont plus lourds que la maladie elle-même. « Quand un enfant a un cancer, sa vie est bouleversée. Une épée de Damoclès est suspendue au- dessus de sa tête. Lorsqu'il quitte Margency, il est transformé, et a perdu son insouciance. Ce n'est plus vraiment une vie normale de petit bout », confie Brigitte Girard. Les hospitalisations longues, sur plusieurs mois, créent des liens forts entre soignants et jeunes patients. Les temps de jeux, les repas, la prise de médicaments, chaque instant, chaque acte de la vie quotidienne a son importance.
Dans les étages, l'atmosphère est pleine de vie. Les portes sont ouvertes. Il y a des va-et-vient, des pleurs, des rires. Dans le couloir, les enfants jouent. Une petite fille s'est accrochée à la jambe d'une psychomotricienne, qui l'attrape et l'embrasse. Un kinésithérapeute enjambe un parc coincé dans l'encadrement de la porte d'une chambre.
Dès 9 heures, en semaine, c'est le temps de l'école. Une équipe de dix instituteurs et professeurs des écoles de l'Éducation nationale dispense les cours. « Ici, on est polyvalent, explique une enseignante. Un maître mot : adaptation. On ne sait jamais quel enfant va être présent ou absent. »
L'école est comme juchée sur une colline, accessible par le parc. Ce trajet extérieur a une grande signification pour les enfants. Ils quittent le bâtiment qui représente le lieu de vie, et ils se rendent en classe. Excepté pour les patients sans autorisation médicale, qui sont alors pris en charge dans leur service. « L'école est un élément clé, explique Françoise Aubier. Le matin, ici, c'est une véritable usine. On débranche les enfants lorsque c'est possible pour qu'ils puissent "monter" à l'école, avec leur cartable. C'est un moment très important. »
Ce qui fait la spécificité de cet hôpital, c'est que les jeunes patients ne sont pas couchés, mais tous debout. « On évite qu'ils restent dans leur chambre, excepté quand c'est médicalement indispensable. » Bertrand Bové est cadre de santé du service de rééducation, un service transversal qui intervient dans tout l'établissement. « On est dans le projet médical à long terme, déterminé par l'hôpital partenaire. Tout en associant les parents, on s'articule au sein d'un projet global. Objectif : que la maladie ait le moins de séquelles possible à long terme. » Chaque famille, chaque enfant a sa particularité, et chaque jour a son histoire. « Une maman algérienne est restée longtemps dans un studio mère-enfant réservé aux patients en surveillance post-greffe de moelle osseuse, se souvient une infirmière. On discutait souvent... Avant de partir, elle m'a dit : "ce qui m'a fait tenir ici, c'est ça". » Continuer d'être. D'être entendue, d'échanger. « Mais, être vrai, ça veut dire aussi qu'on donne beaucoup. » Une interaction sans faux-semblants.