HYGIÈNE
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DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS
L’utilisation du cuivre sur les surfaces de contact pourrait aider à mieux lutter contre les infections nosocomiales. Pour autant, certains spécialistes réclament plus de preuves.
Chaque année en France, plus de 5 % des patients sont touchés par une maladie nosocomiale et plus de 4 200 en meurent, selon une estimation de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé
L’utilisation du cuivre pour réduire la présence de ces bactéries entraînera peut-être le grand retour de ce métal. Il y a sept mille ans, Égyptiens et Grecs s’en servaient déjà : « Ils fabriquaient une pommade très efficace contre les maladies de peau en broyant de la malachite, un minerai qui se forme dans la zone d’oxydation des sulfures de cuivre », décrit Paul Becquevort, chef de projet à l’Institut européen du cuivre
Le choix du directeur du Cigma s’appuie sur des travaux de l’université de Southampton (Grande-Bretagne) qui ont démontré, en 2006, les propriétés antimicrobiennes du cuivre. Le 4 avril dernier, en partenariat avec l’Institut européen du cuivre, la même université a réalisé une expérience diffusée en direct sur Internet : on pouvait y observer comment la quasi-intégralité des 10 millions de staphylocoques dorés résistant à la méticilline déposés sur un morceau de cuivre d’un centimètre carré étaient tués en moins de huit minutes. Sur une surface témoin en inox, les bactéries continuaient, au contraire, à se développer.
Alors, arme fatale contre les bactéries, le cuivre ? Pour Marie-Christine Burnier, chargée du développement durable à la Fédération hospitalière de France (FHF) et directrice de la revue Techniques hospitalières, la vigilance s’impose, tant on assiste actuellement à une « offensive des industriels du cuivre dans la lutte contre les infections nosocomiales ». Le Pr Philippe Hartemann, chef du service d’hygiène hospitalière du CHU de Nancy et pilote de la commission développement durable, environnement et hygiène de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), se montre, lui, « très réservé sur le sujet ». Voilà vingt ans qu’il travaille sur le cuivre, utilisé au CHU de Nancy dans des cocktails désinfectants et dans les tuyaux de distribution de l’eau. « L’ion cuivre est un matériau intelligent, car c’est un activateur de radicaux libres. Il existe quantité d’études qui démontrent une certaine efficacité du cuivre, mais, à terme, les surfaces finissent tout de même par être contaminées par des biofilms », nuance-t-il.
Quant à la capacité du précieux métal à réduire les infections nosocomiales, le scientifique attend des preuves : « Je n’ai jamais assisté à aucune expérience prouvant un lien entre le cuivre et la réduction des infections nosocomiales. C’est un peu la même chose qu’avec les tapis pelables posés à l’entrée des blocs opératoires. Certes, ils permettent de retenir la poussière, mais il n’a jamais été prouvé qu’ils fassent baisser le risque d’infections. »
Autre réticence, la question du prix. Selon Paul Becquevort, le coût des installations en cuivre est bien plus élevé que celui des mêmes en plastique, mais égal à celui des installations en inox de bonne qualité. Philippe Hartemann estime, lui, qu’il s’agit d’un « investissement trop lourd face aux risques de vols, très fréquents. Je hiérarchise les mesures ; la priorité reste de bien respecter les procédures de lavage des mains ».
1– Rapport de 2006, disponible ici : http://bit.ly/opeps-in
2– Propos tenus dans le cadre de son intervention à une table ronde sur le cuivre lors des états généraux de l’association Le Lien, les 27 et 28 janvier 2011.