L’hypothermie - L'Infirmière Magazine n° 264 du 01/10/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 264 du 01/10/2010

 

FORMATION CONTINUE

FICHE TECHNIQUE

L’hypothermie peut être un symptôme, elle s’additionne alors à une autre pathologie, mais aussi une pathologie à part entière.

RAPPELS

Définition

• L’hypothermie accidentelle est une baisse de la température centrale au dessous de 35 °C. Elle est due à l’association d’une exposition de l’organisme au froid et d’une incapacité des mécanismes de thermorégulation à maintenir la température centrale à une valeur physiologique.

• Quelle qu’en soit la cause, l’hypothermie retentit sur les différentes fonctions vitales, notamment sur le système cardio-vasculaire.

• L’homéothermie de l’être humain est la conséquence de trois données :

- la thermorégulation centrale par l’hypothalamus (centres postérieurs pour la régulation de l’hypothermie et centres antérieurs pour l’hyperthermie) ;

- la production de chaleur (système endocrinien) ;

- la gestion de la perte de chaleur liée à l’« écorce »: environnement qui induit des changements de température, notamment le milieu aquatique froid, ou au système vasculaire perfusé, la vasodilatation/vasoconstriction limitant les échanges thermiques.

• Si un ou plusieurs de ces facteurs viennent à être modifiés, l’équilibre thermique est perturbé et il y a déviation vers l’hypothermie.

Les causes

• Elles sont nombreuses : âges extrêmes de la vie ; troubles neurologiques ; désordres hormonaux ; malnutrition ; intoxications ; environnements et conditions extrêmes (haute montagne, plongée en eau froide…); diminution en qualité et/ou quantité des barrières naturelles (brûlures, atteintes cutanées).

Conséquences

• En hypothermie, les cellules subissent un stress, et le corps tend à se défendre.

• L’hypothermie est la diminution du métabolisme de base. S’en suit la diminution de la consommation d’oxygène (O2) et de la production de dioxyde de carbone (CO2); une baisse du métabolisme et du débit cérébral ; une diminution de réponse ventilatoire aux modifications de pression en CO2 et O2 (système nerveux central).

• L’augmentation de la viscosité sanguine associée à la bradypnée provoquera hypoxie et troubles de la perméabilité vasculaire.

• Les insuffisances hépatique, rénale, et l’acidose métabolique s’additionnent aux défaillances d’un patient « en état de choc ».

• Une inefficacité des thérapeuthiques sous 32°C associée aux insuffisances rénale et hépatique peut être la cause d’une toxicité médicamenteuse.

Classifications, signes cliniques et paracliniques

• Trois niveaux de température :

1 – légère, de 32,2 à 35 °C

- frissons et tremblements ;

- effet neuroprotecteur du froid jusqu’à 34 °C ;

- vasoconstriction, extrémités froides ;

- tachycardie, hyperpression artérielle, augmentation du débit cardiaque ;

- tachypnée.

2 – modérée, de 28 à 32,1 °C

- troubles de la vigilance allant jusqu’au coma ;

- myosis et abolition des réflexes photomoteurs ;

- dysarthrie, hypo, voire aréflexie ;

- abolition des frissons ;

- risque de fibrillation ventriculaire ;

- Onde J. d’Osborn sur l’électrocardiogramme ;

- collapsus cardio-vasculaire avec diminution de la pression artérielle, bradycardie avec troubles du rythme ;

- cyanoses, lividités, marbrures ;

- bradypnée ;

- encombrement respiratoire fréquent et secondaire aux inhalations possibles.

3 – sévère, < 28 °C

- coma et mydriase aréactive ;

- risque majeur de fibrillation ventriculaire ;

- perte des réflexes pharyngo-laryngés et risque d’inhalation ;

- œdème pulmonaire.

• Une phase correspondant à une température corporelle inférieure à 20 °C est décrite par certains auteurs. Elle se manifeste par un état de mort apparente, une asystolie.

CONDUITE À TENIR

Secours et bilan

• Au niveau des différents référentiels de formation des secouristes (FGSU 1+2 et/ou PSE 1+2)(1), rien n’est avancé de manière spécifique quant à la prise en charge des victimes/patients souffrant d’une hypothermie, excepté le réchauffement passif (couverture et véhicule/local chauffé) et la surveillance type « malaise ».

• Malgré tout, la prise de température doit être précoce et aspécifique, permettant de compléter le bilan secouriste. Celui-ci reprendra les items habituels en insistant sur les circonstances et particularités (ex. : intoxication, immersion…)

Une présence médicale pourra être nécessaire (après bilan, et avis auprès du médecin CRRA 15)(2).

• La soustraction du milieu « hostile ? » et le retrait des vêtements froids ou humides seront prioritaires.

• L’oxygénothérapie est débutée dès la prise en charge par les secouristes reconnaissant l’urgence vitale. Il faudra mobiliser le patient à plat strict et assurer la délicatesse de chaque action.

• La crainte d’un collapsus vasculaire guidera le choix de la température dans le véhicule.

Équipe de réanimation

• Il s’agit d’une situation d’urgence potentielle en cas d’hypothermie modérée ou avérée (en cas d’hypothermie grave).

• L’équipe effectuera une surveillance continue :

- mesure de la température centrale si disponible ;

- oxygénation fort débit si non débutée ;

- 2 voies veineuses périphériques ;

- ECG 12 dérivations permanent ;

- pression artérielle non invasive ;

- mesure continue Et CO2 ;

- glycémie capillaire dès la prise en charge ;

- préparation du matériel d’intubation orotrachéale ;

- réchauffement prudent et progressif à poursuivre ;

- accompagnement psychologique de la victime ;

- remplir la feuille de soins.

• Chaque stimulus peut être à l’origine d’une fibrillation ventriculaire.

À retenir : les complications peuvent être induites par la multiplicité des pathologies.

L’équipe multidisciplinaire de l’hôpital décidera ensuite de la méthode de réchauffement adéquate : air chauffé, couverture chauffante, immersion, injection intra–veineuse de solutés chauds, dialyse péritonéale, hémodialyse ou hémofiltration, circulation extra corporelle.

Cas de l’arrêt cardiaque

Les compressions thoraciques devront être débutées de manière prolongée jusqu’à l’arrivée d’un médecin qui décidera de la prise en charge.

Pronostic et surveillance

• Il n’existe pas d’indicateur pronostique validé en matière de guérison. L’hypothermie peut être à la fois un signe, un symptôme, voire le motif d’entrée d’un patient. Sous la barre des 32 °C, la surveillance de l’équipe d’intervention doit être permanente.

• Grâce à la connaissance des risques, la surveillance infirmière sera adaptée et orientée pour optimiser la prise en charge de la personne hypotherme. L’association de pathologie(s) supplémentaire(s) (ex : brûlures) peut conduire à une prise en charge complexe, lourde et de longue durée.

1 – PSE 1+2 Ministère de l’Intérieur CII – 4 -12 ; CII – 4– 13 ; CIi – 3 – 24 ; CI – 14 – 1 ; CI – 14 – 2 ; CII – 6 – 2 ; CII – 4 – 14.

2 – Centre de réception et de régulation des appels, centre d’appel des Samu.

CHIFFRES

Épidémiologie

→ L’hypothermie est une cause peu commune d’admission.

Entre 1970 et 1979, 4 826 décès ont été attribués à l’hypothermie aux États-Unis ; de 1979 à 1992, le chiffre s’élevait à 10 550 morts dans ce même pays, soit 750 morts par an. On comptait, en 2000, 200 à 250 décès par an en Angleterre.

ÉLÉMENTS CLÉS

• L’être humain est un organisme homéotherme (température basale à 37°2) au niveau « central » ; il peut être considéré comme poïkilotherme pour son « écorce », c’est-à-dire à « sang froid », avec une température corporelle qui varie.

• Il existe quatre types de transfert de chaleur :

→ la convection (transmission de chaleur quand le corps est mis en relation avec un fluide ;

→ la radiation (transmission de chaleur quand le corps émet des photons, donc de la lumière ;

→ l’évaporation (transmission de chaleur quand le corps est mis en relation avec un gaz ;

→ la conduction (transmission de chaleur quand le corps est mis en relation avec un solide).

→ l’échange d’énergie est maximal par convection, et explique les hypothermies fréquentes et rapides.

• Dans les pays tempérés, 1 % des décès seraient actuellement attribuables au froid.

• Le pronostic de survie tendrait à s’améliorer depuis plusieurs années.