En grève depuis des semaines, une grande partie des soignants de l’hôpital Tenon, à Paris, dénoncent le manque d’infirmières et une mauvaise organisation du travail.
Comment en est-on arrivé là ? Le personnel soignant de l’hôpital Tenon (AP-HP) est en grève depuis le 27 septembre. Cela faisait déjà un an qu’il interpellait la direction de l’AP-HP sur le manque chronique de personnel et les conditions de travail dégradées. Une soixantaine de postes d’infirmière sur 600 sont vacants. « Nous effectuons, en ce moment
Pour renforcer les effectifs, la direction de l’AP-HP recourt massivement à l’intérim. Une solution imparfaite, qui lui coûte 3 millions d’euros par an, alors qu’elle a engagé un grand plan d’économies. Il faut du temps à ces remplaçantes pour intégrer le fonctionnement du service. Les infirmières, qui doivent fréquemment changer de salle, n’ont donc pas toujours la possibilité d’assurer un bon suivi de leurs patients. Résultat : une extrême fatigue et un moral au plus bas. « Certaines doivent prendre des médicaments pour pouvoir travailler », confie-t-on en interne.
La situation s’est à tel point dégradée que les infirmières en sont venues à exercer leur droit de retrait (lire l’encadré). D’abord au service de dialyse, le 21 octobre. Puis, aux urgences, où les cinq infirmières de l’après-midi – assignées depuis le début de la grève – ont cessé collectivement le travail le 5 novembre. Les patients pris en charge par le Samu ont dû être redirigés vers les hôpitaux Saint-Louis (AP-HP) et Saint-Antoine (AP-HP): une première dans ce service, et une façon, pour les infirmières, de faire comprendre à la direction que, cette fois, elles n’en peuvent plus. Celle-ci reconnaît qu’aux urgences, effectivement, il manque six infirmières sur trente-sept. Oui, mais voilà : le recrutement à Tenon a tout l’air d’une mission impossible.
La direction de l’AP-HP s’est engagée, après négociations, à recruter 49 infirmières et 24 aides-soignantes d’ici à mars 2011. Elle affirme avoir eu « dix contacts lors du Salon infirmier ». Solution imparfaite, car de nombreuses infirmières prévoient déjà de quitter Tenon. Parmi elles, dix exercent aux urgences. « Les infirmières ne restent pas plus d’un an ou deux, explique une professionnelle du service. Le pire, c’est qu’elles partent parfois pour d’autres urgences parisiennes. Le problème a bien trait à cet hôpital. » Tenon a mauvaise réputation : vétusté des locaux et du matériel, mauvaise ambiance… La direction de l’AP-HP a donc commandé une étude de l’organisation de l’hôpital, pilotée par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Elle promet, ensuite, « un plan d’action pragmatique élaboré avec les équipes ». Mais « ce n’est pas cette enquête qui pourra résoudre les problèmes, car il faut vraiment des réponses de crise », se désole déjà Isabelle Borne, de Sud Santé.
1- À l’heure où nous écrivions, fin novembre.
Retrouvez les derniers développements sur notre site Internet.
S’appliquant aux salariés confrontés à un « danger grave et imminent » pour leur vie ou leur santé, le droit de retrait leur permet, sous certaines conditions, d’arrêter le travail et, si nécessaire, de quitter les lieux pour se mettre en sécurité. Les cinq IDE de Tenon ayant exercé ce droit le 5 novembre ont été convoquées par la DRH, qui a estimé qu’il s’agissait d’un « usage abusif ». Après avoir plaidé la sécurité dans la prise en charge des patients, elles n’ont finalement pas été sanctionnées. Référence : article L. 4131-1 du Code du travail pour les salariés et article 5-6 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 pour les fonctionnaires.