FONCTION PUBLIQUE
JURIDIQUE
Cette situation statutaire d’un fonctionnaire obéit à des règles distinctes de celles du détachement et de la disponibilité (qui seront traités dans un prochain numéro). Nous l’illustrerons avec le cas d’un agent mis à disposition de l’Ordre infirmier.
La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d’origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir. Elle ne peut avoir lieu qu’avec l’accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l’administration d’origine et l’organisme d’accueil. Seuls les fonctionnaires titulaires et les agents non titulaires sous contrat à durée indéterminée peuvent en bénéficier. La mise à disposition est possible auprès :
→ de certains établissements publics tels que les hôpitaux, les syndicats interhospitaliers et la plupart des maisons de retraite publiques (liste exhaustive dans la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, article 2).
→ de l’État et de ses établissements publics.
→ des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
→ des entreprises liées à l’établissement de santé employeur, notamment en vertu d’un contrat soumis au code des marchés publics ou d’un contrat de délégation de service public.
→ des organismes contribuant à la mise en œuvre d’une politique de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs, pour l’exercice des seules missions de service public confiées à ces organismes.
→ des organisations internationales intergouvernementales.
→ d’États étrangers, à la condition que le fonctionnaire conserve, par ses missions, un lien fonctionnel avec son administration d’origine.
Nous pouvons, pour illustration, poser la question de savoir si un agent de la fonction publique peut être mis à disposition de l’Ordre infirmier.
L’Ordre infirmier ne peut être assimilé à aucun des établissements, structures ou organisations évoqués plus haut. Nous pouvons cependant nous demander s’il ne peut être considéré comme « un organisme contribuant à la mise en œuvre d’une politique de l’État ». Le législateur n’a pas défini la nature juridique des ordres professionnels. Dans le silence de la loi, la jurisprudence est venue clarifier ce statut. Le Tribunal des conflits considère, ainsi, que les ordres professionnels « présentent le caractère d’organismes privés même si, à certains égards, ils sont investis d’une mission de service public » (TC, 13 février 1984, n° 02314). Il ne s’agit donc pas d’établissements publics (CE, 2 avril 1943, n° 72210), mais de structures de droit privé exerçant des prérogatives de puissance publique.
La circulaire n° 2167 du 5 août 2008 relative à la réforme de la mise à disposition des fonctionnaires de l’État précise que la mise à disposition est possible dans un organisme concourant effectivement à la définition ou à la mise en œuvre d’une politique publique, c’est-à-dire qu’il exerce une ou plusieurs missions de service public.
Dans une réponse écrite à l’Assemblée nationale (réponse ministérielle n° 75990, JOAN du 18 mai 2010 p.5601), la ministre de la Santé a souligné que « l’Ordre est chargé d’organiser la profession d’infirmier dans le cadre d’une mission de service public que l’État lui a déléguée ». L’Ordre infirmier est, en effet, le garant de la compétence, de la moralité et de la qualité de l’exercice professionnel des infirmiers. Il lui appartient d’établir et d’actualiser un tableau auquel ne peuvent être inscrits que les professionnels qui remplissent les conditions légales et de moralité requises pour exercer la profession. Cette inscription est obligatoire pour quiconque veut exercer la profession d’infirmier en France, hormis les infirmiers des Armées.
Les infirmiers qui ne respectent pas les principes de dévouement, de compétence ou de moralité comparaissent devant leurs pairs au sein des chambres disciplinaires. L’Ordre est, par ailleurs, l’interlocuteur, parfois le conseiller, des pouvoirs publics ; il donne notamment son avis sur les projets de règlements, de décrets ou de lois qui lui sont soumis par les autorités.
L’Ordre infirmier est donc, sans ambiguïté, un organisme contribuant à la mise en œuvre d’une politique d’État, assurant une mission de service public. Un agent de la fonction publique peut, ainsi, être mis à sa disposition.
Précisons que cette mise à disposition, d’une durée maximale de trois ans, renouvelable par périodes ne pouvant excéder cette durée, est assortie du remboursement par l’établissement d’accueil (l’Ordre, ici) des rémunérations, charges sociales, frais professionnels et avantages en nature des intéressés, et de la passation d’une convention avec leur employeur.
La mise à disposition peut prendre fin à la demande du fonctionnaire, de l’organisme d’accueil ou du ministère gestionnaire avant son terme, dans le respect des règles de préavis prévues dans la convention conclue. L’agent qui ne peut être affecté aux fonctions qu’il exerçait précédemment est affecté à l’un des emplois que son grade lui donne vocation à occuper.