VIH
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES… COLLOQUES
Un collectif associatif interpelle politiques et soignants sur les spécificités féminines de l’infection par le VIH. Il déplore le manque d’attention dont souffrent les patientes.
Au-delà de nos résultats biologiques, CD-4 et charge virale, les médecins ne nous écoutent pas : si je dis que j’ai une douleur ici, on présuppose que c’est somatique et on m’envoie chez le psy ! » Ce ras-le-bol, exprimé lors d’une journée consacrée, ce printemps, au VIH chez les femmes
« Les médecins doivent soigner une patiente, pas une maladie », ont plaidé les participantes d’un atelier consacré à la prise en compte du corps féminin par le monde médical. Anne Constans, sage-femme lyonnaise, a souligné la banalisation complète du suivi des femmes séropositives en maternité : « On organise un accouchement sous perfusion, on surveille les CD-4, et puis on se dit tellement qu’elles sont des mères comme les autres que la spécificité, l’individualité sont gommées. Comme la moitié des femmes séropositives apprennent leur maladie au moment de la grossesse, elles sont encore sidérées, et tout est renvoyé vers le psychologue. »
La sexualité, la perte du désir ou de l’envie de séduire ont également été évoquées, ainsi que le besoin d’activité pour revaloriser le corps et l’estime de soi. Toutes les patientes ont noté que les professionnels de santé continuaient de traiter différemment les femmes et les hommes : une femme séropositive reste invisible et encore incongrue dans le paysage sanitaire français, ont-elle résumé, estimant de ce fait qu’« un véritable effort d’information et de prévention reste nécessaire envers les jeunes, mais aussi envers les professionnels de la santé et du secteur social ».
1- Les 4 et 5 mars derniers se sont déroulées les rencontres annuelles du collectif interassociatif Femmes et VIH. Les propos rapportés dans cet article y ont été tenus.
L’I.M. : Pourquoi vous être penchée sur ce sujet ?
M.G. : Il n’existait aucune étude. Avant de réfléchir à la prise en charge, il était utile de savoir ce que les femmes vivent et disent des lipodystrophies.
L’I. M. : Qu’avez-vous découvert ?
M. G. : Cette modification de la répartition des graisses dans le corps n’arrive pas du jour au lendemain ; chaque femme le vit à sa façon. L’impact sur leur vie est important et très stigmatisant. Ce qui m’a choquée, c’est que les femmes ne sont pas averties de ce potentiel effet secondaire. L’année dernière, une étude canadienne sur la lipoatrophie faciale et les traitements réparateurs a montré que les hommes sont plus informés que les femmes et bénéficient de plus de réseaux et services. Les femmes sont laissées à elles-mêmes face à ce qui se passe dans leur corps. Elles en payent le prix par une grande détresse psychologique.
L’I.M. : Pourquoi les soignants n’interviennent-ils pas auprès d’elles ?
M.G. : Ils ne sont pas équipés. J’ai organisé des ateliers sur les lipodystrophies et j’ai été surprise du manque de connaissances. Au Canada, les infirmières ont adopté les mêmes perspectives biomédicales que les médecins, alors que notre rôle est supposé différent, plus dans le lien, le plaidoyer en faveur du patient. Au lieu de quoi, elles évoquent de mauvaises habitudes alimentaires ou disent que ces modifications sont liées à la ménopause. Des infirmières françaises m’ont contactée pour me dire qu’elles vivent la même chose ici et cherchent des outils pour mieux intervenir sur ce sujet.
1-« Femmes vivant avec le VIH-sida et lipodystrophie : vers une compréhension qualitative du processus de transformations corporelles », de M. Gagnon, 2010, dans Aporia : La revue en sciences infirmières, 2 (3), 32-40.