INTERVIEW : MARINE KERJEAN, Infirmière de santé au travail
DOSSIER
Infirmière chez Renault et membre du Groupement des infirmières du travail (GIT) Ile-de-France, Marine Kerjean explicite les actions de prévention des troubles musculo-squelettiques dus au travail sur écran.
L’INFIRMIÈRE MAGAZINE :
En 2008, le ministère du Travail a lancé une campagne grand public sur les troubles musculo-squelettiques (TMS). Vous étiez-vous déjà saisis de ce thème dans votre entreprise ?
Marine Kerjean : Je travaille dans ce service depuis 2005, et la prévention des TMS se faisait déjà avant mon arrivée. Sur l’établissement du siège de ? Renault, qui regroupe les sites du Plessis-Robinson et de Boulogne-Billancourt ?(92), le service de santé au travail comprend deux médecins et cinq infirmières. Celles-ci participent depuis toujours aux actions collectives de prévention des TMS, et sont plus particulièrement impliquées sur ce sujet depuis quatre ou cinq ans.
L’I. M. : Le fait de disposer d’un service autonome bénéficie-t-il au travail de prévention ?
M. K. : Oui. Nous sommes proches des salariés, et nous pouvons réagir rapidement. L’entreprise met en place des actions qui correspondent à la réalité du terrain. Pour les TMS, elle a fait le choix que tous les employés aient des fauteuils ergonomiques.
L’I. M. : La campagne de 2008 a-t-elle changé quelque chose ?
M. K. : Non, car notre travail de prévention avait commencé avant. Tout nouvel embauché reçoit une information sur son poste de travail : les réglages du fauteuil et ceux de l’écran. Tout au long de sa carrière, il peut solliciter le service santé au travail, ou celui des conditions de vie au travail pour une étude de son poste. Le plus souvent, ces études sont réalisées à la demande du médecin du travail. Nous conduisons des actions de prévention à un double niveau, avec de la prévention individuelle, et par des actions collectives : animations, accompagnement lors de déménagements… Les infirmières formées par une ostéopathe apprennent aux salariés des mouvements de gymnastique de pause. Nous proposons également de la relaxation en atelier ou en individuel.
L’I. M. : Un site Internet sur les TMS avait été mis à disposition par le ministère du Travail… Cela vous a-t-il servi ?
M. K. : Sur ce sujet, nous avons nos propres documents. Une brochure sur les bonnes postures a été réalisée par le service des conditions de travail et celui de santé au travail. Quant aux campagnes nationales, nous avons suivi celles du Programme national nutrition santé, ou « Trois gestes pour une vie », de la Fédération française de cardiologie, avec l’utilisation du défibrillateur.
L’I. M. : Quel peut être l’apport du Groupement des infirmières du travail (GIT) pour les opérations de prévention ?
M. K. : Dans une grande entreprise comme celle-ci, on n’est pas isolée en tant qu’infirmière, mais dans des entreprises plus petites, le GIT peut aider à rompre l’isolement professionnel. Les Journées médicales d’urgence ou les journées d’études, dont certaines ont abordé les TMS, nous permettent d’échanger entre nous sur nos pratiques.
L’I. M. : Pensez-vous que les TMS soient une préoccupation dont les infirmières de santé au travail se sont pleinement saisies ?
M. K. : Oui. J’ai effectué une licence de santé au travail l’année dernière à Lille et, dans ma promotion, les TMS représentaient environ 20 % des sujets de mémoire. C’est un vrai sujet de santé au travail, dans lequel l’infirmière trouve toute sa place : le salarié peut lui être envoyé par le médecin du travail, mais elle peut constater elle-même un problème. La prévention des TMS est une démarche sur la durée, il est important de faire du « non-stop ».
L’I. M. : Cette prévention doit-elle s’adapter à chaque salarié ?
M. K. : Oui. Au départ, tout le monde dispose du même matériel, mais certaines personnes peuvent travailler sur deux écrans, d’autres avec des supports papier… Il faut des conseils personnalisés, et des adaptations particulières.
L’I. M. : En ce qui concerne le travail sur écran, quel TMS est le plus fréquent ?
M. K. : Bien que rare, c’est le syndrome du canal carpien. Quand on est bien positionné, on peut arriver à l’éviter. Mais les gens sont aussi de plus en plus souvent sur écran chez eux, et, en général, moins bien installés.
L’I. M. : Avez-vous observé une baisse des plaintes ?
M. K. : Sur notre site, nous en avons très peu. Les plaintes sont stables, mais, par la prévention, on évite que les douleurs ne s’installent durablement.