L'infirmière Magazine n° 281 du 15/06/2011

 

FRANCOPHONIE

ACTUALITÉ

Pour le Sidiief, l’instauration d’un cursus universitaire bénéficiant à l’ensemble des infirmières paraît nécessaire pour la profession, mais aussi pour l’efficacité du système de soins.

Depuis les accords de Bologne de 2002, la « révolution » LMD est en marche en Europe. Par ailleurs, certains pays francophones ont déjà opté pour une formation à la fois universitaire et disciplinaire(1) au métier d’infirmière. Mais les compétences, qualifications, programmes de formation et cursus varient d’un pays francophone à l’autre : brevet professionnel en France et en Belgique ; niveau « bachelor » acquis en « grandes écoles » en Belgique, en Suisse, au Québec ; ou à l’université, au Québec(2). La formation dure trois ans ici, trois ans et demi voire quatre ailleurs. Et les possibilités de poursuivre en 2e ou 3e cycle universitaire ne sont offertes que dans les pays proposant un niveau « bachelor »…

« Filière disciplinaire »

Pour Suzanne Kérouac, professeur émérite à la faculté de sciences infirmières de l’université de Montréal, l’universitarisation de la formation doit être l’occasion d’en réhausser le niveau. À condition qu’elle « s’appuie sur des savoirs disciplinaires et développe de nouveaux savoirs mis à jour par la recherche », a-t-elle martelé, lors d’une récente réunion du Sidiief(3). Infirmières, enseignants, gestionnaires, chercheurs mais aussi politiques pourraient ainsi converger au service d’une « stratégie de changement ».

Walter Sermeus, de l’Université catholique de Louvain (Belgique), a rappelé que le niveau de qualification des infirmières, le ratio infirmières-patients et certains indicateurs comme la satisfactio au travail influent sur la qualité des soins. Loin, donc, de constituer « seulement un coût, a-t-il souligné, c’est un investissement ».

L’Université de Louvain a conçu un plan d’action pour la formation des infirmières en Belgique. Il s’agit, par exemple, de promouvoir « l’art infirmier » auprès des étudiants issus de l’enseignement secondaire général, pas suffisamment attirés, selon Walter Sermeus, par ces filières non universitaires.

Deux cursus de formation infirmière, l’un professionnel, l’autre en grandes écoles, cohabitent en effet en Belgique, ce qui brouille le message. Ce plan propose aussi de différencier les fonctions des professionnels au service du soin, de faire en sorte que les enseignants soient titulaires d’un diplôme supérieur à celui de leurs étudiants et continuent d’avoir une activité clinique, mais également de donner des objectifs aux établissements en termes d’« indicateurs sensibles aux soins infirmiers » (« nursing-sensitive outcomes »).

Bénéfices directs

Avec une filière universitaire entière créée en quatre ans, la Suisse francophone a une longueur d’avance… et attire un nombre croissant d’étudiants. « Il faut avoir une réflexion en profondeur : il ne s’agit pas de placer les instituts de formation sous la dépendance des facultés de biologie ou de médecine », mais bien de privilégier un modèle disciplinaire, a insisté Jacques Chapuis, directeur de l’école La Source, à Lausanne, et vice-président du Sidiief. Selon le mémoire qu’il a présenté, le souci d’efficacité et d’efficience commande que l’infirmière soit « formée à l’université ». Pour lui aussi, l’expertise infirmière est d’abord un investissement, source de « bénéfices directs ». Et d’ajouter : « À nous de démontrer qu’une dotation en infirmières suffisamment bien formées aide à réduire les coûts. »

L’organisme propose également de standardiser les cursus, de former les jeunes diplômés à la recherche et, surtout, de créer les trois cycles de la filière infirmière d’un seul coup, en l’ancrant d’emblée dans la pratique de la discipline. Sans prendre, ainsi, le risque qu’une phase de transition mettant en place le seul niveau licence, en attendant les deux suivants, devienne ensuite définitive.

1- Tout au long de cet article, le terme « disciplinaire » s’entend comme « propre à une discipline », en l’occurrence celle des sciences infirmières.

2- Ce classement en formations de niveau brevet professionnel ou bachelor correspond à une norme internationale. Par « bachelor », comprendre niveau licence universitaire.

3- Le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone a organisé une demi-journée de réflexion sur les enjeux de l’universitarisation de la formation des infirmières, le 25 mai, à Bruxelles.