L'infirmière Magazine n° 270 du 01/01/2011

 

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Que les personnes dépendantes puissent continuer à savourer un pot-au-feu ou une tarte malgré des problèmes de déglutition ou de mastication : un cuisinier relève le défi.

Pascal Lambré(1) est cuisinier. Après avoir longtemps travaillé chez des traiteurs et dans des restaurants, ce Lorrain a passé quinze ans devant les fourneaux d’une maison de retraite, où il devait parfois servir des plats mixés pour les personnes ayant des difficultés avec les aliments solides. « Ce n’était jamais beau, et souvent sans saveur ni réelles qualités nutritives, admet-il aujourd’hui. En tant que cuisinier, j’étais vraiment capable de faire autre chose que ces bouillies infâmes ! »

Contre la dénutrition

De cette réflexion est née l’envie de mettre en œuvre son concept de « cuisine traditionnelle modifiée ». Dans l’établissement où il travaillait, Pascal s’est mis à transformer tous les plats qu’il cuisinait. « Avec plus ou moins de réussite !, avoue-t-il. J’ai commencé par une quiche lorraine qui s’est transformée en flan lorrain ! » Il lui a fallu plusieurs années avant d’arriver à un résultat convenable. Fort de ses premiers travaux pratiques, il a rencontré des diététiciens et des nutritionnistes s’intéressant de près à l’expérience. « Je pense que les recettes que je confectionne en tant que cuisinier dans ce genre d’établissement font aussi, en quelque sorte, partie du soin. Se voir servir des plats bien présentés, goûteux et colorés, même mixés, apporte du plaisir à ces personnes diminuées, qui ont déjà dû faire le deuil de tant de choses », plaide-t-il. Pour le personnel soignant, c’est aussi le meilleur moyen pour combattre la dénutrition.

En 2006, Pascal Lambré a monté sa petite entreprise. Devenu formateur, il promène sa camionnette et son savoir-faire à travers la France. Au cours de ses interventions, il expose la diététique et les apports nutritionnels de chaque produit, disserte sur les techniques de transformation, la texture du mets mixé, les matières premières ou encore le matériel. Avec, en filigrane, le plaisir de transformer ce qui a été cuisiné : « Dans un établissement, c’est important que tout le monde se voie servir un même menu, modifié ou pas. Que chaque assiette se ressemble en présentation, en couleurs et en saveurs ! »

Pascal Lambré est repassé, en octobre, dans un établissement pour personnes lourdement handicapées à Saint-Georges-sur-Loire, où il avait déjà délivré une première formation. Il se proposait d’évaluer l’expérimentation d’« un repas complet servi aux résidents » après application de ses recettes de transformation. Avec la collaboration de la diététicienne Béatrice Besnard, les cuisiniers de l’établissement avaient préparé un menu dont les plats devaient être modifiés. « Pour beaucoup, ne plus pouvoir profiter de la nourriture ou bien être obligé de manger mixé est mal vécu », notait Mme Besnard. Mais quelques conseils de Pascal Lambré ont suffi à transformer la salade en mousse onctueuse surmontée d’une crème de camembert servies en verrine. Quant au bœuf bourguignon, réduit en terrine, il a gardé tous ses arômes et son goût.

Parfois des réticences

À l’heure du repas, les patients, prévenus par la diététicienne, se sont retrouvés pour ce déjeuner expérimental. Certains, réticents, ont préféré renoncer. Était-ce la peur du changement, ou le manque de motivation pour ce qu’ils voyaient encore comme de la nourriture mixée ? La plupart, en tout cas, ont pris plaisir à la dégustation. Pascal Lambré, lui, a d’autres projets en tête. « J’essaie d’innover tout le temps, dit-il, à partir des produits que je découvre en voyageant en France et que je suis tenté de transformer » !

1- Le cuisinier a son site Internet : www.pascal-lambre.fr.