L'infirmière Magazine n° 272 du 01/02/2011

 

FIN DE VIE

ACTUALITÉ

Relativement bien implantés à l’hôpital, les soins palliatifs doivent maintenant se développer en extra-hospitalier. Les infirmières ont plus que jamais un rôle de premier plan à jouer.

À lire le rapport d’étape,à mi-parcours(1), du Programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012, les infirmières apparaissent comme un élément essentiel des futures orientations du programme, puisqu’elles sont expressément citées dans chacun des trois axes qui le structurent : 1) Poursuivre le développement de l’offre hospitalière et favoriser l’essor des dispositifs extra­hospitaliers ; 2) Élaborer une politique de formation et de recherche ; 3) Renforcer l’accompagnement offert aux proches.

Le rapport met l’accent sur la formation tous azimuts des infirmières aux soins palliatifs, que cette formation soit destinée à étoffer leur propre pratique ou bien à être transmise à des tiers (autres professionnels de santé, aidants ou bénévoles). La mesure numéro un du programme, visant à développer les soins palliatifs au sein des structures hospitalières de court séjour, a connu des progrès notables (voir encadré). Pour autant, la « culture palliative » demande désormais à être davantage impulsée dans les unités de soins de longue durée (USLD), préconise le comité, qui recommande d’intensifier dans les six prochains mois « la formation des personnels soignants et des praticiens intervenant dans les USLD, les établissements pour personnes handicapées et les ex-hôpitaux locaux ».

Mallette de bonnes pratiques

Cette formation passera notamment par la diffusion de l’outil MobiQual « Soins palliatifs », coordonnée par la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG). Cet outil, financé depuis 2010 par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), se présente sous la forme d’une mallette contenant un classeur avec toute l’information relative aux bonnes pratiques en matière de soins palliatifs en Ehpad, en établissement de santé et à domicile, explique Sébastien Doutreligne, coordinateur du programme MobiQual à la SFGG. La plaquette de présentation et les 190 diaporamas de ce kit (dont 25 consacrés au contexte particulier de la prise en charge à domicile) ont été conçus avec la collaboration d’une dizaine de professionnels spécialistes des soins palliatifs parmi lesquels une infirmière libérale et une infirmière clinicienne, précise-t-il.

Conçu au départ pour diffusion en Ehpad, MobiQual « Soins palliatifs » a récemment été « revu de fond en comble » pour s’adapter à la prise en charge palliative à domicile et aborde désormais « la question de la spiritualité en fin de vie », se félicite par ailleurs M. Doutreligne. Si la diffusion de cet outil, dont quelque 2 000 kits ont, à ce jour, été distribués, passe d’abord par une remise aux partenaires lors de réunions départementales et régionales organisées par la SFGG en partenariat avec les agences régionales de santé, « n’importe quel professionnel intéressé peut adresser une demande directe(2) moyennant un engagement formel à utiliser le contenu de la mallette », cela afin d’« éviter qu’elle ne serve à caler un coin de table ou qu’elle finisse par prendre la poussière », plaisante Sébastien Doutreligne.

Le comité de suivi rappelle que dans le cadre de la mesure 12 du programme, visant à mettre en œuvre des actions de formation MobiQual dans les Ehpad et les services de soins à domicile, la CNSA finance le dispositif à hauteur de cinq millions d’euros sur trois ans (2010-2012). Dans les six prochains mois, une diffusion est ainsi prévue dans les régions qui ne sont pas encore pourvues (Bourgogne, Picardie, Poitou-Charentes et Corse) et concernera les Ssiad, les services de HAD, mais aussi les instituts de formation initiale (Ifsi, Ifas et IFCS). Une information particulière est également prévue auprès des coordinations régionales en soins palliatifs ainsi qu’auprès de l’Ordre national des infirmiers.

Questions complexes

Par ailleurs, un programme de formation autour de la « prise de décision complexe » doit être expérimenté dans trois régions (Pays de la Loire, Bretagne et Bourgogne). Selon le cahier des charges, cette expérimentation(3) vise à « développer et renforcer l’approche interdisciplinaire et pluridisciplinaire des questions complexes d’ordre éthique dans le domaine de la fin de vie » et s’adresse à une quinzaine de professionnels acteurs d’un même territoire de proximité : médecins hospitaliers et libéraux, spécialistes ou généralistes, infirmières libérales et hospitalières, aides-soignantes, acteurs des Ssiad, pharmaciens d’officine, auxiliaires de vie sociale, psychologues et assistantes sociales. Le module de formation, sur deux jours, se compose d’un apport de connaissances théoriques favorisant le questionnement des pratiques professionnelles en interdisciplinarité et d’une analyse des pratiques à partir de situations vécues.

IDE de nuit en Ehpad

Enfin, dans le cadre de la mesure 14 du programme, qui prévoit d’apporter un soutien aux proches et aux aidants des personnes en fin de vie en repérant leurs signes d’épuisement et en les orientant vers les aides appropriées, une formation doit cibler les responsables de secteur d’aide à domicile et les infirmières coordinatrices de Ssiad. Dans un second temps, « ces professionnels formés diffuseraient l’information au sein de leur service, vers tous les professionnels et, notamment, les aides-soignants, aides médico-psychologiques et auxiliaires de vie sociale », qui, à leur tour, formeraient les aidants. Le cahier des charges(4) de cette formation étant finalisé, le dispositif devrait entrer en vigueur dès 2011.

La mesure 7 du programme prévoyait d’« expérimenter la présence d’infirmières de nuit formées aux soins palliatifs dans les Ehpad ». Vingt régions participent à l’expérimentation, à raison de trois établissements enquêtés dans chaque région(5). « La présence d’une IDE de nuit semble diminuer le nombre d’hospitalisations », note le comité, puisque seuls 35 % des résidents ont subi une hospitalisation dans le cas d’une présence infirmière, contre 42 % dans le cas contraire. Le comité relève, en outre, une « sous-déclaration probable des résidents en fin de vie » dans les Ehpad : 3,7 % contre 14 à 20 % si l’on en croit les enquêtes médicales. Par ailleurs, six établissements répondants sur dix déclarent que moins de 60 % de leur personnel est formé à la douleur ou à la fin de vie.

Enfin, une étude de la CNSA sur les pratiques de soins palliatifs dans les Ehpad de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon montre qu’un tiers des personnes décédant en Ehpad relèvent de soins palliatifs et que seuls 4 à 7 % des établissements disposent d’une IDE de nuit.

1– Ce document de 43 pages, intitulé « État d’avancement au 31 décembre 2010 », a été rendu public par le comité national de suivi de ce programme à la mi-janvier.

2– Demande à adresser à la Délégation générale de la SFGG, 60, rue des Cherchevets, 92150 Suresnes. Tel. : 01 41 12 87 11. Courriel : contact@sfgg.org

3– Dans le cadre de la mesure 11 du Programme : « Adapter le dispositif de formation médicale ».

4– Élaboré avec l’Union nationale des réseaux de soins palliatifs, il intègre des éléments d’évaluation.

5– L’expérience vise à comparer les établissements disposant d’un infirmier de nuit, les établissements mettant en place une astreinte opérationnelle d’infirmier de nuit et ceux ne disposant d’aucun temps d’infirmier de nuit. Toutes les régions métropolitaines y participent sauf le Limousin et l’Alsace.

EN CHIFFRES

Des progrès sensibles

Pour la première fois, toutes les régions de France métropolitaine disposent d’au moins une unité dédiée aux soins palliatifs (USP), soit 1 180 lits répartis dans 106 USP. Le développement des lits identifiés soins palliatifs (Lisp) – dont le comité préconise d’évaluer l’utilisation au regard des gros moyens qui y sont affectés – s’est également poursuivi, leur nombre passant de 3 075 en 2007 à 4 686 en 2009. Ce sont donc, au total, près de 6 000 lits de soins palliatifs, soit un ratio d’environ 9 lits pour 100 000 habitants en moyenne. Le nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) a également augmenté, passant de 320 en 2007 à 346 en 2009, soit plus de 3 par département. En 2010, lits d’USP, Lisp et EMSP confondus se sont vu allouer près de 30 millions d’euros de financement. Enfin, « la France sera en 2011 le premier pays au monde à disposer d’équipes régionales spécifiquement dédiées aux soins palliatifs pédiatriques », se félicite le comité.

C. A.