L'infirmière Magazine n° 268 du 01/12/2010

 

SUR LE TERRAIN

RENCONTRE AVEC

AURÉLIE VION  

Artiste-peintre ou infirmière ? Après quelques hésitations dans son orientation professionnelle, Marie-Hélène Froitier est parvenue à concilier ses deux vocations : au CHU de Nancy, elle est à la fois infirmière en stérilisation et peintre pour différents projets à l’hôpital d’enfants.

Elle n’est pas devenue infirmière par vocation. Son rêve de petite fille, c’était d’être styliste. Adolescente, Marie-Hélène Froitier noircit ses cahiers scolaires de silhouettes féminines et se passionne pour René Gruau, cet affichiste connu pour ses illustrations du Moulin-Rouge ou du Lido… C’est donc tout naturellement qu’à 18 ans, elle quitte ses Vosges natales pour « monter à Paris » suivre les cours de l’École nationale supérieure des arts appliqués Duperré. Mais, rapidement, la jeune femme change de cap : « Je me suis rendu compte que j’avais envie de faire un métier qui permette de venir en aide aux autres. »

Stage d’infirmière au Louvre

Retour en Lorraine pour intégrer l’Ifsi de Nancy-Lionnois, où elle décroche son diplôme d’État d’infirmière en 1996. Mais cette bifurcation professionnelle ne lui fait pas abandonner sa passion pour le dessin. Bien au contraire. Marie-Hélène expose ses premières créations alors qu’elle est encore étudiante. En troisième année, elle ef­fectue son stage optionnel à l’infirmerie du musée du Louvre. « Une vraie chance ! », se souvient, sourire aux lèvres, la jeune femme. « Je profitais de mes pauses-déjeuner pour aller contempler les œuvres… » Chutes, entorses, malaises en tout genre du public mais aussi du personnel sont au programme des trois semaines de stage dans cette infirmerie pas comme les autres, située en dessous de la fameuse pyramide. « J’ai découvert des endroits fabuleux auxquels n’a pas accès le public, dans les sous-sols du musée, les ateliers de dorure notamment, où j’intervenais auprès du personnel. » Bref, un stage rêvé pour cette passionnée d’art.

Voilà pour son parcours d’infirmière. Durant toutes ces années, Marie-Hélène n’a jamais cessé de s’exprimer avec ses pinceaux. Médiathèques, MJC, restaurants… Elle expose ses toiles très colorées dans la région, au gré des occasions qui se présentent. Signe même, en 2004, l’illustration d’une pochette d’album de musique (Le Journal du dormeur, de Julien Ash). Cet automne, ses Amoureuses ont pris place deux mois durant dans les salons du Grand Hôtel de la Reine, un établissement prestigieux situé sur la place Stanislas à Nancy. Des toiles aux couleurs chatoyantes qui mettent la femme en valeur. Des petites pointes de dorure donnent à ses tableaux une belle chaleur, qui caractérise son style. « L’exposition “Les Amoureuses” est dans la continuité de ce que j’ai toujours aimé faire depuis très longtemps. Dessiner, peindre des silhouettes féminines sur le thème de la mode », confie Marie-Hélène, qui travaille aussi bien l’huile que l’acrylique.

Des fresques ludiques

Les deux facettes de Marie-Hélène Froitier se sont trouvées réunies voilà seulement trois ans. Au CHU de Nancy, on lui propose de réaliser quatre tableaux d’un mètre carré chacun. Fixés au plafond de la salle d’attente précédant l’entrée dans le bloc opératoire, sirènes, girafes et bonhommes de l’espace très colorés sont là pour apaiser et distraire les enfants allongés dans leurs petits lits avant l’opération. Ce premier projet, financé par l’opération Pièces jaunes, a fait connaître les talents de Marie-Hélène au sein de l’hôpital d’enfants. Émilie Pagot, cadre de santé, la contacte pour égayer tout un étage : un service en ambulatoire et deux secteurs spécialisés en chirurgie digestive et viscérale. Soit un total de 26 fresques représentant pas moins de 39 mètres carrés ! Là aussi, l’initiative reçoit le soutien financier des Pièces jaunes mais aussi celui de l’association Les Blouses roses. L’équipe soignante, associée au projet, choisit trois thématiques pour réorganiser la signalétique entre les trois secteurs de l’étage. Ce sera « le monde des petites bêtes » pour l’ambulatoire, le monde aquatique pour le secteur II, et l’Afrique pour le secteur III. Marie-Hélène est également chargée de réaliser des peintures pour les plafonds des salles de consultation de chirurgie. « Nous effectuons des soins qui peuvent être très longs et douloureux. Un pansement Ilizarov, par exemple, dure 45 minutes. Pour les enfants, c’est angoissant », explique Valérie Ratajczak, cadre de santé. « Les infirmières utilisent déjà de la musique douce ou encore la télévision, mais ce n’est pas toujours facile de trouver un terrain de discussion pour nouer un lien avec l’enfant. Les dessins de Marie-Hélène apporteront ce support relationnel et seront une source de distraction pour les enfants. »

L’infirmière-peintre privilégie des univers où se cachent une multitude de petits personnages. « Il y a un côté très ludique. Les enfants, qui peuvent être hospitalisés ici pendant trois semaines, s’amusent à compter les poissons et toutes les autres petites bêtes qui sont dessinées, c’est un vrai passe-temps », témoigne la cadre de santé. Le travail artistique de Marie-Hélène plaît : un autre service de l’hôpital d’enfants l’a récemment sollicitée pour réaliser des dessins au plafond des salles de consultation pédiatrique. Une consécration pour elle, qui travaille désormais à 60 % en tant qu’infirmière dans son service de stérilisation. Cet aménagement de son temps de travail lui permet de venir deux à trois fois par semaine à l’hôpital pour avancer sur ses fresques. Elle y a déjà consacré plus de 300 heures…

Formation en art-thérapie

Et la jeune femme ne manque pas de projets. Cette année, elle s’est engagée dans une formation pour dé­crocher un diplôme universitaire d’art-thérapeute. Financée par l’ANFH(1), cette formation se déroule à l’université de Tours, sous forme de douze sessions d’une semaine sur deux ans. « C’est passionnant, mon dernier cours portait sur l’art et la médecine, je me régale », glisse Marie-Hélène. Elle se souvient n’avoir « jamais entendu parler d’art-thérapie » au début de sa carrière, mais y voit désormais une discipline faite pour elle. Et décrit, en l’art, quantité de vertus : évasion, apaisement, émotion, plaisir… La pratique ­artistique permet aussi de faire travailler le corps, ­d’exercer la motricité fine.

Marie-Hélène déborde d’idées, de projets en la matière. Son rêve ? Réaliser une fresque gigantesque pour un hall d’accueil. Mais, également, intervenir auprès des enfants. « Le processus artistique crée une relation de confiance qui peut permettre à l’enfant d’exprimer sa souffrance dans un autre langage, non verbal, assure-t-elle. Bien sûr, tout le monde n’y est pas sensible, mais je suis persuadée qu’avec l’art, on se fait du bien, que la recherche esthétique donne du plaisir. Du plaisir à faire, à créer. Pour certains, cela peut redonner du goût et du sens à la vie. » Introduire davantage l’art à l’hôpital constitue son idéal. Les bénéficiaires, souligne la jeune femme, ce sont, naturellement, les patients, mais aussi les soignants.

1 – Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier.

MOMENTS CLÉS

1972 École supérieure des arts appliqués Duperré, à Paris.

1983 Diplôme d’infirmière à l’Ifsi Lionnois de Nancy.

1995 Infographiste en freelance pour des supports de communication en lien avec l’univers médical.

2005 Entre au CHU de Nancy.

2007 Réalise des fresques pour le bloc opératoire de l’hôpital d’enfants du CHU dans le cadre d’un projet Pièces jaunes.

2009 Deuxième projet Pièces jaunes pour le service de chirurgie viscérale et digestive du professeur Schmitt (en cours).

CONTACT

→ crea.medica @yahoo.fr ou 06 83 51 69 69.

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