DIABÈTE
SUR LE TERRAIN
INITIATIVE
Le 2 avril dernier, l’association de parents « Il nous pompe ce diabète ! » organisait, à Troyes, la sixième édition de ses « Rencontres du 1er type ». Une journée d’échanges, sur le mode festif.
Un brouhaha de voix. Des cris d’enfants, ravis de retrouver « leurs copains ». Des parents qui se hèlent au milieu d’une foule de près de 500 personnes. Samedi 2 avril dernier, les membres de l’association « Il nous pompe ce diabète ! » se retrouvaient à Troyes pour la sixième édition de leurs « Rencontres du 1er type ». Un jeu de mots traduisant la nature de la structure : une association familiale, créée en 2005 par des parents d’enfants atteints de diabète de type 1, caractérisé par un manque total ou partiel de production d’insuline par l’organisme. Retrouvailles, accolades, distribution de badges et de T-shirts… Les animateurs de la journée ont bien du mal à contenir la marée de petits et grands venus en famille. Au programme pour les enfants : ateliers et jeux, activités sportives et dégustation de chocolat (sans sucre !). Pour les parents, « s’informer, échanger des tuyaux, des astuces. De celles qui peuvent changer un quotidien », explique Dominique, maman d’Amaury, 9 ans. Conférence et tables rondes sont prévues. Car le rassemblement, sous ses airs bon enfant, « c’est une éducation par les pairs », explique Isabelle Mezureux, infirmière en formation à l’IFCS de Metz, venue avec ses fils, dont Stanislas, diabétique…, comme elle-même.
« Et le tien, il va à la piscine lui aussi ? Comment ça se passe avec l’instit ? En vacances avec ses grands-parents ? Et son cathéter, ça l’irrite ou non ? Parce que mon fils… » Marraine de l’association, Véronique Sulmont, médecin, responsable jusqu’à il y a six mois de l’équipe d’endocrino-diabétologie pédiatrique du CHU de Reims, et aujourd’hui en poste à Annemasse-Bonneville, en est convaincue : les associations familiales ont un rôle fort à jouer dans l’apprentissage du « vivre avec la maladie ». Avoir été fondées par et pour des familles, voilà leur force, souligne-t-elle, « voilà ce qui leur permet de mettre en avant tout ce qui ne peut s’apprendre et se transmettre qu’entre patients, et entre parents ».
À voir la foule présente ce jour-là, l’on perçoit combien l’initiative correspond à un réel besoin. Les paroles et les attitudes sans fard des enfants le disent aussi. Celles de Thomas, 6 ans, qui découvre « qu’il n’est pas tout seul à être comme ça – diabétique ». La témérité d’une demoiselle de 4 ans tout au plus, qui a pris sur elle pour aller demander à Hugues, 46 ans, de soulever son T-shirt, pour voir la pompe à insuline qu’il porte, tout comme elle. « Alors, on peut grandir, devenir aussi âgé, même avec une pompe ? », voudrait dire son silence. Cette soif de partage d’expériences, Isabelle Gillard, présidente et fondatrice de l’association, la mesure bien. C’est suite à l’afflux de demandes de rencontre sur le site qu’elle avait créé en 2001 pour témoigner du quotidien de sa fille Lucille, atteinte du diabète et portant une pompe à insuline, que l’idée de créer l’association est née. « Nous avions commencé par des échanges téléphoniques, des dîners informels de parents. Mais nous devenions trop nombreux. Nous avons voulu passer à l’étape supérieure. » Aujourd’hui, outre sa journée de rencontre annuelle, Il nous pompe ce diabète ! organise aussi week-ends de formation et conférences.
Soif d ’échanges, car, même si tous ici sont animés d’une même volonté, le bien-être de leur enfant, les vécus de chacun, y compris hospitaliers, sont parfois très disparates. Et disparité ou nuances dans l’accompagnement proposé à leur enfant ébranlent les familles. Audrey, 16 ans, le constate avec ses mots d’ado : « Pourquoi puis-je dévorer de la barbe à papa quand d’autres enfants n’ont jamais mangé un carré de chocolat de leur vie ? » Et les parents s’arrachent parfois les cheveux : « Le sport, c’est permis ? Mais à quelle dose ? Sous quelles conditions ? » « Moi, on m’a dit qu’il ne valait mieux pas » versus « mais mon fils fait du foot tous les mercredis ! » Élève à l’Ifsi de Reims, où Isabelle Gillard a repris ses études, Matthieu, venu avec une dizaine de camarades encadrer les enfants pour la journée, le reconnaît, les idées reçues sur le diabète ne manquent pas, y compris chez les soignants.
Ici, note-t-il, « la plupart des enfants maîtrisent bien mieux leur maladie que nous, élèves infirmiers » ! Il n’avait jamais vu de pompe à insuline avant aujourd’hui. Encore moins de capteur de glycémie en continu… Il vient de découvrir l’outil en entendant sonner celui que porte la jeune Lou-Anne !
Encore posés en France à titre expérimental et donc non remboursés par la Sécurité sociale, ces capteurs sont, pour le moment, peu portés. Certes. Mais c’était aussi le cas, il y a peu, des pompes à insuline, remboursées depuis 2000 seulement…, « et dont toutes les équipes de diabétologie sont loin d’être des adeptes », fait remarquer Isabelle Mezureux. « Quand elles les connaissent ! », ajoute-t-elle, évoquant le cas d’une camarade de l’IFCS, faisant fonction en service de diabétologie, et n’ayant jamais vu de pompe de sa vie. Les histoires des uns et des autres ne manquent pas à ce propos, telle celle de Dominique. « Lasse de piquer mon fils, j’ai voulu, avec lui, qu’on lui installe une pompe. Ça n’a pas été simple ! Le médecin qui suivait Amaury jusque-là nous a fait lanterner des mois avec de faux arguments, l’équipe suivante ne nous parlait que de risques, jamais d’avantages… Il a fallu une troisième rencontre pour trouver “le” médecin, celle qui, à l’écoute de notre souffrance, nous a reçus en trois jours et a posé la pompe de mon fils. Depuis, il revit ! »
Bien sûr, reconnaît l’association, la pose d’une pompe nécessite équipement des services, formation des équipes… et des familles. Et elle peut moins bien convenir à certains que les classiques injections. Il n’empêche. La variabilité des expériences vécues en la matière hérisse ses membres. Qui clament, en écho, la richesse du partage d’expériences que permet le regroupement associatif. Échanges entre familles, avec les sept médecins venus ce jour-là, ou encore avec les laboratoires et les prestataires de services présents eux aussi. « Une présence intéressante, note Séverine, mère de Maxence, car les pompes ne sont pas toutes les mêmes. L’une peut convenir à votre fils et pas l’autre, et les services hospitaliers ne les ont pas toujours toutes à disposition. »
Conférence du Dr Véronique Sulmont sur « les premières fois du diabète » – annonce du diagnostic, première hypoglycémie, première rentrée des classes, première fois au volant… Toutes ces premières fois qui, comme elle le dit, « raniment à chaque fois les angoisses du départ, quel que soit l’âge ». Intervention de l’association « Sport et diabète », que les parents écoutent tout ouïe, avant qu’un peu plus tard, les 160 enfants présents ne les rejoignent pour entendre le témoignage du cycliste Kyle Rose, diabétique, qui a traversé les États-Unis à vélo. Les questions fusent ! Et les échanges sont tout aussi rythmés lors des tables rondes de l’après-midi. Celles sur « l’entrée en maternelle » et « le diabète pour les nuls » sont prises d’assaut, quand « le passage à l’âge adulte » rassemble les ados. S’y disent mille petites choses qui ne sont jamais sorties avant. Des peurs de l’avenir, des récits de crises d’hyperglycémie que l’on ne se sent de confier qu’à ceux qui vivent la même chose. Des interrogations que l’on n’a pas osé formuler à son médecin. Essentiel, souligne Isabelle Mezureux, « car si l’éducation thérapeutique dispensée aux patients et à leurs familles depuis plusieurs années a certes changé la donne dans l’apprentissage du vivre avec la maladie, elle reste encore trop souvent une histoire d’interdits alimentaires et de maîtrise des taux de glycémie ». Essentiel aussi « tant l’échange entre familles apporte autre chose que l’accompagnement par des équipes professionnelles ». Jennifer, venue avec sa fille Candy, 4 ans, conclut : « Ici, on apprend autrement qu’à l’hôpital. Et l’on se sent moins seul. »
Association « Il nous pompe ce diabète ! », 71, avenue de Reims, 51420 Witry-les-Reims.
Tél. : 03 26 49 87 06
Mail : ilnouspompe@-diabetenaute.net
Site Internet : ilnouspompe.diabetenaute.net
Conviés à Troyes, les membres de l’association de diabétiques « Dextro en fête » n’ont pas boudé leur plaisir. « Dextro est née il y a trois ans, avec l’idée de pallier le manque de communication entre diabétiques », explique Hugues Caffiaux, son fondateur. Modalité d’action : un tchat audio-vidéo sur Internet, ouvert 24 h sur 24, avec 1 500 inscrits à ce jour. Soirées à thème, quiz, témoignages, tchat de parents, de diabétiques de type 2… Et l’association vient de créer un réseau social.