ÉDITORIAL
Il y a, semble-t-il, des mots que l’on ne partage pas. Le mot « consultation » est de ceux-là. Concours de circonstances ? À plusieurs reprises, ces dernières semaines, j’ai été interpellée à ce sujet. Lors d’une rencontre informelle, plusieurs infirmières de santé au travail me confiaient que le médecin du travail les sommait de ne pas employer ce terme sacré pour désigner les entretiens qu’elles organisent dans l’entreprise. « Consultation », ce serait presque un gros mot appliqué au travail infirmier ?
Voilà quelques jours, rebelote aux États généraux infirmiers (lire p.6), où l’on rendait compte d’une levée de boucliers contre ce terme, dans certains établissements, de la part de médecins qui allaient jusqu’à mettre en cause l’utilité de la consultation infirmière. Des réactions qui en disent long sur le chemin qu’il reste à parcourir pour une vraie reconnaissance de cette évolution du métier, pas uniquement dans les textes (et je ne parle même pas de rémunération), mais également sur le terrain. Ces résistances sont d’autant moins acceptables qu’elles apparaissent en pleine contradiction avec les enjeux du monde de la santé et les nouveaux besoins pour lesquels on parle de coopération et de pratiques avancées. À l’heure où l’éducation thérapeutique se déploie, où la prise en charge des maladies chroniques et des cancers s’intensifie, les infirmières ont beaucoup à apporter. On le constate par exemple en oncologie, là où les consultations d’annonce du cancer sont aujourd’hui bien rodées. L’information livrée au patient se personnalise et prend en compte de nouveaux questionnements : vie quotidienne, accès aux soins esthétiques, situation professionnelle… L’infirmière joue alors un rôle pivot, de coordination, et contribue ainsi à une médecine plus humaine. Les patients le lui rendent bien d’ailleurs. Lors des États généraux infirmiers encore, un cadre de santé révélait que si les médecins ne parlent pas si facilement de cette consultation aux patients, ces derniers expriment le souhait que l’infirmière soit pour eux une référente. Alors, cessons de jouer sur les mots.