L'infirmière Magazine n° 268 du 01/12/2010

 

RÉMUNÉRATIONS

DOSSIER

M. H.  

Les salaires les plus élevés sont ceux du public, excepté en début de carrière. Pour les retraites, l’avantage du public s’effrite.

En début de carrière, le salaire mensuel net d’une infirmière du privé non lucratif occupe la première marche du podium, devant le public et le privé lucratif…, quand celui-ci s’approche du minimum conventionnel (les écarts entre salaires étant plus forts dans le privé lucratif que dans le public). Par la suite, la rémunération du public croît le plus régulièrement. Après plusieurs années, elle dépasse celle du privé. En moyenne, le salaire est finalement plus élevé dans le public, devant le privé non lucratif, puis le lucratif.

Témoignages et statistiques concordent. Les professions intermédiaires soignantes et sociales, parmi lesquelles les infirmières, perçoivent, à temps complet, un salaire moyen plus élevé dans le public (2 250 euros) que dans le privé non lucratif (2 108 euros) et le lucratif (2 050 euros)(1). Mais les écarts peuvent ressembler à des ruisseaux plus qu’à des océans. « Il n’y a pas de différence de rémunération moyenne entre secteurs privé et public pour ce qui concerne les infirmiers en soins généraux », avance même la Drees à partir de données plus anciennes(2). « La différence de rémunération entre public et privé se fait surtout ressentir en milieu de carrière », et entre IDE spécialisées, mieux rémunérées, en moyenne, dans le public.

Grilles de rémunération du public

En général, les grilles du public font office de balise, que Fehap et FHP ne peuvent totalement ignorer. Localement, le privé lucratif s’adapte. Une clinique implantée dans un territoire doté d’autres établissements ou particulièrement démuni en personnels proposera des salaires supérieurs à ceux d’une clinique isolée, voire à ceux d’un hôpital public pour des spécialités. Dans le privé, surtout le lucratif, il est, par ailleurs, plus aisé de négocier son salaire à l’embauche. Mais, même lorsqu’elles la connaissent, les infirmières ne saisissent pas toujours cette opportunité. Peut-être parce qu’elles sont formées dans une culture essentiellement publique, où le salaire est plus encadré. Ce qui aurait d’ailleurs un inconvénient, à en croire Patrick Lambert, de la Fédération hospitalière de France : « Les directions du public ont assez peu de marge de manœuvre pour reconnaître les mérites des très bons éléments. » Les salaires devraient d’ailleurs s’individualiser dans le public, au grand dam de syndicalistes, inquiets des critères retenus ou encore des effets sur la qualité des soins et l’esprit d’équipe.

Revendication commune

Les primes contribuent fortement à faire des salaires infirmiers un « dédale »(3). Ainsi, la prime Veil – somme mensuelle de 90 euros – est versée sous forme de prime dans le public, intégrée au traitement de base dans le privé non lucratif, selon Marie-Hélène Durieux (Sud). Dans le public, en Ile-de-France ou dans la région lilloise, une prime d’installation est versée. À la Fehap, une prime « décentralisée » (correspondant à 5 % de la masse salariale brute annuelle, dégressive selon les absences), entre autres, s’ajoute au salaire conventionnel de base. Le privé lucratif a, lui, pour spécificité les primes d’intéressement (qui s’élèveraient, au gré des résultats, du néant à un 14e mois), ainsi qu’une rémunération annuelle minimale garantie. Les avantages non salariaux peuvent aussi diverger d’un établissement à l’autre, telles la gratuité du parking, la mise à disposition d’un logement, une crèche… Ce type de levier d’attraction est plutôt l’apanage du public. En revanche, le comité d’entreprise peut s’avérer, pour les loisirs, plus avantageux dans le privé que le comité de gestion des œuvres sociales (CGOS) des hôpitaux publics ou que l’Agospap de l’AP-HP. Mais, au CGOS, on souligne que certaines offres dépendent des délégations régionales. Et on cite les aides remboursables à 0 %, « peu courantes dans les CE ». Dans le privé, des cliniques paient, semble-t-il, la cotisation à l’Ordre. Et, à la Fehap, on évoque des points « plus favorables que la loi » pour les congés pour événements familiaux. Autre point important pour le porte-monnaie : il est quasi impossible de cumuler sa mission de fonctionnaire avec un second emploi ; dans le privé, une infirmière peut, en général, plus aisément œuvrer dans un autre établissement.

En dépit de toutes ces différences, toutes les salariées partagent un point commun : la demande de revalorisation. Dans le public, les syndicats déplorent une faible évolution salariale, même si elle a l’avantage d’être lisible sur le long terme. En octobre, des centaines de salariés ont protesté contre la refonte de la convention de la Fehap, dénonçant, entre autres, la proposition d’étaler l’ancienneté jusqu’à 24 % sur quarante ans (au lieu de 1 % par an et plafonnée à 30 % sur trente ans). Des syndicalistes redoutent que, en cas de modification de tout le système, la Fehap n’ait plus la même attractivité salariale. « Notre convention, proche de celle de la fonction publique hospitalière, était auparavant intéressante », regrette Élisabeth Douaisi (Sud). Et de déplorer : « À vingt-deux ou vingt-trois ans d’ancienneté, nous touchons 350 euros net de moins. » Des salariés se mettent aussi en grève dans le privé lucratif. Dans onze cliniques de Montpellier, en juin, ils ont revendiqué une même augmentation de 10 % de la valeur du point, obtenant 2 % en moyenne. « Les négociations n’ont pas été menées au niveau des établissements, mais, pour la première fois, avec leurs groupes respectifs », salue Sylvie Brunol (CGT).

Convergence sur les retraites

Sur un autre point, public et privé sont de plus en plus similaires : la retraite. Cette harmonisation, d’un point de vue social, se fait par le bas. Jusqu’ici, les infirmières du public pouvaient partir à la retraite à 55 ans, contre 60 ans dans le privé. Celles qui ont la volonté ou l’obligation d’être en catégorie A pourront partir à 60 voire 62 ans, soit le nouvel âge de départ à la retraite dans le privé. Les fonctionnaires restant en catégorie B pourront partir à 57 ans mais leurs salaires grimperont moins vite. De même, l’âge limite de départ (sans décote) passe, dans le public, de 60 à 62 ans (pour la catégorie B), voire 65 ou 67 ans (pour la catégorie A), soit l’âge du privé, désormais fixé à 67 ans. Deux autres avantages des infirmières du public s’éteignent : le droit des parents de trois enfants à se retirer de la vie active après quinze ans de service et, en catégorie A, l’atténuation de décote à raison d’un an pour dix ans cotisés.

1- Rapport annuel de la fonction publique, 2009-2010.

2- Études sur les cinq et sept premières années d’exercice infirmier, citées dans le premier article de ce dossier.

3- « Le dédale des salaires », L’infirmière magazine, juin 2005.