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IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN
Gilberte G., 71 ans, est hospitalisée sur demande de son médecin traitant pour altération de l’état général et diminution de l’autonomie. La patiente souffre de troubles bipolaires, démence, diabète, polyarthrite rhumatoïde et hypertension. Le traitement médicamenteux est très lourd et le médecin traitant souhaite le voir réévalué lors du séjour. Les troubles psychiques sont notamment traités par lithium (Téralithe 250 mg, 4 cp/j et clomipramine instaurés depuis plusieurs années par un confrère n’exerçant plus. Un dosage de la lithiémie est effectué à l’admission. Résultat = 0,7 mmol/l (N = 0,5 à 1 mmol/l).
Dés le début du séjour, la patiente présente sur un terrain déjà altéré des épisodes de confusion qui vont croissant au fil des jours, tant en fréquence qu’en intensité.
À partir du 4e jour d’hospitalisation, la patiente développe des épisodes hallucinatoires anxiogènes : elle prétend voir son lit exploser, se croit cernée par un incendie, etc. Un scanner élimine toute étiologie vasculaire. Un traitement par risperidone 1 mg est instauré brièvement, du 9e au 12e jour sans produire d’amélioration significative.
Le dosage de la lithiémie est réitéré le 14e jour et laisse apparaître un surdosage à 1,15 mmol/l (N = 0,5 à 1 mmol/l). Le lithium est immédiatement arrêté, conduisant à la régression des troubles psychiques ainsi qu’à l’apaisement de la patiente.
La patiente suivie depuis plusieurs années pour des troubles bipolaires et traitée par une association thymorégulateur + antidépresseur n’était que partiellement observante au traitement. De ce fait, la maladie psychique était non contrôlée et le traitement était supposé, à tort, inefficace. Les lithiémies de contrôle effectuées occasionnellement ne permettaient pas d’interprétation pertinente.
En revanche, l’hospitalisation, amenant les infirmiers à administrer la totalité du traitement prescrit, a provoqué un surdosage en lithium, se traduisant par les signes de confusion et les hallucinations.
Une fois le diagnostic posé, le traitement thymorégulateur a été réintroduit sur de nouvelles bases incluant la participation de la patiente à un atelier d’éducation thérapeutique au sein du service de réadaptation.
Le lithium est un médicament à marge thérapeutique étroite : sa toxicité se manifeste pour des doses à peine supérieures aux doses thérapeutiques.
La lithiémie doit être surveillée régulièrement, en particulier lors de modifications posologiques, en cas d’introduction d’un autre traitement, ou en cas de signes cliniques de surdosage.
Le lithium est un thymorégulateur (= normothymique), dont le but est de stabiliser l’humeur.
Il est prescrit dans les troubles bipolaires, en prévention des rechutes ou en traitement curatif des phases d’excitation maniaque ou hypomaniaque.
Il existe deux spécialités à base de lithium :
→ Téralithe 250, comprimés sécables à libération immédiate.
→ Téralithe 400 LP, comprimé à libération prolongée. Ce comprimé est également sécable (ce qui n’est généralement pas le cas des comprimés à libération prolongée).
La posologie est strictement fonction de la lithiémie. La forme Téralithe 250 se prend en 2 à 3 prises par jour au cours des repas, la plus forte dose étant prise le soir. La forme Téralithe LP se prend en une seule prise le soir (un ou plusieurs comprimés pris ensemble).
→ Sous Téralithe 250 mg, les contrôles de lithiémie sont effectués le matin. La lithiémie doit être comprise entre 0,5 et 0,8 mEq/l. Elle reflète la concentration minimale efficace.
→ Sous Téralithe LP 400 mg, les contrôles de lithiémie doivent être effectués le soir. La lithiémie (concentration minimale efficace) doit être comprise entre 0,5 et 0,8 mEq/l. Dans ce cas, les contrôles de lithiémie effectués le matin déterminent la concentration intermédiaire, à mi-chemin entre deux prises, qui doit être située entre 0,8 et 1,2 mEq/l.
→ Troubles digestifs : vomissements, diarrhées ;
→ Troubles neuropsychiques : sédation, tremblement des mains, vertiges, troubles de l’équilibre.
→ Troubles endocriniens et métaboliques : hypo/hyperthyroïdie, prise de poids, polyurie et soif intense (diabète insipide).
→ Troubles cutanés : acné.
La toxicité du lithium concerne le système nerveux et le système cardio-vasculaire. Les signes précoces les plus fréquents en cas de surdosage sont les nausées, les tremblements, la soif et les troubles de l’équilibre. En cas d’apparition de ces signes, il est nécessaire de vérifier la lithiémie.
L’insuffisance rénale est une contre-indication, sauf s’il est possible de surveiller étroitement la lithiémie.
Plusieurs associations médicamenteuses sont déconseillées car elles diminuent le métabolisme du lithium et peuvent provoquer une hyperlithiémie :
→ des traitements cardio-vasculaires : inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), ARA II, aliskirène… ;
→ les AINS (mais pas les salicylés).
Par ailleurs, sont déconseillées les associations avec la carbamazépine (troubles cérébelleux), le topiramate (surdosage en lithium), et, à moindre niveau, avec les antipsychotiques conventionnels (syndrome confusionnel).
→ À l’instauration du traitement :
• Bilan rénal, ionogramme sanguin NFS, bilan cardiaque, bilan thyroïdien, bilan lipidique et glycémie à jeun doivent être pratiqués avant de débuter le traitement.
• Le premier dosage de lithiémie doit être pratiqué 7 jours après le début du traitement.
• Enquêter sur les habitudes d’automédication du patient. Le prévenir qu’il ne doit pas s’automédiquer (en particulier par du millepertuis ou un AINS) sans en parler auparavant à son pharmacien ou à son médecin.
• Ne pas modifier les apports sodés. Pas de régime sans sel.
→ Surveillance du traitement
• Lithiémie tous les 2 mois ou immédiatement en cas de signe de surdosage.
• Veiller à éviter toute déplétion hydrosodée. Attention en cas de diarrhée ou de vomissements, ou d’épisode de fortes chaleur.
• La fonction rénale et thyroïdienne doit être contrôlée tous les 6 mois.
• Surveiller la prise de poids. Elle peut être un frein à l’observance.
• En cas de céphalées ou de troubles de la vision, un bilan ophtalmologique doit être pratiqué.
→ Arrêt du traitement
• L’arrêt doit être progressif sur 6 semaines à 3 mois.
Il peut y avoir une différence entre le traitement prescrit et la réalité des prises ! Enquêter auprès du patient, qui n’ose peut-être pas avouer au médecin les libertés qu’il prend avec son traitement. Essayer de comprendre s’il s’agit d’oublis (proposer un pilulier, programmer une sonnerie de téléphone portable…) ou d’une réticence due à une mauvaise perception de la maladie (« si je ne me soigne pas, c’est que je ne suis pas malade… ») ou de la survenue d’effets indésirables (tremblements en début de traitement, prise de poids, troubles digestifs…).
Le trouble bipolaire est un trouble psychiatrique qui alterne des phases d’exaltation de l’humeur (le patient devient hyperactif, euphorique, perd toute inhibition…) avec des périodes dépressives. La maladie est le plus souvent diagnostiquée entre 15 et 24 ans. Près de neuf patients sur dix ayant présenté un épisode maniaque connaissent des récidives.
→ Accès maniaques : le traitement de référence des accès maniaques est le lithium. Les dérivés de l’acide valproïque (utilisés également dans le traitement de l’épilepsie), comme Dépamide ou Dépakote, peuvent également être prescrits. Ils sont plus maniables que le lithium. Les antipsychotiques atypiques (aripiprazol-Abilify olanzapine-Zyprexa, rispéridone-Risperdal) sont actifs, notamment, en cas d’agressivité, d’agitation ou d’accès délirants.
La carbamazépine (Tegretol), autre anticonvulsivant, est donnée en deuxième intention car elle est difficile à manier, comme le lithium.
→ Accès dépressifs : ils relèvent d’un traitement antidépresseur, en particulier à base d’ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine).
En prévention des rechutes, le traitement de référence est le lithium. La lamotrigine-Lamictal (autre antiépileptique) est indiquée dans la prévention des rechutes dépressives. Les traitements par lithium, acide valproïque et carbamazépine doivent être arrêtés de façon très progressive sur plusieurs semaines.