L'infirmière Magazine n° 278 du 01/05/2011

 

JUSTICE

ACTUALITÉ

Des peines de prison ferme ont été prononcées à leur encontre, pour violences et maltraitance envers des personnes âgées.

Choquée » par des pratiques brutales, une jeune infirmière avait donné l’alerte en septembre 2004. À l’époque, le ministre de la Santé et le délégué aux Personnes âgées(1) évoquent des « actes de barbarie » et réclament des « sanctions sévères », avant même que le juge d’instruction soit saisi. Suspendues de leurs fonctions depuis sept ans, Corinne Decrock, infirmière, et Véronique Boulanger, aide-soignante, ont été condamnées, le 12 avril dernier, à des peines d’emprisonnement respectives de 30 mois dont 18 avec sursis et 24 mois dont 12 avec sursis. Les deux quinquagénaires comparaissaient notam­ment pour des faits de « violences sur personnes vulnérables », « non-dénonciation de mauvais traitements », « administration de substances nuisibles » et « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », commis entre 2001 et 2004.

Témoignages accablants

À la barre du tribunal correctionnel d’Arras, l’absence d’une grande majorité des victimes, décédées entretemps, n’a pas empêché l’expression de témoignages accablants contre celles que les pensionnaires de la maison de cure Pierre-Brunet de Dainville (Pas-de-Calais) appelaient « l’équipe des dures de la nuit ». Coups de poing, gifles, contentions abusives, serviettes souillées portées au visage des patients : le procès a largement démontré la mal­traitance. Pour leur défense, les deux femmes ont invoqué l’usure, le comportement difficile des victimes et un grave sous-effectif : le binôme était seul pour s’occuper de 240 patients âgés.

Par ailleurs, les problèmes d’alcoolisme de Véronique Boulanger, connus de ses collègues et de sa hiérarchie, n’avaient pas empêché la médecine du travail de la déclarer apte. Placées en garde à vue après la dénonciation des faits, les soignantes ont été astreintes à un mois de détention provisoire. Remises en liberté sous contrôle judiciaire en octobre 2004, elles sont alors privées du droit d’exercer.

Pour Me Robiquet, avocat de Corinne Decrock, l’affaire a pris, « sous le coup de l’émotion », une ampleur « disproportionnée ». Il dénonce aussi les lenteurs de la justice. « Le juge d’instruction n’a pas fait son travail dans les délais. Tandis que le dossier est soi-disant clos fin 2005, la première audition de ma cliente n’a lieu qu’en octobre 2006 !, s’indigne-t-il. Ensuite, il ne se passe presque rien. Les expertises se suivent, on entend des victimes, des té­moins… Au bout de plus de deux ans, j’obtiens la confrontation de l’infirmière et de l’aide-soignante ! » À plusieurs reprises, il demandera le rapport de l’Igas(2), qui ne lui sera jamais communiqué. Le tribunal n’est saisi que fin 2010. L’ancienne médecin chef, jugée pour falsification de documents, est relaxée. Déclarées coupables, les deux soignantes avaient dix jours pour faire appel de leur condamnation.

1– Respectivement, Philippe Douste-Blazy, qui fit le déplacement à Arras en hélicoptère, et Hubert Falco.

2– Inspection générale des affaires sociales.