PEUR SUR LA VILLE - L'Infirmière Magazine n° 269 du 15/12/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 269 du 15/12/2010

 

SIDA

ACTUALITÉ

Les patients séropositifs se plaignent d’une dégradation de la qualité des soins à l’hôpital, mais la perspective d’être soignés en ville ne les rassure pas.

Des patients plus nombreux, qui vivent plus longtemps… Si la banalisation de la politique de dépistage prévue par le plan VIH/sida 2010-2014 porte ses fruits, ce sont près de 50 000 personnes qui, découvrant leur séropositivité, entreront ces prochaines années dans le système de soins, où ils resteront d’autant plus longtemps que l’espérance de vie des patients s’allonge. « Source d’inspiration pour la politique régionale de santé », selon Claude Évin, président de l’ARS d’Ile-de-France (1), les états généraux du VIH ont permis de faire le point sur l’évolution de la prise en charge des personnes séropositives et d’entendre les inquiétudes des patients. « Il convient de s’organiser face à l’augmentation des files actives prévisibles », prévient François Bourdillon, vice-président du Conseil national du sida. Parmi les pistes : confier aux médecins traitants la surveillance, le renouvellement des antirétroviraux et le dépistage ; et charger les hospitaliers des activités de bilan annuel et de recours pour les complications et les échecs thérapeutiques.

Longue attente

Les patients, eux, appréhendent cette réforme : « Ils constatent une dégradation des soins à l’hôpital, mais ne pensent pas que la prise en charge en ville soit souhaitable », note Xavier Rey-Coquais, membre de l’Union nationale des associations de lutte contre le sida (Unals), à l’issue d’un atelier où se sont exprimés des patients séropositifs (lire l’encadré). Ces derniers se sont, ainsi, plaints du temps d’attente, de défaillances dans le transfert du dossier médical, d’une absence d’écoute de la part des soignants sur les effets secondaires occasionnés par les traitements, de tensions et du stress au sein des services en raison des restructurations… Mais le suivi en ville pourrait être encore plus complexe : « Aujourd’hui, il existe des hôpitaux de jour où un circuit est organisé pour programmer une batterie d’examens. Si on était exclusivement soignés en ville, ce serait à nous d’organiser cette coordination, ce qui est complexe et prend un temps considérable », avance Xavier Rey-Coquais, synthétisant les témoignages.

Discriminations

Les médecins généralistes ne sont pas assez formés, ajoutent certains patients qui, à propos du suivi en ville, demandent la mise en place d’un dispositif de dossier partagé entre les professionnels concernés. D’autres redoutent les discriminations obstruant l’accès aux soins en raison de la « sérophobie, l’homophobie et la transphobie » en milieu médical : « De nombreuses expériences de refus de soins liées à la séropositivité ont été rapportées chez les dentistes et les gynécologues, à travers le report de rendez-vous », relève Élisabeth Dianzeka, militante associative. Malika Amaouche, du collectif Droits et prostitution, regrette, de son côté, que des prostituées se voient déjà refuser l’accès à des cabinets médicaux.

1- L’Agence régionale de santé d’Ile-de-France a organisé des états généraux du VIH les 26 et 27 novembre, notamment en raison des restructurations hospitalières touchant les services concernés.

PATIENTS

« Trop de turn-over »

Lors des ateliers thématiques organisés dans le cadre des états généraux du VIH, certains patients ont critiqué un hôpital qui « ne sait plus accueillir des patients » : « Les infirmières, à cause de la pénibilité, se tournent vers l’intérim et changent souvent de service », critique un participant. Or, souligne un autre, « lorsque l’interlocuteur change, il y a des questions qu’on n’ose pas forcément poser… » Certains dressent un constat encore plus sévère : « Dans les écoles de médecine, dans les Ifsi et les écoles de kinés, on ne sensibilise pas les étudiants à l’humain, à travailler face à la maladie ni à respecter la confidentialité. »