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QUESTIONS SUR
Madame D. 78 ans, n’a plus d’appétit. Malgré les canettes prescrites par le médecin, elle perd du poids. Que faire ?
Vous devez alerter le médecin. Les compléments nutritionnels oraux prescrits pour prévenir ou améliorer une dénutrition modérée sont des compléments de l’alimentation habituelle mais ne la remplacent pas. Ils doivent être considérés comme des médicaments, avec une posologie et un mode d’emploi précis.
Les compléments nutritionnels oraux (CNO) sont des produits obtenus sur prescription médicale et utilisés par voie orale pour augmenter l’apport en calories et/ou en protéines de l’alimentation orale habituelle, qu’ils ne remplacent pas. Ils contiennent essentiellement des macronutriments (protéines, glucides, lipides) et des micronutriments (vitamines et oligo-éléments). Certains apportent aussi des éléments nutritifs spécifiquement adaptés à certaines pathologies. Ils appartiennent en majorité au groupe des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » (ADDFMS). Deux produits, Renutryl et Cétornan, ont le statut de médicament.
Les CNO sont un support nutritionnel destiné à maintenir l’état nutritionnel d’un sujet à risque de dénutrition ou à corriger un état de dénutrition modérée installé. On considère que leur emploi est nécessaire lorsque les apports alimentaires couvrent moins des deux tiers des besoins nutritionnels alors que le tube digestif est fonctionnel et les possibilités de déglutition satisfaisantes. Les indications les plus courantes sont : des difficultés d’accès à la nourriture (troubles de la déglutition, sténose oesophagienne, chirurgie ORL ou dentaire); la prévention d’une augmentation des besoins (post ou préopératoire, infections sévères…); l’anorexie primaire ou secondaire (personnes âgées, hospitalisation…); la dénutrition modérée avérée et le relais d’une nutrition entérale ou parentérale.
Les principales contre-indications sont les fausses routes répétitives ; les troubles de la conscience ; des vomissements répétés, une pancréatite aiguë ; les affections digestives (occlusions intestinales…).
Ces sigles suivent les noms de spécialités et donnent des indications sur la composition des CNO. Les produits sont, en effet, classés selon leur composition.
Ils apportent des protéines, des lipides, des glucides, et des vitamines, des électrolytes et des oligoéléments. Ils se distinguent par :
→ leurs apports caloriques et protidiques :
– les normo ou isocaloriques (NC), qui apportent 1 Kcal/ml, peu nombreux ;
– les hypercaloriques (HC), qui ont un apport supérieur(1,5 Kcal/ml);
– les normoprotidiques, dans lesquels les protéines représentent 15 % de l’apport énergétique total du produit ;
– les hyperprotidiques (HP), lorsque les protéines représentent plus de 19 % de l’apport énergétique total ;
→ la présence éventuelle de lactose ou de gluten, en cas de diarrhées ou d’intolérance ;
→ leur teneur en fibres ou, au contraire, « sans résidus », en cas de constipation ou de régime spécial ;
→ leur composition glucidique : les produits édulcorés, sans saccharose, sont spécialement élaborés pour les personnes diabétiques.
Indiqués en cas de besoins ciblés, ils n’apportent qu’un type de macronutriments :
→ les poudres hyperprotidiques (Protifar Plus Nutricia, SP 95 Poudre hyperprotidique DHN, Hyperprotéiné Beaubour) ou hypercaloriques enrichies en glucides (Resource Dextrine Maltose Novartis, Caloreen Nestlé) à ajouter à un yaourt, à une soupe ou à une boisson en glucides : poudres hypercaloriques (Resource Dextrine Maltose Novartis, Caloreen Nestlé);
→ les huiles hypercaloriques enrichies en lipides (Liprocil Nestlé).
Enrichis en pharmaconutriments, ils ont des indications ciblées :
→ pour la cicatrisation, en particulier pour soigner les escarres et les brûlures étendues : arginine et autres acides aminés précurseurs du collagène Cubitan (Nutricia), Clinutren Repair (Nestlé), ou encore Strengor.5 mixé et Strengor.2 dessert (Beaubour) ;
→ en oncologie : sont particulièrement indiqués, les acides gras polyinsaturés-3, anti-inflammatoires et immunomodulateurs, et les antioxydants comme les vitamines E et C ou le sélenium. (Resource Support (Novartis), Fortimel Care (Nutricia), Clinutren Protect (Nestlé), Oral Impact (Novartis)…);
→ pour les besoins de maladies à composante digestive, certains produits sont spécifiquement formulés : (Scandishake Mix (Nutricia) pour la mucoviscidose ; Modulen IBD (Nestlé), riche en cytokines, dans la maladie de Crohn…).
Adaptés aux enfants à partir de 1 an, de part leur composition, ils restent peu nombreux sur le marché.
→ La composition : c’est le premier critère de choix. Les normocaloriques sont indiqués pour les sujets dont l’alimentation orale est équilibrée ; les hypercaloriques, quand l’alimentation orale est globalement faible et/ou la dépense énergétique élevée ; les hyperprotidiques, lorsque l’apport protidique est faible ou augmenté (dénutritions par hypercatabolisme, chirurgie).
→ Les particularités du patient : on s’oriente vers des produits sans lactose en cas d’intolérance ou de diarrhées ; enrichis en fibres en cas de constipation (traitements palliatifs morphiniques en particulier); vers des compléments édulcorés en cas de diabète ; vers des produits spécifiques en cas de pathologie sous-jacente ou de chirurgie…
→ Les textures et les arômes : varier les présentations (boissons lactées, jus de fruits, barres, compotes, crèmes, céréales…) et choisir les saveurs selon les goûts des patients est primordial pour favoriser l’observance. Les produits peuvent être neutres (sans gôut), sucrés ou salés, classiques (vanille, fraise…) ou plus élaborés (ananas, capuccino…).
→ L’autonomie : la présentation choisie doit être adaptée aux moyens du patient. On évite les ouvertures difficiles pour les patients peu autonomes.
→ L’âge du patient : mieux vaut éviter de donner un complément pour adulte à un enfant de moins de 12 ans. Les CNO pédiatriques sont spécifiquement adaptés aux besoins des enfants.
La prescription s’accompagne d’une posologie précise selon les objectifs nutritionnels propres à chaque sujet. Le plus souvent, 2 à 3 prises à répartir sur la journée. Sauf en soins palliatifs, où ils peuvent être prescrits « à la demande » dans le but d’améliorer la qualité de vie des patients.
→ L’heure de prise : les CNO sont pris, généralement, une heure trente avant ou après un repas pour ne pas diminuer l’appétit. S’ils sont prescrits pendant les repas, mieux vaut les prendre à la fin.
→ L’administration : il faut bien agiter les produits liquides avant de les boire. Le gôut, parfois écœurant, peut-être limité en plaçant les produits sucrés au réfrigérateur au moins 24 heures et en les buvant à la paille.
Une fois ouverts, les CNO doivent être consommés dans les 24 heures. Ils peuvent se conserver 2 heures à température ambiante ou 24 heures au réfrigirateur.
→ Si la prescription prévoit plusieurs produits par jour, il faut répartir les prises tout au long de la journée.
→ Il n’y a aucune contre-indication à prendre un CNO après 16 heures même s’ils contiennent des vitamines, ils n’altèrent pas le sommeil.
Les CNO, sont inscrits au titre de dispositif médical à la LPPR, comme « nutriments pour supplémentation orale », et sont pris en charge uniquement pour ces indications :
– patients présentant une dénutrition caractérisée par une perte de poids supérieure ou égale à 5 % du poids habituel ; patients atteints d’épidermolyse bulleuse dystrophique ou dermolytique ; de mucoviscidose ; d’une tumeur ou d’une hémopathie maligne ; d’une maladies neuromusculaire ; infectés par le VIH.
- enfants présentant une stagnation staturo– pondérale durant une période de six mois.
Cétornan et Rénutryl, qui bénéficient du statut de médicament, sont pris en charge à 35 %.
→ Si le produit est de goût neutre, on peut l’aromatiser avec des sirops de fruit, du caramel, du chocolat en poudre. Les formes crème peuvent être mises au congélateur et devenir des glaces.
→ Certains produits lactés peuvent être chauffés au micro-ondes ou au bain-marie sans dépasser 50 °C.
→ Pour s’adapter aux handicaps : les liquides peuvent être épaissis avec une poudre spécifique (Clinutren Poudre épaississante, Resource Thicken up, Nutilis, Epailis…) si la déglutition est difficile ; pour les personnes alitées, les liquides avec paille sont préférables.
La dénutrition touche :
→ 40 à 50 % des malades chroniques
→ 40 à 50 % des patients hospitalisés
→ 4 à 10 % des personnes âgées vivant à domicile
→ 40 à 50 % des personnes âgées vivant en institution
→ Consulter le portail de formation professionnelle sur la dénutrition mis en place dans le cadre du Plan national nutrition santé (PNNS).
La dénutrition est le résultat d’un déséquilibre entre les besoins de l’organisme et les apports nutritionnels. On distingue la dénutrition exogène, lorsque les apports sont insuffisants, et la dénutrition endogène, dite par hypercatabolisme, quand les besoins de l’organisme augmentent dans certaines situations d’agression (interventions chirurgicales…). Ces deux situations sont souvent imbriquées.
→ la diminution des apports alimentaires (anorexie, dépression, troubles de la déglutition, mauvais état dentaire, difficultés sociales…);
→ les pathologies digestives (atteinte pancréatique, maladie coeliaque, diarrhée persistante, mucoviscidose…);
→ les insuffisances cardiaque, respiratoire, rénale (dialyse) ou hépatique (alcooliques chroniques en particulier)?;
→ les pathologies infectieuses ou inflammatoires chroniques (sida, maladie de Crohn…);
→ les suites chirurgicales ;
→ les pathologies cancéreuses ;
→ le grand âge (anorexie, sarcopénie).
La dénutrition augmente significativement la morbidité (pronostic des maladies sous-jacentes aggravé, complications, handicap) et le risque de décès. La fonte musculaire est responsable de troubles moteurs, y compris respiratoires. Le déficit en protéine augmente en particulier le risque d’infection, retarde la cicatrisation et favorise l’apparition d’escarres.
Il implique une altération de la qualité de vie, avec asthénie et perte d’autonomie, une augmentation des temps d’hospitalisation, impose une diminution des doses thérapeutiques, notamment en cancérologie, et rend impossibles certains actes chirurgicaux invasifs.
Tout soignant peut déceler les signes de dénutrition et doit alerter le médecin. On peut, notamment, réaliser :
→ un interrogatoire simple : « Mangez-vous bien en ce moment ? Avez-vous maigri ? Vos habitudes alimentaires ont-elles changé récemment ? Vous sentez-vous fatigué, abattu ? » ;
→ un repérage des signes caractéristiques : sécheresse de la peau et des cheveux, ongles cassants, oedèmes des membres inférieurs, caractéristiques d’un déficit en protéines ;
→ une surveillance du poids (la dénutrition est avérée si la perte de poids atteint 2 % en une semaine, 5 % en un mois ou 10 % en 6 mois), et de la circonférence des bras, à mi-distance entre le coude et l’épaule (une mesure inférieure à 22 cm chez un adulte est un signe de dénutrition).