L’ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL (AVC) - L'Infirmière Magazine n° 267 du 15/11/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 267 du 15/11/2010

 

DOSSIER

L’ESSENTIEL

Un accident vasculaire cérébral (AVC) est dû à une modification de l’irrigation sanguine du cerveau, impliquant le plus souvent une artère cérébrale ou à distribution cérébrale. Il peut être ischémique (infarctus cérébral, accident ischémique transitoire) ou hémorragique (hémorragie cérébrale). Un AVC survient brutalement, et nécessite une prise en charge pluridisciplinaire urgente et spécialisée. En effet, le diagnostic doit être rapide et la mise en œuvre des traitements spécifiques commencée le plus tôt possible. Les unités neuro–vasculaires spécialisées (UNV) étant encore peu nombreuses, les équipes des services non spécialisés ont un important travail de formation à mener, afin que les chances de récupération des patients soient optimisées. Par ailleurs, une prise en charge précoce des personnes à risque s’impose ainsi qu’une démarche de prévention secondaire après la survenue de l’AVC.

L’accident vasculaire cérébral (AVC) correspond à ­l’ensemble des lésions neurologiques induites par des phénomènes pathologiques touchant les artères responsables de l’irrigation cérébrale. L’AVC ischémique est soit transitoire avec retour rapide à l’état normal, sans séquelles (c’est l’accident ischémique transitoire, AIT), ou, au contraire, le déficit peut être permanent : on parle alors d’AVC constitué. Tout AVC, même transitoire, constitue une urgence puisque la précocité du traitement conditionne la récupération ultérieure. Le degré d’urgence est le même pour un AVC constitué ou un AIT.

1. SIGNES CLINIQUES

AVC ischémique

Les manifestations cliniques de l’AVC ischémique sont variables, souvent associées, et elles dépendent du territoire artériel touché. Elles sont d’installation brutale.

→ Pour les AVC d’origine carotidienne : troubles visuels, céphalées, hémiplégie brachiofaciale, crurale ou de tout un hémicorps, troubles sensitifs unilatéraux, troubles du langage, anosognosie, troubles de l’orientation spatiale.

→ En cas d’ischémie dans le territoire vertébrobasilaire : troubles moteurs et/ou sensitifs d’un ou plusieurs membres (du même côté ou non), troubles visuels, céphalées, troubles de l’équilibre, dysarthrie, troubles de la déglutition.

→ Le locked-in syndrome témoigne également d’une ischémie vertébrobasilaire.

→ Les céphalées sont inconstantes, mais plus fréquentes au cours des AVC hémorragiques. Elles sont brutales et violentes ou d’intensité inhabituelle. Des vomissements peuvent s’y associer.

AVC hémorragique

L’AVC hémorragique peut induire la survenue d’un déficit moteur ou sensitif, de troubles de la parole, de troubles de la conscience, d’une crise comitiale, de troubles de l’équilibre… Les symptômes dépendent de l’évolutivité de l’hémorragie et de sa localisation.

2. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Les examens complémentaires ont pour but de déterminer la cause et le mécanisme de l’AVC.

Imagerie cérébrale et vasculaire

→ La distinction entre infarctus et hémorragie cérébrale ne peut être réalisée cliniquement et nécessite une neuro-imagerie. L’IRM cérébrale est l’examen de prédilection, à réaliser en urgence. Elle permet d’identifier précocement des signes d’ischémie récente, de préciser le degré d’hypoperfusion, d’établir un bilan précis des lésions et de visualiser une éventuelle hémorragie intracrânienne.

→ Si l’accès en urgence à l’IRM est impossible, il est recommandé de réaliser un scanner cérébral sans injection de produit de contraste. Cet examen est moins performant que l’IRM pour détecter des signes d’ischémie récente, mais permet de visualiser une hémorragie intracrânienne (zone hyperdense).

→ Dans le même temps, on visualise les artères intracrâniennes par ARM (angiographie par résonance magnétique cérébrale), par angioscanner ou par Doppler transcrânien.

→ L’exploration des artères cervicales à la recherche d’une sténose carotidienne ou vertébrale s’impose devant tout infarctus cérébral ou AIT.

Autres examens

Peuvent se pratiquer en complément :

– électrocardiogramme à la recherche d’un éventuel trouble du rythme cardiaque ;

– exploration biologique (hémogramme, glycémie, ionogramme sanguin, évaluation de la fonction rénale, bilan lipidique, coagulation)…

Diagnostic différentiel

Le bilan des examens permet d’éliminer les prin­cipaux diagnostics différentiels : tumeur ou abcès cérébral ; hématome sous-dural.

3. ÉTIOLOGIES

Trois causes principales

Les trois causes principales des AVC ischémiques sont l’athérosclérose des ar­tères cervicales, intracrâniennes ou de l’aorte, les embolies d’origine cardiaque et les maladies des petites artères cérébrales responsables des infarctus lacunaires. Elles représentent deux tiers de l’ensemble des accidents ischémiques cérébraux.

Autres étiologies

Dissection des artères cervicales ou intracrâniennes (adulte jeune); atteinte inflammatoire ou infectieuse de la paroi artérielle ; anomalie de la coagulation, maladie hématologique.

→ Certains infarctus cérébraux restent de cause indéterminée.

→ Pour les AVC hémorragiques, les causes diffèrent selon l’âge : hypertension artérielle, traitements anticoagulants et angiopathie amyloïde chez le sujet âgé, malformations artérioveineuses, troubles constitutionnels de la coagulation (hémophilie, drépanocytose) et consommation de drogues (héroïne, cocaïne, crack, amphétamines) chez le sujet jeune.

4. FACTEURS DE RISQUE

→ Outre l’âge, qui augmente le risque d’AVC, les ­facteurs de risque de l’infarctus cérébral et de l’AIT sont globalement superposables aux facteurs de risque cardiovasculaire : élévation de la pression artérielle (inversement, la baisse de la pression artérielle est associée à une réduction du risque vasculaire), hypercholestérolémie, diabète.

→ Le tabac est un facteur de risque indépendant d’infarctus cérébral, avec un doublement du risque chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs.

→ Autres facteurs de risque : consommation chronique d’alcool, obésité, sédentarité, facteurs de risque d’origine iatrogène (contraception estroprogestative, traitement hormonal de la ménopause).

5. ÉVOLUTION

→ La qualité de la prise en charge initiale influe considérablement sur le pronostic et l’évolution des AVC. Ainsi, le traitement de l’ischémie cérébrale par thrombolyse intraveineuse peut se solder par la régression complète des signes de déficit.

→ Après un infarctus cérébral, le risque de récidive est estimé à 10 % la première année et à plus de 30 % à 5 ans. Il existe aussi un risque de survenue d’événements cardiaques.

→ Parmi les patients atteints d’infarctus cérébral, 50 % gardent des séquelles invalidantes, 10 % dé­cèdent au cours du premier mois, 23 % la première année, et plus de 50 % à 5 ans. Les décès précoces sont en rapport avec l’œdème cérébral et l’hypertension intracrânienne. Plus tardivement, les décès sont liés aux infections, embolies pulmonaires, infarctus du myocarde, complications du décubitus. S’agissant des hématomes intracérébraux, la mortalité varie entre 26 et 45 % au cours des premiers jours.

→ Les séquelles fonctionnelles potentielles des AVC sont nombreuses : troubles de l’équilibre et de la marche, troubles de la déglutition, perturbations des fonctions cognitives avec troubles de la mémoire ou de l’attention, voire démence, troubles de la vision, du langage et de l’écriture, problèmes sphinctériens, troubles de l’humeur et dépression.

L’évolution peut aussi être marquée par d’autres compli­cations : constipation, chutes à répétition, douleurs persistantes, dénutrition et déshydratation, thromboses veineuses profondes en rapport avec l’immobilité, escarres, rétractions tendineuses et complications orthopédiques, infections, épilepsie…

Les mécanismes de constitution d’un AVC

AVC ischémique

→ L’ischémie cérébrale résulte le plus souvent de l’occlusion d’une artère cérébrale générée par une plaque d’athérome, ou de la migration d’un embole d’origine cardiaque.

→ Une hypoperfusion s’installe en aval de l’artère occluse. Différents stades de lésion des neurones existent selon le niveau d’hypoperfusion.

Une absence totale de perfusion génère un œdème cellulaire et des lésions irréversibles en quelques ­minutes : c’est l’infarctus cérébral.

Une hypoperfusion laissant persister une perfusion résiduelle se traduit par des anomalies de fonctionnement de la zone atteinte (cliniquement observables), mais sans lésion anatomique constituée. Lorsque les lésions ischémiques sont réversibles, on parle d’accident ischémique transitoire.

Si l’hypoperfusion se prolonge, les lésions ischémiques s’étendent. Une prise en charge rapide est alors primordiale pour désobstruer l’artère occluse et rétablir une perfusion ­normale. Cela permet la récupération des fonctions inhibées précédemment et la disparition des signes cliniques.

AVC hémorragique

→ Dans les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (à différencier des hémorragies méningées), une artère se rompt et un hématome se forme. Les origines sont multiples : hypertension artérielle principalement, traitements anticoagulants mal contrôlés.

Une urgence absolue

→ L’accident ischémique transitoire (AIT) correspond à un épisode neurologique déficitaire de survenue brutale causé par une ischémie focale du cerveau ou de la rétine, dont les symptômes durent typiquement moins d’une heure, sans signe d’infarctus cérébral aigu (à l’imagerie).

→ La symptomatologie est la même que celle de l’infarctus cérébral constitué. Le caractère transitoire des symptômes ne doit surtout pas être interprété comme un signe de bénignité. L’AIT précède fréquemment la constitution d’un accident définitif. C’est donc une urgence absolue.

→ Le risque de récidive ou de survenue d’un infarctus cérébral est élevé : 3 à 5 % dans les 48 premières heures, 10-20 % à 1 an, 15-30 % à 5-10 ans.

CHIFFRES

L’AVC représente en France :

→ la 1re cause de handicap acquis de l’adulte,

→ la 2e cause de démence après la maladie d’Alzheimer,

→ la 3e cause de mortalité.

1,6 à 2,4 sur 1 000 tous âges confondus : c’est l’incidence annuelle en France, soit 100 000 à 145 000 AVC par an.

71,4 ans chez l’homme, 76,5 ans chez la femme : c’est l’âge moyen de survenue de l’AVC.

25 % des AVC surviennent chez les moins de 65 ans,

15 % chez les moins de 50 ans.

20 % des AVC sont hémorragiques.

80 % des AVC sont ischémiques.