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DU CÔTÉ DES… COLLOQUES
Les bactéries multirésistantes constituent de forts facteurs de risque épidémique. La consommation massive d’antibiotiques, favorisant leur développement, est pointée du doigt.
Depuis quelques années, les spécialistes observent avec inquiétude la montée en puissance des bactéries multirésistantes aux antibiotiques (BMR). Elles sont ainsi désignées « lorsque, du fait de l’accumulation des résistances naturelles et acquises, elles ne sont plus sensibles qu’à un petit nombre d’antibiotiques habituellement actifs en thérapeutique »
Jean Petit, gestionnaire de risques et réanimateur au CHU de Toulouse, met, lui, l’accent sur l’anticipation des risques, en lien avec le Cclin, l’agence régionale de santé et la communication interne de l’hôpital. « Dans la lutte contre les bactéries multirésistantes, nous avons une double obligation d’action et de transparence, explique-t-il. Il faut être capable de sortir du dilemme entre sous ou sur-utilisation (ou encore mauvaise utilisation) des antibiotiques, et équilibrer les choix en fonction de l’éthique individuelle et de l’éthique collective. »
La culture de la qualité face au risque progresse au sein des équipes soignantes, notamment du fait de la généralisation de la check-list au bloc, qui réduit les risques d’infection péri-opératoire. Malgré cela, les bactéries sont retorses, certaines résistances ne venant pas de là où on les attend. Nous ingérons, ainsi, de plus en plus d’antibiotiques via notre alimentation. Le bétail en est, en effet, un très gros consommateur : avec 1 200 tonnes absorbées tous les ans, il constitue un important « nid à BMR ».
Le Pr Fabri, vétérinaire, rappelle qu’« après soixante-dix ans d’utilisation clinique des antibiotiques, on connaît leur intelligence adaptative. À nous de nous adapter pour préserver leur efficacité ». Ces dix dernières années, deux plans de recherche ont été engagés en ce sens. Mais le bilan est décevant, et des mesures urgentes sont à prendre : « Le rôle des médecins référents doit être clarifié, les usagers mieux impliqués, et l’industrie doit investir davantage dans la recherche de nouvelles molécules », commente le professeur.
Or, très peu de moyens sont mis en œuvre dans la lutte contre le parasitisme, un problème qui inquiète le vétérinaire : « Il y a trente ans, on utilisait les antibiotiques comme facteur de croissance des animaux de rente. Il était évident qu’à force, on créerait des résistances, qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg ! Mais comme les laboratoires pharmaceutiques ont de gros intérêts dans le secteur, rien ne bouge. »
1– Source : « Maîtrise de la diffusion des bactéries multirésistantes aux antibiotiques », ministère de la Santé (http://bit.ly/gdw0O9).
2– Organisés par cette association de défense des patients et des usagers de la santé, ils se sont tenus au Palais des congrès de Paris les 27 et 28 janvier derniers.
3– Le 13 mars, le ministre de l’Agriculture Bruno Lemaire a néanmoins annoncé le lancement, en mai prochain, d’un plan pour diminuer les antibiotiques dans les élevages.