L'infirmière Magazine n° 281 du 15/06/2011

 

SCHILTIGHEIM

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS

Depuis 2010, la plus grande maternité d’Alsace n’utilise plus que des couches lavables, « économiques et durables ». Objectif : réduire le volume de déchets.

Les couches lavables n’ont rien à voir avec les langes d’antan. » Pierre Boëdec, ingénieur à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) en Alsace, lève tout de suite les a priori et réfute la thèse selon laquelle les changes réutilisables seraient synonymes de régression pour les femmes. « Les couches lavables d’aujourd’hui sont simples d’utilisation, saines, colorées… Elles sont aussi économiques et durables », poursuit-il(1). Dans le seul département du Bas-Rhin, 12 500 tonnes de couches souillées par des nouveau-nés sont jetées chaque année. Sachant qu’un enfant consomme en moyenne entre 4 000 et 6 000 couches avant d’être propre, l’Ademe préconise l’utilisation de changes lavables dans les structures d’accueil de la petite enfance et les maternités. En Alsace, l’agence a soutenu et accompagné en ce sens le Centre médico-chirugical et obstétrical de Schiltigheim. Avec 3 400 naissances enregistrées en 2010, le CMCO est la plus grande maternité d’Alsace, également l’une des rares en France à avoir généralisé les changes réutilisables. Après avoir mené une première phase d’expérimentation, en 2009, l’établissement fonctionne désormais exclusivement avec des couches lavables.

Convaincre le personnel

« La première difficulté a été de convaincre le personnel, souligne Nadine Knezovic-Daniel, sage-femme et cadre supérieure de santé. Dans les équipes, nous avions les convaincues, les indifférentes et les réfractaires, qui ne voulaient pas en entendre parler. Il a fallu faire comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une lubie des cadres dirigeants, mais d’une véritable réflexion sur la réduction des déchets… » Réunions et formations ont permis de lever les freins. Pour le personnel, les changements sont minimes, il suffit en effet de déposer les langes à laver dans un collecteur spécifique. Le nettoyage et la collecte étant assurés par « Couches Éco’service », un prestataire extérieur. Cette association locale travaille elle-même avec un Esat(2), qui fabrique les couches, et une entreprise d’insertion chargée de les nettoyer. « Avec un tel système, nous faisons travailler l’économie locale », se félicite la sage-femme. Pour la maternité, le dispositif n’est pas synonyme d’économies financières, mais il ne coûte pas plus cher qu’auparavant. « Notre but était vraiment de réduire nos déchets : la maternité utilisait auparavant 80 000 couches jetables par an », indique Nadine Knezovic-Daniel.

Choix laissé aux parents

Du côté des familles, l’établissement mise sur la sensibilisation à l’éco-citoyenneté. « Nous n’imposons rien, nous proposons. Les mamans sont informées avant leur accouchement de la démarche de la maternité », explique la sage-femme. S’ils le souhaitent, les parents peuvent utiliser des couches jetables, mais ils doivent les apporter. Bilan : 70 % des familles font le choix des lavables durant leur séjour à la maternité, 80 % se disent très satisfaites d’avoir pu les tester, mais seulement 6 % prolongent l’expérience de retour au domicile.

Des émules ?

Intéressées par la démarche, une dizaine de maternités ont déjà pris contact avec le CMCO pour s’informer. « L’Ademe peut accompagner les établissements et même financer les études préliminaires à hauteur de 70 % », rappelle Pierre Boëdec. Ce dernier est persuadé que les structures collectives vont progressivement adopter les couches lavables. Avec le Grenelle de l’environnement, à partir de 2012, les collectivités devront en effet réduire de 7 % la production d’ordures ménagères. Si les crèches s’y mettent peu à peu, les maisons de retraite semblent encore très loin d’intégrer une démarche similaire. L’incontinence des adultes, qui représente un « gros potentiel », selon Pierre Boëdec, demeure un sujet tabou.

1- Les propos rapportés dans cet article ont été tenus lors du colloque « Hygiène hospitalière et développement durable », organisé jeudi 12 mai à Strasbourg par le Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (Cclin) Est.

2- Établissement et service d’aide par le travail. Les Esat ont remplacé les CAT.