VIOLENCE DES MINEURS
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS
Trop « fous » pour les foyers, trop transgressifs pour la psychiatrie… Que faire de ces adolescents qui ne trouvent pas leur place dans les dispositifs traditionnels ? À Nice, une structure innovante propose une prise en charge médicale et sociale.
Certains les surnomment les « patates chaudes ». Ils sont délinquants, présentent des problèmes psychiatriques lourds, de graves troubles du comportement qui s’expriment par une violence extrême… Mais ils ne souffrent pas de pathologies mentales relevant d’une hospitalisation classique. Leur point commun : ils mettent à mal les dispositifs traditionnels de prise en charge, que ce soit côté éducatif ou côté psychiatrique. Catherine Laffranchi, psychiatre responsable du « pôle spécialement aménagé de psychiatrie intrahospitalier » au centre hospitalier Sainte-Marie de Nice, résume : « Ce sont des jeunes dont personne ne veut. » Personne, sauf la Sipad
Seuls neuf jeunes (garçons et filles), âgés de 13 à 18 ans, y sont admis sur prescription médicale, la majorité d’entre eux faisant l’objet d’une ordonnance de placement provisoire prononcée par le juge des enfants, ou d’une mesure d’assistance éducative. L’originalité de cette unité médicalisée réside dans la composition de l’équipe : sept infirmiers y travaillent aux côtés de cinq aides-soignantes, deux éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), deux éducatrices spécialisées du conseil général et un moniteur de sport, le tout grâce à des financements conjoints de l’hôpital, de la PJJ et du département. « Une institutrice travaillait à mi-temps avec nous, mais son poste n’est plus pourvu, certainement en raison des restrictions budgétaires », déplore Catherine Laffranchi. « Nous intervenons dans une unité très épuisante pour le personnel. Notre bataille est de ne pas travailler en sous-effectif chronique, sinon on perd tout l’intérêt du dispositif », ajoute Denis Gossa, cadre supérieur de santé. La mise en place d’une telle unité ne s’est pas faite sans heurts tant elle bouscule le fonctionnement habituel des institutions. « Il a fallu que l’on trouve notre place auprès de nos collègues de l’intersecteur pédopsychiatrique, montrer l’intérêt de notre structure et expliquer que nous ne sommes pas une voie de garage pour ces jeunes », insiste Mme Laffranchi.
Décloisonner les pratiques entre le sanitaire et le social pour apporter une prise en charge globale et cohérente de ces adolescents en grande difficulté : tel est l’objectif premier de la Sipad. Chaque semaine, les jeunes participent à diverses activités en dehors de l’hôpital, accompagnés par un éducateur et un soignant. Ici, l’un ne va jamais sans l’autre. L’équipe s’attache à redonner des repères, à restaurer la place de l’autorité, en lien avec les parents quand cela est possible, sans oublier un travail sur le rapport au corps… « On a déjà rencontré des jeunes filles de 15-16 ans, victimes de viol, qui pensaient que les bébés naissent par le nombril », raconte Denis Gossa.
Voilà un an, l’unité a été dotée d’une chambre d’isolement, utile lorsqu’un adolescent fait une crise aiguë. L’hospitalisation, qui dure en moyenne de trois à cinq semaines, doit permettre d’évaluer la situation socio-pathologique du jeune et de mettre sur pied un projet thérapeutique et socio-éducatif individualisé, afin de préparer au mieux la sortie du dispositif, qui se fait sur prescription médicale. L’adolescent pourra ainsi retourner dans son foyer, passer en hospitalisation de jour ou réintégrer sa famille. « En aucun cas, il ne sera “relâché” comme ça, au hasard. Notre force, c’est le travail en réseau », affirme Catherine Laffranchi. En dix ans, 450 jeunes patients sont passés par la Sipad.
1– Sipad : Structure intersectorielle pour adolescents difficiles.