L'infirmière Magazine n° 276 du 01/04/2011

 

SANTÉ MENTALE

ACTUALITÉ

Un projet de loi instaure des soins sans consentement en ambulatoire. Plusieurs dispositions suscitent un large vent de fronde.

Les députés, le 16 mars, ont repoussé les frontières des soins de psychiatrie pratiqués sans consentement(1), jusqu’ici régis par la loi du 27 juin 1990 : il sera désormais possible de contraindre un malade à des soins en ambulatoire (à domicile notamment) et plus seulement en hospitalisation complète. Les mots changent en conséquence : les « hospitalisations d’office » (HO) sont rebaptisées « soins sans consentement sur décision du représentant de l’état ». Aux HO s’ajoutent toujours les soins sans consentement réalisés à la demande d’un tiers (ex-HDT) et – nouveauté – sans tiers, en raison d’un « péril imminent pour la santé de la personne ».

Lors de la première lecture de ce projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques »(2), les élus ont également instauré une période initiale dite « d’observation et de soins » de 72 heures maximum. Par ailleurs, le juge des libertés et de la détention, dont la fonction est d’être le garant de la liberté du malade, contrôlera systématiquement chaque hospitalisation sans consentement au bout de 15 jours et tous les six mois.

Autre mesure-phare, une procédure de suivi renforcé pour les patients ayant été hospitalisés en unité pour malades difficiles (UMD) et ceux en soins psychiatriques à la suite d’une déclaration d’irresponsabilité pénale – avec un « droit à l’oubli »(3) pour les prises en charge considérées comme assez anciennes. Est ainsi institué un collège de trois experts, dont deux psychiatres et « un représentant de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient » (éventuellement un infirmier, donc), pour examiner les dossiers.

Ce projet de loi a suscité un puissant vent de fronde. Parmi les principales critiques des très nombreux psychiatres, usagers, magistrats ou politiques opposés au projet, le fait que ce texte fasse primer la sécurité pour la société au détriment de la santé et de la liberté des patients.

Jean-Claude Pénochet, président de l’Intersyndicale des psychiatres publics, admet une « petite amélioration » : la saisine automatique d’un juge en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur une sortie d’hospitalisation sur décision du représentant de l’État. Mais il regrette que cette possibilité reste « très partielle (puisqu’elle ne concerne pas les demandes de transformation vers des soins ambulatoires mais seulement les levées d’hospitalisation) et inopérante (dans la mesure où le préfet peut demander un recours suspensif) ».

« Difficile » recours au juge

Le recours difficile au juge, c’est justement l’une des critiques du contrôleur général des lieux de privation de liberté dans un tout récent avis sur les pratiques d’hospitalisation sous contrainte (4). Le projet de loi « aggrave ce caractère difficile du recours au juge, déplore Jean-Claude Pénochet. Il donne de fausses garanties. » La période d’observation de 72 heures, elle, est qualifiée de « garde à vue psychiatrique » par des contempteurs du projet.

Beaucoup, à l’image de Jean-François Popielski, directeur des soins de l’EPS Erasme, à Antony, s’interrogent sur les moyens mis en œuvre pour cette loi (applicable à partir du 1er août). Il pose également cette question : « Quand le patient, à domicile, ne respectera pas son contrat, comment faire ? Faudra-t-il aller le chercher avec la police ? » Il déplore également un manque de consensus et d’expérimentations. Le plan santé mentale, annoncé par la secrétaire d’état Norra Berra pour l’automne prochain, contentera-t-il plus les professionnels ?

1- 70 000 personnes concernées par an.

2- La suite du débat parlementaire était prévue le 22 mars, avec le vote solennel à l’Assemblée.

3- La durée pour ce « droit à l’oubli » doit être précisée par le Conseil d’État.

4- Paru au Journal Officiel du 20 mars, sur www.journal-officiel.gouv.fr