L'infirmière Magazine n° 278 du 01/05/2011

 

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

Le patient doit se sentir en confiance pour exprimer ses émotions et tenter de rechercher les causes de son mal-être.

De l’ordre du vécu et sans objet, face à laquelle il n’y a pas de solution, l’angoisse ne permet pas la représentation de la peur, et sera donc dramatique pour celui qui la vit. « Angoisse » vient d’un mot latin qui veut dire « passage étroit », « resserrement ». Cela traduit le fait d’avoir la gorge serrée, de mal respirer. Les crises d’asthme sont souvent des manifestations de l’angoisse. Il pourra, de même, y avoir des manifestations cardiaques, vasculaires, céphaliques. Ces manifestations font que l’on perçoit l’expérience de manière « déréelle ».

Verbalisation et réassurance

– « Bonjour, comment allez-vous ? »

La réponse vient toujours vous éclairer…

– « Bonjour, eh bien, je ne sais pas, je me sens bizarre » ou, bien plus directe : « Ça ne va pas ! »

Une ou deux petites questions, et la personne vous répond qu’elle ne sait pas pourquoi, elle n’a aucune raison, mais c’est là… L’angoisse se manifeste par un très fort sentiment d’inquiétude qui a des répercussions négatives sur le comportement du patient.

La prise en charge repose sur une écoute du patient (verbalisation, dédramatisation de la situation, et réassurance). Il s’agit d’écouter avec attention, d’être présent, de reprendre calmement les questions. La parole est un excellent moyen de soulager l’angoisse. Les inquiétudes non exprimées ont rapidement tendance à devenir difficiles à supporter. La parole permet de défocaliser l’attention du patient des menaces externes ou de sensations internes anxiogènes, d’orienter cette attention vers un essai de détente d’une partie du corps comme les muscles du bras ou des épaules, et, surtout, de modifier le rythme respiratoire. Celui-ci doit être le plus lent et le plus « superficiel » possible, bouche fermée et en s’aidant d’une respiration abdominale plutôt que thoracique. Les respirations amples et l’hyperventilation favorisent en effet l’hypocapnie, responsable de nombre des symptômes somatiques. Il ne faut pas banaliser une expression anxieuse, mais se monter serein et posé.

Des mesures à mettre en œuvre

Il est très important de rechercher d’autres signes et comportements se rapportant à l’angoisse : noter les mécanismes de défense mis en place, les troubles du patient, et rester près de lui. Il est essentiel de lui permettre d’exprimer ses émotions et de le rassurer, d’échanger avec lui sur ses comportements. On pourra utiliser les techniques de relaxation, se montrer disponible, le toucher. Autres préconisations : l’isoler du stimulus extérieur ; rechercher avec lui la cause de l’angoisse majeure ; faire la chronologie des événements précédant la crise ; effectuer une prise des constantes et rechercher les signes de gravité (douleurs thoraciques, sudation excessive…) et, éventuellement, mettre en place des mesures d’isolement. Elles permettent, en général, d’interrompre la crise. Il faut ensuite expliquer au patient ce qu’il vient de vivre.

Différencier les troubles

On différencie le trouble panique (correspondant à des crises d’angoisse aiguë survenant de manière périodique) et l’anxiété permanente. La crise d’angoisse aiguë se rencontre fréquemment en psychiatrie, en médecine d’urgence et en médecine générale. Le trouble panique dure une demi-heure à une heure, avec une intensité maximale atteinte en quelques secondes ou quelques minutes, et se reconnaît surtout à l’évocation de l’impression de perte de contrôle totale que ressentent les patients qui y sont confrontés. Les attaques de panique correspondent à la survenue brutale d’une sensation de peur intense qui s’accompagne de symptômes psychiques, physiques et comportementaux Le comportement du patient peut être très variable : agitation désordonnée, fuite immédiate d’un lieu considéré comme dangereux ou, au contraire, inhibition plus ou moins marquée, jusqu’à la sidération totale.

→ Les attaques de panique sont de quatre types :

– de survenue spontanée (sans éléments déclenchants, et donc imprévisible) ;

– secondaires à des peurs préalables ou à un état psychologique particulier (anxiété phobique ou humeur dépressive, par exemple) ;

– déclenchées par des événements traumatisants intenses ;

– favorisées par une prise de toxiques ou par une maladie organique.

→ Les crises dites de « spasmophilie » (terme utilisé pour décrire les formes légères de « tétanie ») correspondent le plus souvent à des attaques de panique, marquées par des manifestations respiratoires (hyperventilation). Il est surtout important de recueillir le plus d’informations possible sur les antécédents du patient et les circonstances de la crise. Une écoute attentive du discours du patient est naturellement indispensable.

Pour conclure, quatre axes sont importants dans une prise en charge de l’angoisse :

– se donner le temps de la disponibilité. Il est très important de pouvoir rester avec le patient. Une analyse solide de l’événement repose sur l’observation des signes cliniques de la crise et la prise en charge impose une relation étroite avec celui-ci ;

– savoir détecter l’angoisse sur le visage du patient. Le silence brusque d’une personne ou des traits subitement fermés, tendus, anxieux, sont autant de signes prémonitoires d’une crise ;

– parler au patient : la parole est rassurante ;

– passer, éventuellement, par la relaxation pour aller du physique au psychologique.

Il faut garder à l’esprit que la présence rassurante d’un professionnel permet très rapidement de réduire l’intensité de la crise ou de la faire cesser.

Deux approches possibles

A priori, n’importe quel anxiolytique a pour fonction de lutter contre l’anxiété, qu’elle soit normale ou pathologique. Cependant, il faut trouver le bon médicament, c’est-à-dire celui que la personne supporte le mieux, et qui a les meilleurs effets thérapeutiques. En face d’une personne donnée, dans une situation donnée, les statistiques d’efficacité ne sont qu’un des éléments du choix. Il existe deux manières d’aborder un symptôme, comme toujours en médecine :

→ traiter le symptôme en cherchant à le faire disparaître (traitement symptomatique) ;

→ ou comprendre le symptôme, pour l’éradiquer à la source. Les deux démarches ne devraient pas être exclusives l’une de l’autre. Se débarrasser d’emblée du symptôme est une sorte de fuite. Prendre le temps de le comprendre, c’est aussi laisser un moment la personne dans sa souffrance. Les personnels au contact des malades, comme les infirmiers, sont parmi les plus à même de « comprendre » le malade et sa maladie. Cela suppose toutefois formation et soutien.