L'infirmière Magazine n° 265 du 20/10/2010

 

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

Le cancer du sein s’accompagne de douleurs dont les causes peuvent être multiples. Compte tenu de la politique de prévention développée en France, les patientes doivent bénéficier de mesures d’évaluation et de traitement dès l’évocation du diagnostic, jusqu’à la phase de reconstruction mammaire, et également, dans la phase de soins palliatifs.

LES CAUSES DE DOULEUR DANS LE PARCOURS DE LA PATIENTE

La phase de diagnostic

La confirmation de cancer du sein est basée sur un certain nombre d’examens complémentaires dont certains peuvent être douloureux :

→ La mammographie : elle consiste à radiographier la glande mammaire. Pour que les clichés soient de bonne qualité, la femme est placée debout face à l’appareil, le torse plaqué contre la machine. Chaque sein est placé alternativement entre deux plaques qui aplatissent la glande mammaire radiographée. Quelle que soit la structure du sein, cet examen peut être particulièrement douloureux, pour certaines femmes, d’autant qu’elles appréhendent le diagnostic. La technicité du radiologue, son attention à l’égard de la femme sont des atouts majeurs pour que cet examen soit correctement vécu. S’il existe peu de moyens médicamenteux de prévention de la douleur dans ce contexte, l’utilisation de techniques de distraction ou d’hypno-analgésie est ici particulièrement indiquée.

→ Le prélèvement de cellules et de tissu : les techniques sont nombreuses, et même si elles sont devenues moins invasives, elles doivent retenir toute l’attention des équipes, tant les femmes expriment l’insuffisance de la prévention de la douleur, dont elles font encore trop souvent l’expérience. Si l’anesthésie locale est quasi systématique, elle n’est pas toujours suffisante, notamment lors de la macro-biopsie stéréotaxique. On améliore cet aspect de la prise en charge en utilisant le mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA) et/ou les techniques d’hypno-analgésie. À titre d’exemple, la pratique de l’hypnose est désormais utilisée en radiologie au CHU de Montpellier. Elle fait l’objet d’un projet de recherche pour en mesurer l’efficacité.

Les phases de traitement et de reconstruction

Que le traitement soit chirurgical, radiothérapeutique ou chimiothérapeutique, il induit de nombreux risques de douleurs, répertoriées en trois types :

→ Les douleurs par excès de nociception : douleurs post-opératoires (chirurgie de la tumeur et réparatrice), liées aux soins (prélèvements sanguins, pose de perfusion, pansements, ablation de redon, etc.), ou aux traitements (lésions cutanées, œsophagite en cas de radiothérapie, effets secondaires des chimiothérapies).

→ Les douleurs neuropathiques liées à la chirurgie ou à la radiothérapie.

→ Les douleurs séquellaires en lien avec une prévention insuffisante de la douleur ou des facteurs la favorisant.

Les facteurs déclenchants

La douleur est un phénomène multifactoriel, et les femmes témoignent de façons très différentes de l’expérience de la douleur au cours des traitements de cancer du sein. Ces douleurs dépendent, bien entendu, de l’étendue du cancer au moment du diagnostic, des traitements mis en œuvre, mais aussi d’une multitude de facteurs individuels qui vont influencer le ressenti de chaque femme.

En effet, outre l’existence de causes de douleurs indiscutables, des facteurs tels que l’inquiétude, l’anxiété, le stress que génère le diagnostic de cancer du sein, les doutes sur l’efficacité des traitements, la fatigue liée aux traitements, les douleurs associées au diagnostic, en particulier par défaut de prévention lors des examens de dépistage, l’atteinte de l’image corporelle et en particulier de la féminité, les modifications hormonales, les modifications sociales, familiales et, naturellement, la crainte de la mort, sont autant d’aspects auxquels les équipes soignantes, et en particulier les infirmiers, doivent être attentifs s’ils veulent être efficaces pour soulager les patientes.

LES MOYENS DE TRAITEMENT ET DE PRÉVENTION

Le traitement de la douleur, quel que soit le contexte, est multimodal, et doit associer des moyens médicamenteux et non médicamenteux. Il doit être adapté au type et à l’intensité de la douleur exprimée par la patiente.

Les moyens médicamenteux sont tous les paliers antalgiques de l’OMS, et notamment l’utilisation de morphiniques en post-opératoire immédiat si nécessaire. Les douleurs neuropathiques doivent faire l’objet d’un traitement adapté par antiépileptique ou antidépresseur aux doses adaptées dans ce contexte.

Les traitements non médicamenteux sont de trois types : physiques et physiologiques (par exemple, la neuro-stimulation transcutanée); cognitivo-comportementaux (visualisation, distraction); et psycho-corporels : hypnose, sophrologie, distraction, relaxation, activités physiques (gymnastique), massages, arthérapie (musique, pratique d’une activité artistique : danse, théâtre, écriture, etc.), méditation, etc.

Concernant la phase de reconstruction mammaire, l’aide du kinésithérapeute pour soulager et prévenir les douleurs dans les mois qui suivent les interventions est très bénéfique.

Le docteur Y. Shirl, chercheur, et directeur de l’unité multidisciplinaire de gestion de la douleur Alan Edwards du Centre universitaire de santé McGill, à Montréal, expose que « la douleur chronique suite à une chirurgie du cancer du sein est la principale cause de morbidité à long terme chez les femmes diagnostiquées d’un cancer du sein, avec une incidence qui peut dépasser les 50 %. Cette douleur pourrait résister aux traitements et durer des années, affligeant les patientes de séquelles physiques, émotionnelles et sociales ». C’est à l’occasion du 13e Congrès mondial de l’International Association for the Study of Pain, du 30 août au 2 septembre derniers, que le chercheur. s’est exprimé. De nombreuses recherches sur l’impact de ces douleurs et la mise au point de traitements préventifs sont à l’étude.

LA PLACE DE L’INFIRMIÈRE AU SEIN DE L’ÉQUIPE

L’accompagnement des femmes atteintes d’un cancer du sein est de plus en plus souvent assuré par des équipes pluridisciplinaires. Le rôle infirmier y est très important, notamment en ce qui concerne la prévention et la prise en charge de la douleur, à toutes les étapes :

→ L’information et l’éducation des patientes concernant les moyens antalgiques, le respect des prescriptions, l’importance d’éviter l’installation des douleurs.

→ L’identification des différents types de douleurs et leur évaluation avec des outils adaptés (EVA pour une mesure unidimensionnelle, mais aussi schéma de la silhouette à la recherche d’éventuelles douleurs séquellaires) ; DN4 s’il y a une douleur neuropathique.

→ L’administration des thérapeutiques antalgiques, et en particulier le respect des doses, des délais d’administration, l’évaluation de leur efficacité.

→ Le respect de la mise en œuvre des moyens de prévention de la douleur lors des soins : pansements, ablation de redon.

→ La mise en œuvre des moyens non pharmacologiques, tels que la distration, les moyens d’hypno-analgésie, les massages à distance des cicatrices, les moyens simples de relaxation (travail sur la respiration, proposition de visualisation, etc.).

Certaines de ces pratiques peuvent être aisément assurées par l’infirmier ou l’aide-soignant, d’autres impliquent des formations complémentaires. C’est, notamment, le cas de l’hypnose ou des massages. L’infirmier pourra alors faire appel à l’équipe mobile en charge de la douleur dans laquelle des professionnels, le plus souvent infirmiers, sont formés pour faire face aux situations les plus complexes et maîtrisent tant les matériels tels que les pompes à morphine que certaines pratiques exigeant une formation complémentaire (hypno-analgésie, sophrologie, relaxation…).

En conclusion, ces notions sont désormais fréquemment évoquées. Néanmoins, leur application de façon adaptée à chaque patiente au cours des différents stades de son traitement, et en fonction de ses besoins, nécessite une attention toute particulière de la part de l’infirmière.

ANTALGIQUES

Des protocoles systématiques à mettre en place

Pendant longtemps, les professionnels de santé ont considéré que les patients s’habituaient à la douleur, en particulier lorsqu’ils étaient atteints de pathologies chroniques ou nécessitant des soins de longue durée. Or, si certains d’entre eux parviennent à faire face à la répétition des douleurs, en particulier celles provoquées par les soins et les traitements, d’autres espaçaient, voire abandonnaient ces derniers car leur souffrance devenait intolérable. Pour éviter ces situations et, également, parce que ces douleurs augmentent le stress, diminuent les capacités de défense de l’organisme et donc les chances de guérison, il est essentiel de prévenir et d’éviter toutes celles qui peuvent l’être dès le diagnostic, au cours du traitement chirurgical ou médical, lors de la rééducation et de l’ensemble des soins (réfection de pansement, kinésithérapie…). S’agissant du cancer du sein, les examens diagnostiques, les traitements et les soins sont suffisament identifiés et les moyens antalgiques connus pour faire l’objet de protocoles systématiques de prévention des douleurs.

JURIDIQUE

→ Depuis plus de dix ans, les pouvoirs publics français ont développé une politique de prévention et de prise en charge de la douleur, à travers les différents plans de lutte contre la douleur.

→ Les plans de lutte contre le cancer soulignent cette nécessité à travers le développement des soins de support.

→ La prévention et la prise en charge de la douleur constituent un droit des patients (loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et de la qualité du système de santé).

Elles sont un élément incontournable de la certification des établissements de soins lors de la visite des experts (critère 12 de la V2010).