MALTRAITANCE SUR MINEUR
JURIDIQUE
Quand un établissement constate des signes de maltraitance chez un mineur, hématomes, brûlures, syndrome dépressif…, se pose la question de l’opportunité d’un signalement.
La notion de signalement n’est pas définie dans les textes légaux ou réglementaires. Le ministère de la Justice la présente néanmoins comme « un écrit objectif comprenant une évaluation de la situation d’un mineur présumé en risque de danger ou en danger nécessitant une mesure de protection administrative ou judiciaire ». Le signalement se distingue de l’information qui consiste, elle, à porter à la connaissance de professionnels de l’enfance (assistantes sociales, psychologues…), par voie orale (entretien, téléphone) ou écrite (courrier, télécopie) la situation d’un enfant potentiellement en danger (inquiétude sur des comportements inhabituels, faits observés, propos entendus ou rapportés).
D’une manière générale, la loi impose à chacun de ne pas se taire et d’agir lorsqu’il a connaissance de la situation d’un enfant en danger. L’article 434-3 du Code pénal oblige quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de moins de 15ans à en informer les autorités judiciaires ou administratives, sous peine de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 euros.
Toutefois, ce même article prévoit que les professionnels de santé, parce qu’ils sont soumis au secret professionnel, ne sont pas astreints à cette obligation de dénonciation, alors même que l’article 226-14 du Code pénal prévoit que « le signalement aux autorités compétentes […] ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire ». Mais le professionnel de santé qui ne signalerait pas une maltraitance pourrait se voir poursuivi pour le délit de non-assistance à personne en péril… La boucle est bouclée !
L’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale impose également cette obligation de signalement aux fonctionnaires. Par ailleurs, le signalement d’une suspicion de maltraitance sur mineur constitue une obligation déontologique, aussi bien pour les médecins (art. R. 4127-44 CSP) que pour les infirmières (art. R. 4312-7 CSP), qui s’impose à eux sous peine d’un éventuel dépôt de plainte auprès de leur conseil de l’ordre. Dès lors, on doit conclure que l’obligation de signaler s’impose au milieu médical.
Deux systèmes de protection de l’enfance coexistent en France : d’une part, une protection administrative par les services de l’aide sociale à l’enfance (conseil général), et, d’autre part, une protection judiciaire par le procureur de la République et le juge des enfants en matière d’assistance éducative. En pratique, la transmission d’informations préoccupantes se fera au président du conseil général du département où réside l’enfant. Le signalement judiciaire auprès du substitut des mineurs près le tribunal de grande instance sera réservé aux cas graves (violences physiques, violences sexuelles…) pour lesquels des mesures urgentes doivent être prises afin de protéger le mineur.
Le signalement peut se faire par simple lettre contenant les coordonnées de l’établissement, celles du mineur concerné (identité de l’enfant, âge ou date de naissance, nom et adresse des parents et descriptif circonstancié des faits). Mais la prudence s’impose : les informations recueillies auprès du mineur ou de son accompagnant devront être reprises avec des guillemets ou au conditionnel, et il conviendra d’éviter de mettre en cause ou de viser une personne comme auteur des faits éventuellement susceptibles de recevoir une qualification pénale. Des poursuites pour dénonciation calomnieuse seront ainsi évitées, et une mise en cause de la responsabilité de l’établissement, écartée (CAA Marseille, 28 mai 2009).
→ Le ministère de la Justice, sur son site justice.gouv.fr, apporte une aide précieuse pour éviter tout écueil lors du signalement :
– « Enfants victimes d’infractions pénales : guide de bonnes pratiques », ministère de la Justice, décembre 2003. Adresse abrégée : bit.ly/foBZ7M.
– « Certificat médical type », pour signaler les maltraitances sur mineurs, ministère de la Justice, juillet 2004.
→ Un numéro vert national « Allo Enfance en danger » a été mis en place, au 119.
→ Art. 223-6 al. 1 CP : nonempêchement d’un crime ou d’un délit contre l’intégrité corporelle.
→ Art. 223-6 al. 2 et 223-7-1 CP : non-assistance à personne en péril.
→ Art. 434-1 CP : non-dénonciation de crime.
→ Art. 434-3 CP : non-dénonciation de mauvais traitements sur personne vulnérable.
→ Art. 226-10 et 226-12 CP : dénonciation calomnieuse.
→ Art. 226-14 CP : levée du secret professionnel en cas de dénonciation de sévices à l’égard d’un mineur.
→ Art. R. 4127-44 CSP et R. 4312-7 CSP : obligation d’alerter les autorités lors de la constatation de sévices sur mineur.