L'infirmière Magazine n° 270 du 01/01/2011

 

SANTÉ MENTALE

DOSSIER

Si les pathologies restent stables, les épisodes dépressifs touchent un public plus jeune.

Les maladies mentales, telles qu’elles sont définies par l’OMS, touchent 10 % de la population française. Contrairement à une impression générale, il n’y a pas d’accroissement de ces pathologies. Viviane Kovess-Masféty, épidémiologiste en psychiatrie et responsable du département d’épidémiologie clinique de l’EHESP (École des hautes études en santé publique), explique : « Les maladies mentales bougent remarquablement peu. Nous avons réalisé une enquête de population en 1991 en Ile-de-France. Nous l’avons réitérée en 2005, avec la même population et les mêmes instruments. Nous avons constaté que la maladie dépressive n’a pas bougé. De même, la schizophrénie et l’autisme sont stables. Quant aux chiffres du suicide, ils ont baissé. » La schizophrénie touche 1 % de la population, les troubles de l’anxiété généralisée, 2 %. L’état dépressif caractérisé, de forte intensité, concerne 3 % de la population. Les comportements addictifs, malgré l’émergence de nouvelles addictions (comme celle aux jeux en ligne), sont très largement en baisse depuis les années 1960, notamment en ce qui concerne la dépendance à l’alcool.

Dépressivité

Mais nous assistons, depuis ces vingt dernières années, à un nouveau phénomène, qui n’entre pas dans la catégorie des troubles mentaux, qui s’inscrivent dans la durée, mais qui s’en rapproche : la dépressivité. Selon le Baromètre santé 2005 de l’Inpes, 20 % des Français ont présenté un sentiment de tristesse, un « subsyndrome », ou de la détresse psychologique. Un chiffre qui a presque triplé en vingt ans. « Les gens parlent plus volontiers de problèmes de santé mentale, analyse Viviane Kovess-Masféty. Nous assistons à une baisse de la tolérance à la souffrance. Les gens ne s’attendent plus à souffrir, ni mentalement, ni physiquement. À l’inverse, les attentes, les espérances, sont hautes. »

Facteurs sociaux

Le rapport du Centre d’analyse stratégique sur la santé mentale, publié en 2010, note une évolution des personnes susceptibles de développer des épisodes dépressifs : « Si, par le passé, les personnes de plus de 60 ans étaient les plus vulnérables à la dépression, elles ont été rattrapées par d’autres groupes d’âge. La dépression touche un public plus jeune. C’est parmi les populations “nouvellement” vulnérables face aux risques sociaux que les risques de dépression ont augmenté en vingt ans. » Des conditions de travail plus difficiles, la pression professionnelle, la mobilité, les difficultés financières expliquent ce « rajeunissement ». Les populations socialement les moins favorisées sont les plus exposées à ces nouveaux risques, qualifiés de « psycho-sociaux ». En santé mentale comme dans les autres secteurs de la santé, les facteurs sociaux impriment leur marque.