UNE OUVERTURE AU HANDICAP - L'Infirmière Magazine n° 269 du 15/12/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 269 du 15/12/2010

 

FORMATION

ACTUALITÉ

COLLOQUES

Près de Montpellier, un Ifsi spécialisé prépare des travailleurs handicapés au diplôme d’État. Une équipe pédagogique de l’établissement est intervenue au Salon infirmier.

Certains clichés ont la vie dure. Étudiants et formateurs de l’Ifsi du Centre de rééducation et d’insertion professionnelle (Crip) de Castelnau-le-Lez, dans l’Hérault, en savent quelque chose. « “On va encore recevoir un fou du Crip”, disaient mes collègues lorsque j’exerçais en CHU », se souvient Yannick Ledreux, enseignant dans cet institut, le seul de France réservé aux personnes reconnues comme travailleurs handicapés. « On a l’impression que l’image qu’ont les soignants du handicap est encore plus dure que celle de la société », résume-t-il. La source de l’invalidité partielle étant le plus souvent invisible, tout se passe comme s’il ne pouvait s’agir que d’une pathologie psychique. « Quand on ouvre un nouveau lieu de stage, on nous demande toujours : “quel handicap ?”, poursuit Yannick Ledreux. Il faut généralement des années pour que nos étudiants soient bien acceptés dans les services. » Bien qu’ils suivent le même cursus, passent le même concours et les mêmes examens que dans les autres Ifsi et affichent à la sortie un taux d’employabilité de 100 %. Tout juste bénéficient-ils d’effectifs plus restreints et d’une rémunération pendant leurs études.

État stabilisé

Les étudiants du Crip présentent différents types de handicap, même si le directeur de l’Ifsi, Patrice Thuaud, précise que son équipe « ne cherche pas à connaître ce qui motive leur reconnaissance comme travailleur handicapé ». Tous sont dans un état de santé stabilisé. Ils peuvent avoir subi un traumatisme crânien, un cancer, ou un accident du travail qui les empêche de conserver leur profession. À l’image de ce boulanger devenu allergique à la farine…

Lire les prescriptions

Certains présentent une déficience auditive, mais sont appareillés, « car il faut pouvoir conserver 85 % d’audition pour exercer aussi en soins intensifs », souligne Patrice Thuaud. Des élèves sourds sont néanmoins inscrits dans le cursus d’aide-soignant du Crip (1). Une déficience visuelle, telle qu’une vision monoculaire, n’empêche pas d’intégrer l’institut ni d’acquérir le diplôme d’État, « l’essentiel restant de pouvoir lire les prescriptions ». Un handicap moteur tel qu’une lombalgie ou une claudication n’est pas non plus rédhibitoire. « Aucun de nos étudiants ne présente de maladie mentale, résume encore le directeur. Alors que dans nombre d’Ifsi, ils souffrent d’anorexie ou de dépression… » Dans quelques années, il n’est pas exclu que des aménagements au référentiel de formation permettent d’intégrer des étudiants en fauteuil roulant ou présentant des altérations profondes de la motricité. « La pénurie en médecine du travail ou en entreprise, où l’activité est centrée sur l’entretien, fera peut-être évoluer les choses », espère Patrice Thuaud.

1- Outre celles d’aide-soignant et d’IDE, le Crip propose des formations en optique, bâtiment, fabrication électronique, bureau d’études en électricité, électronique et systèmes automatisés, tertiaire et services informatiques et multimédia.

À LIRE

« Un Ifsi à la hauteur du handicap », reportage paru en mars 2010 dans Campus n° 15 (réservé à nos abonnés étudiants).

TÉMOIGNAGE

« Si vous voulez tuer quelqu’un, ce ne sera pas ici »

JULIE

ÉTUDIANTE À L’IFSI DE CASTELNAU-LE-LEZ

Alors qu’elle est inscrite en licence de sciences de la vie et de la santé à l’université, Julie, aujourd’hui âgée de 22 ans, découvre qu’elle est atteinte d’une maladie qui affecte, notamment, sa latéralité. « À ce moment-là, je ne pouvais plus suivre les cours car il m’a fallu tout réapprendre à faire de la main gauche. J’ai arrêté un moment et puis j’ai repensé à mon projet professionnel. Avoir été de l’autre côté de la barrière m’avait donné envie d’être au contact des patients. Avec ma reconnaissance de travailleur handicapé, j’ai donc tenté plusieurs concours en Ifsi, dont celui de Castelnau. Lorsque j’ai demandé à bénéficier d’un tiers-temps supplémentaire pour passer le concours dans un établissement ordinaire, ce qui est légal, la directrice m’a répondu : “Si vous voulez tuer quelqu’un, ce ne sera pas ici”. Pour elle, c’était inadmissible que je présente ma candidature. Mes résultats m’ont pourtant permis d’accéder aux deux écoles. J’ai choisi Castelnau. »

S. M.