L'infirmière Magazine n° 265 du 20/10/2010

 

SUR LE TERRAIN

RENCONTRE AVEC

Les plantes n’ont pas de secrets pour elle. Dans son cabinet du Finistère, Marie-Jo Fourès, infirmière-puéricultrice, délivre des conseils en nutrition et en phytothérapie. En complément à la médecine « conventionnelle ».

Une île de plantes dans un océan de verdure. C’est ici que Marie-Jo Fourès, 60 ans, infirmière-puéricultrice de formation, cultive son jardin. Au-delà des talus, elle distingue le clocher du bourg finistérien de Plounéour-Ménez et la crête des monts d’Arrée. À ses pieds, sauge, bergamote, violette, arnica, calendula… Des centaines d’espèces poussent sur L’Ile – c’est le nom de ce lieu-dit –, où elle a installé, près de sa résidence, un cabinet de conseillère en nutrition et phytothérapie. Depuis 2000, elle y reçoit, sur rendez-vous, des patients attirés par le bouche-à-oreille ou « adressés par l’hôpital, des médecins, des kinés »…

Surpoids, prédiabète, cholestérol, troubles de la digestion ou du sommeil, douleurs articulaires, migraine, dépressions saisonnières… La phytothérapie peut, selon elle, soulager ou régler nombre de maux. Dans le cas de l’obésité, la reine-des-prés, le sureau, le frêne ou la mélisse facilitent le drainage. « Le protocole alimentaire ou phytothérapeutique est adapté à chacun, indique Marie-Jo Fourès. En général, on associe une ou deux plantes. » À ce conseil s’ajoute une recherche des causes des maladies. Alimentation et mode de vie sont cruciaux.

« Prendre sa santé en main »

« Avec la phytothérapie, les gens prennent leur santé en main : ils utilisent la plante, la mettent dans de l’eau, font l’infusion ou la décoction. » Une « autonomie » qui contraste avec « la consommation comme des bonbons » des médicaments habituels. La soignante dénonce le recours inapproprié à des médicaments « conventionnels », et non leur usage. Elle ne s’oppose pas non plus à la médecine « officielle ». « Il m’arrive de conseiller de consulter un médecin, voire d’aller directement à l’hôpital. » Marie-Jo Fourès vante aussi ses relations avec le personnel de l’hôpital de Morlaix. De 2000 à 2010, au service de tabacologie, elle a prodigué ses conseils pour le sevrage. Et « certaines infirmières m’appellent encore pour savoir si un patient peut prendre telle ou telle plante ». Car certains végétaux peuvent contrarier l’effet d’un médicament. L’huile de romarin est, ainsi, incompatible avec certaines molécules chimiques.

« Du mal à y croire »

« Toutes les médecines ont leur valeur, leur raison d’être. On n’a pas à critiquer l’une plus que l’autre », estime l’infirmière. Cette « ouverture » à la phytothérapie, à l’homéopathie, à l’acupuncture ou encore à l’aromathérapie (les huiles essentielles), de même que son goût pour la diététique, la prévention et l’éducation sanitaire, elle les a forgés au fil de ses expériences. À Grenoble, par exemple : l’un des médecins avec lesquels elle travaillait en protection maternelle et infantile pratiquait l’homéopathie. Cette médecine « énergétique » s’appuie sur des granules issues de macérations de plantes fraîches dans de l’alcool et qui délivrent au corps un « message », comme celui de bloquer un saignement. « Formée à la médecine classique, assez cartésienne et technicienne pour avoir exercé en réanimation infantile, j’avais du mal à croire que ça marche. Par ignorance. Mais quand j’ai vu les résultats sur des enfants en consultation, j’ai vite compris. Si ça ne marche pas, c’est que le bon remède n’a pas été choisi ou qu’il y a une atteinte organique. Le médecin doit alors investiguer. »

L’homéopathie, Marie-Jo Fourès l’a également expérimentée sur elle. Et obtenu un résultat satisfaisant. Même essai, et même succès, avec l’un des élixirs floraux du docteur Bach. Ces infusions, dans de l’eau de source et au soleil, de 38 fleurs, visent à combattre autant d’émotions négatives. L’effet éventuel n’est-il pas d’ordre purement psychologique ? « Non, rétorque la soignante. Les patients, dont certains viennent ici car ils ne savent plus où aller, peuvent être étonnés de voir que cela marche. » Il ne leur est pas interdit d’essayer. Mais libre à chacun d’y croire – ou non… « La neurobiologie est trop peu connue en France », ajoute l’infirmière. Une chose est sûre : « Il importe d’expliquer l’action du médicament, ses effets secondaires. Rendre le patient acteur, lui dire qu’il est apte à comprendre. » L’écoute et la parole sont nécessaires à son engagement dans le traitement.

La plante, « usine chimique »

Autre élément primordial, le savoir-faire. Dans son cabinet, Marie-Jo Fourès a accroché un certificat de la faculté libre de médecine naturelle et d’ethnomédecine, celui de Heilpraktiker de Sarrebruck (Allemagne) et un diplôme universitaire (DU) de Paris-13. Pas par prétention, mais par volonté de faire état du travail réalisé et de son sérieux. Indispensable dans ce domaine… « La naturopathie, non reconnue en France, a très mauvaise presse. Je n’utilise jamais ce terme, très général. Dommage qu’il n’existe pas dans notre pays une école de conseillers de santé dans ce secteur, avec de la nutrition, de l’homéopathie, de l’acupuncture… La phytothérapie, elle, est amalgamée avec tout et n’importe quoi. »

Une grande part des médicaments ont pourtant une plante pour origine. Parmi les molécules de la reine-des-prés figure, ainsi, l’acide salicylique, qui peut donner l’aspirine. « La phytothérapie, elle, utilise l’ensemble des molécules de la plante, une usine chimique. »

Comment expliquer le manque de reconnaissance de ces activités, illustré également par la suppression, en 1941, du diplôme d’herboriste ? « Par le business des médicaments, avance Marie-Jo Fourès. La phytothérapie, ça ne coûte rien, ça ne rapporte rien. » Elle permettrait pourtant, à ses yeux, de soulager les finances de l’assurance maladie et de décharger les hôpitaux « de tous les petits bobos ». Aujourd’hui, la majorité des plantes médicinales sont vendues seulement en pharmacie, 148 d’entre elles pouvant l’être hors des officines (article D. 4211-11 du Code de la santé publique). Des associations militent pour en démocratiser la connaissance. À l’image de Cap santé (pour Connaissance active des plantes de santé), cofondée par Marie-Jo Fourès en 1995(1). L’association a participé à l’organisation des rencontres nationales des producteurs-cueilleurs de plantes médicinales du syndicat Simples, début octobre, à Plounéour-Ménez.

Regain d’intérêt pour la phytothérapie

Marie-Jo Fourès forme également, en module optionnel, des étudiantes de l’Ifsi de Quimper. Logique, pour elle, qui se sent « complètement » infirmière et garde de ses études paramédicales « les bases de la santé, la connaissance du corps et des pathologies, de l’anatomie, de la physiologie, la compréhension des maladies et de la santé globale d’un organisme ». La phytothérapeute fait un cours sur le système digestif, en lien avec les enseignements d’Ifsi. Le recours aux plantes permet ainsi de limiter les effets secondaires de certains traitements. Une chimiothérapie, par exemple, brûle et acidifie : un bain de bouche à partir de pousses de ronces cicatrise les plaies, resserre les tissus, désinfecte. De même, camomille ou guimauve soutiennent la flore intestinale malmenée par une antibiothérapie.

Dans son cabinet, équipé pour le broyage, le pilonnage, le chauffage ou encore la pesée, Marie-Jo Fourès montre aussi aux élèves comment extraire les principes actifs. Les étudiantes préparent, avec de l’eau, infusions et décoctions, et, avec de l’alcool, des teintures d’arnica (antidouleur et anti-inflammatoire), une pommade de calendula (calmante, restructurante) et une huile de massage au millepertuis (antidouleur, cicatrisante). Elles repartent avec leurs préparations en guise de mini-trousse de secours. « Selon les professeurs, il y a beaucoup de demandes en phyto », rapporte Marie-Jo Fourès.

Ce « regain » d’intérêt s’avère, en fait, général. À tel point qu’en France, la demande de plantes médicinales dépasse l’offre, selon la soignante. Elle-même a aidé des producteurs locaux à lancer une ligne de plantes aromatiques et médicinales biologiques. Une façon, pour cette fille et petite-fille d’agriculteurs, de tracer dans la terre un nouveau sillon.

(1) www.capsante.net ou 02 98 78 96 91.

FORMATION

Diplôme universitaire en phytothérapie de Paris-13, dumenat@smbh.univ-paris13.fr.

MOMENTS CLÉS

1972 Diplôme d’État d’infirmière à l’Ifsi Croix-Rouge de Brest.

1983 Revient en Bretagne après sa formation et son exercice comme puéricultrice à Grenoble. Entre à mi-temps à la Ddass du Finistère.

1995 Débute son activité de conseillère en phytothérapie et nutrition.

2000 Ouvre son cabinet. Un matin par semaine, conseille des patients en tabacologie à l’hôpital de Morlaix.

2010 Travaille à plein temps à son cabinet.

À LIRE

→ Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, de F. Couplan et E. Styner (éd. Delachaux et Niestlé).

→ Les plantes aromatiques et médicinales, de L. Bremmers (éd. Bordas, coll. L’œil nature).

→ Encyclopédie des plantes médicinales (éd. Larousse).

→ Le chemin des herbes. Les plantes sauvages. Connaissance, cueillette et utilisation, de T. Thévenin (éd. L. Souny).

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